Page images
PDF
EPUB

La perte totale était estimée par lui à 80.000 £ environ; « mais considérant la difficulté d'atteindre toutes les pièces légères actuellement existantes, il (M. Goschen) pense qu'une somme ne dépassant pas 50.000 € sera nécessaire en cette présente année fiscale ». Comme on le sait, la dépense est entièrement supportée par l'État ; mais en présentant son projet, M. Goschen a formellement déclaré que le vote n'impliquerait nullement la déclaration que c'est à l'État que doit incomber la perte sur les monnaies hors de cours. En fait, M. Goschen veut bien que l'État rétablisse la monnaie d'or, mais à la condition qu'il trouvera dans la circulation fiduciaire des bénéfices suffisants pour compenser entièrement cette perte. Pour l'opération en cours, c'est le bénéfice sur les monnaies d'argent et de cuivre qui sera partiellement employé ; ce bénéfice se monte actuellement à 130.000 £ environ.

Cette refonte de monnaies et l'examen qui en résulte vont donner lieu à une nouvelle estimation du stock d'or de l'Angleterre. Deux banquiers connus pour leurs travaux de statistique, MM. John B. Martin et R.-H. Inglis Palgrave ont, en effet, sollicité des diverses banques un Rapport sur la composition de leur encaisse or du 8 au 15 août, et dans quelle proportion y figuraient les monnaies à retirer. L'examen a porté sur plus de 5 millions de pièces, sur lesquelles près de 4 millions de souverains. Les résultats de l'échange à la Banque d'Angleterre fourniront d'autres données, et il sera sans doute possible alors, en employant une méthode connue, d'évaluer par approximation les monnaies d'or existant en Angleterre. Il y aura lieu de revenir sur cette question en temps opportun.

G. FRANÇOIS.

LES BANQUES ET LA CIRCULATION FIDUCIAIRE

DANS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE

Le territoire de la République Argentine ne comprend pas moins de 300 millions d'hectares. Il est égal à six fois celui de la France et au tiers de l'immense territoire des Etats-Unis, y compris l'Alaska. La moitié, à peu près, de ces 300 millions d'hectares est définitivement occupée par une population d'environ 4 millions d'àmes, dont la très grande majorité est d'origine latine. Le groupe latin de la République Argentine se trouve, par suite, quant à la population, égal sinon supérieur au groupe anglo-saxon de l'Australasie tout entière 1.

Le développement économique de ce groupe, dont l'établissement remonte à la première moitié du xvIe siècle, a été extrêmement lent. Nulle part la domination espagnole ne s'est montrée plus arriérée et plus impuissante. En 1810, lors de la proclamation de l'Indépendance, la population ne dépassait pas 200,000 habitants. Le régime politique et économique auquel l'Espagne soumettait ses colonies ne comportait aucun besoin de crédit ni de banques. A Buenos-Ayres, les familles aisées ne connaissaient comme monnaie que la poudre d'or, conservée dans un bocal de cristal. Le plus ou le moins de hauteur de la poudre dans le bocal marquait, comme un baromètre, le degré de leur fortune.

La guerre de l'Indépendance amena de nouveaux besoins. Pour soutenir la lutte, l'État eut recours au papier-monnaie. Des banques particulières s'étaient fondées; elles émettaient, de leur côté, des billets au porteur. Il y avait, à la fois, deux circulations fiduciaires en présence. En 1822, la première banque publique de circulation était établie; c'était la Banque d'escompte de Buenos-Ayres au

1 Sur le développement de la République Argentine La République Argentine, par M. Guilaine, 1889; consulter encore l'article publié par Mme Clémence Royer dans le Journal des Économistes du 15 avril 1839; la Revue Sud-Américaine, les Rapports de M. Agote, Buenos-Ayres, 1887 et 1889; le Message du Président, Don Miguel Suarez Celman, du 7 mai 1889, Terres - en culture 2.350.958 hect., valeur 2.720 millions pesos. Immigration, 1857, 4.951; 1888, 155.632; commerce total en 1888, 280.690.212 pesos; chemins de fer 7.506 kilomètres.

capital de 1 million de piastres. Cette banque, appelée à une haute fortune, fut réorganisée en 1826, comme banque nationale de la province de Buenos-Ayres, sous le nom de Banque des Provinces unies, au capital de 10 millions de piastres, monnaie courante, fournie pour 3/4 par l'État. Depuis 1826 jusqu'en 1872, cette banque est restée, sous deux formes différentes, la seule banque de circulation de la République Argentine. Elle avait été pourvue, dès 1822, du monopole d'émettre des billets de banque; en ce qui concernait les billets au porteur, l'Etat s'était toujours réservé la faculté d'entretenir une circulation fiduciaire particulière.

A partir de 1872, le monopole de la Banque des Provinces unies a été partagé avec la Banque nationale de ia République Argentine, sous l'influence d'événements d'ordre divers qui avaient modifié la condition politique de la République.

Enfin, en 1887, une législation générale sur les banques de circulation a été votée, applicable à l'ensemble du territoire, accordant à toutes les banques le droit d'émettre des billets au porteur, moyennant des garanties particulières.

L'histoire des banques de circulation de la République Argentine se divise ainsi en trois périodes: la période du monopole, celle du monopole partagé et celle de la liberté garantie.

Toutefois, il importe de ne jamais perdre de vue que l'État n'a pas abandonné le droit d'entretenir, quant à lui, une circulation fiduciaire d'État. Il en est ainsi aux États-Unis, en Italie, en Hollande et dans un plus grand nombre d'États qu'on ne le croit généralement. Le monopole absolu, tel qu'il est compris et pratiqué en France, n'est pas la forme la plus générale de la circulation fiduciaire.

A cette première observation, il faut en joindre deux autres, si l'on veut saisir, dans leur ensemble, les faits que nous aurons à rappeler. Le territoire de la République Argentine est dépourvu de mines d'or et d'argent; c'est une cause de grande infériorité comparativement aux États-Unis et à l'Australasie. Pendant soixante années, une circulation métallique a été, et même pourra être longtemps encore, trop onéreuse pour ses produits provenant principalement de l'industrie pastorale. La population n'est pas assez riche pour acheter les métaux précieux dont elle aurait besoin ni pour les conserver. Le papier-monnaie demeure, par suite, l'agent principal de la circulation monétaire; c'est ce qui explique la faculté que l'État s'est réservée d'en émettre et son intervention incessante dans le Conctionnement de la circulation fiduciaire. D'autre part, les éléments de la population et de la colonisation sont presque exclusivement latins.

Italiens, Français, Espagnols ont fourni et fournissent encore les 9/10 de l'immigration. Les traditions séculaires des races latines au point de vue du crédit, comme au point de vue des institutions politiques, sont moins favorables que les traditions anglo-saxonnes, au libre développement des énergies personnelles.

De là, des différences essentielles, malgré la similitude des situations, entre l'organisation et le fonctionnement du crédit et des banques aux États-Unis et dans la République Argentine.

Pour plus de clarté et de précision, nous allons reprendre, une à une, les trois périodes de l'histoire des banques et de circulation de la République Argentine, en insistant tout spécialement sur la période actuelle.

1re période. - Période du monopole.

Cette période est caractérisée par les progrès extraordinaires et l'influence prépondérante de la Banque des Provinces unies. Cette banque devient, comme la Banque de Venise, la Banque de SaintGeorges à Gênes, la Banque d'Angleterre, le centre et le moteur de tout le mouvement économique et financier de la République. La Banque obtient même le privilège exorbitant de primer, dans les liquidations et faillites, tous autres créanciers. La dictature de Rosas imposa cependant une cruelle épreuve à ce grand établissement. Elle fut supprimée en 1836 et elle ne put être réorganisée qu'en 1853, sous le nom de Banque de la Province de BuenosAyres. De 1853 à 1872, cette banque a vu s'augmenter encore son importance; elle a rendu les plus grands services à la République et à la colonisation. Mais l'abus que l'État a toujours fait de son droit particulier d'émission, la dépréciation des billets de l'État, la suspension de leur remboursement l'obligèrent elle-même à accepter, dès 1826, le cours forcé qui s'est prolongé jusqu'en 1866. Toutefois, l'agio sur les billets de la Banque de la Province de Buenos-Ayres était toujours bien moins élevé que sur les billets de l'État, dont le total atteignit, en 1866, à 400 m. pesos. A partir de 1866, l'État les racheta à raison de 1 peso métal contre 15 papier.

Cette concurrence des billets d'État augmenta l'influence et le crédit de la Banque de Buenos-Ayres, qui continua à jouir de la confiance des anciennes familles, tout en favorisant la colonisation au moyen d'avances, dans le genre de celles consenties par les banques australasiennes. En 1887, les dépôts de la Banque de la Province de Buenos-Ayres s'élevaient à 95 millions pesos en mon

naie courante; le capital de la Banque avait été porté à 50 millions pesos; elle avait fondé 42 succursales 1.

2 période. Période du monopole partagé.

En 1872, le Congrès de la République Argentine se décida à autoriser une nouvelle banque, moins dépendante de la province de Buenos-Ayres, mieux appropriée aux besoins comme aux exigences des autres provinces. La colonisation s'est, en effet, portée de divers côtés; de nouveaux intérêts ont surgi; ces intérêts qui avaient puissamment contribué à la chute de Rosas, ont voulu affirmer leur prépondérance. La nouvelle banque reçut le titre de Banque nationale. Son capital fut fixé à 20 millions de pesos, monnaie nationale ou Mn. Le Congrès en souscrivit 6 millions. La banque fut investie du droit d'émettre des billets au porteur, ayant valeur libératoire, puis cours forcé dans toute l'étendue de la République, tandis que les billets de la Banque de la Province de Buenos-Ayres ne jouissaient de la faculté libératoire et du cours forcé que dans l'étendue de la province de Buenos-Ayres. Le Congrès a même attribué à la Banque nationale le privilège dont jouit pour ses créances la Banque de la province de Buenos-Ayres.

Depuis, son capital a été porté à 43.273.400 pesos dont 16 millions souscrits par l'État. Au 31 décembre 1887, sa circulation montait à 43.333.333 pesos et ses dépôts à 40.068.631 pesos. Dès l'origine, sa circulation a été limitée à 4 fois son encaisse 2.

Bientôt cette nouvelle banque n'a plus suffi. Jusqu'en 1870, la colonisation s'était principalement concentrée dans la province de Buenos-Ayres comprenant 31 millions d'hectares et 1.200.000 habitants dont 500.000 dans la ville de Buenos-Ayres. Mais, depuis cette époque, elle s'est portée dans plusieurs autres des 13 provinces de la confédération. En 1887, la population de ces provinces représentait les 2/3 de la population de la Confédération. C'est ce qui explique l'établissement de 1870 à 1887 de cinq banques provinciales de circulation 1o la Banque provinciale de Cordoba, capital 2.500.000 pesos; 2o la Banque provinciale de Santa-Fé, capital 5.000.000 pesos; 3o la Banque de Tucuman, capital 500.000 pesos; 4 la Banque pro

1 En 1888, le solde des dépôts s'est élevé à 120 millions pesos; portefeuille, 130 millions pesos; bénéfice 3 millions pesos; cédules hypothécaires 230 millions pesos.

Le mouvement des caisses en 1888 a été de 3.977.584.750 pesos; celui des prêts de 980.307.000 pesos; celui des dépôts de 995.106.000 pesos. Dividende, 16 0/0 en Mn.

« PreviousContinue »