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Américains disent de la facilité de creuser le canal de Nicaragua et de la difficulté de creuser le canal de Panama, tout cela, c'est de la comédie. Quand les Américains verront qu'ils peuvent acheter la concession et le matériel de la Compagnie du canal de Panama pour une chanson, ils transporteront toute leur ardeur et tout leur enthousiasme au projet de Panama. » Tel est le sentiment général, et on indique ici une douzaine d'obstacles au canal de Nicaragua, dont on n'entend jamais parler chez nous. Ce qui donne un certain poids à ces arguments, c'est que si l'on n'a terminé ici qu'un tiers des travaux, des difficultés énormes ont été vaincues, et l'installation du matériel serait un immense avantage pour l'acheteur. En même temps, l'impossibilité presque absolue de se rendre maître du cours impétueux du Chagres, la plus grande somme d'excavation à faire à Panama qu'à Nicaragua, tout cela rend impossible l'idée de reprendre le canal de Panama.

Les Français ont laissé leur trace dans l'isthme par d'autres travaux que ceux du canal. L'art et le confort les suivent et prennent racine partout où ils plantent leur drapeau. En approchant Aspinwall, le premier objet qui frappe la vue est une belle statue en bronze de Colomb, au bout de la jetée qui domine la baie de Limon. Le long de la jetée se trouvent les palais des hauts personnages de la Compagnie, entourés de jeunes cocotiers. La ville de Panama a encore plus profité des tendances de ceux qui l'occupent. Cette ville autrefois sale et mal tenue est devenue propre et bien pavée. De bonnes routes solides ont remplacé les chemins boueux. Les vieilles maisons jaunes se pressent encore le long de la rue, avec leurs balcons suspendus; on n'a pas perdu le charme d'autrefois. Les cours et les jardins sont remplis de bananes et de palmiers, les Chinois ont apporté avec eux leur habileté de jardinier et les Colombiens en ont profité pour embellir leurs habitations. Panama a beaucoup de beauté naturelle, le sol est élevé et facile à drainer, il est rare qu'une journée se passe sans que la brise du Pacifique ne vienne rafraichir la ville.

Il est difficile de voir pourquoi Panama ne serait pas un endroit salubre et agréable. (The Nation, 14 novembre 1889.)

NECROLOGIE

CHARLES SIKES.

Sir Charles Sikes, le promoteur de l'institution des Post-Office Savings-Banks, vient de mourir à l'âge de 71 ans, à Huddersfield, sa ville natale. Des funérailles magnifiques et populaires ont été faitesà ce savant et ingénieux bienfaiteur des classes populaires.

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Charles Sikes était entré fort jeune dans une des premières et des principales Joint-stock Banks d'Angleterre, où il s'éleva aux fonctions de directeur. De bonne heure, il avait étudié, et commenté dans de nombreux tracts sur les Savings-Banks, les Friendly et les Provident-Societies, les maximes de vie sage et réglée de Franklin. Il fut ainsi amené à reconnaître que pour provoquer les plus modestes ouvriers à l'épargne, il faut les attirer aux caisses d'épargne par deux moyens, la confiance et la facilité : il pensa que la sécurité la plus forte est celle que donne l'Etat; et que la facilité des opérations des épargnants pourrait être accrue si les dépôts d'épargne étaient reçus dans les milliers de bureaux de poste, ouverts toute la journée et tous les jours (tous les jours ouvrables en Angleterre). De là, cette mémorable lettre qu'il adressa le 9 septembre 1859 à M. Gladstone, alors chancelier de l'Echiquier, et qui, grâce surtout au patronage de l'illustre réformateur des postes sir Rowland Hill, fut l'origine du bill devenu la loi du 16 mai 1861, la première loi organique de la première caisse d'épargne postale (Post-Office Savings-Bank).

L'idée de cette institution avait été plusieurs fois suggérée dans divers bills depuis 1806; mais dans son savant mémoire, Charles Sikes eut le mérite de démontrer la praticabilité d'un systeme de caisse d'épargne servie par les postes; et par ces arguments d'administrateur pratique, il parvint à convaincre M. Gladstone et à écarter les opposants.

-Cette nouvelle institution comptait en 1888 (décembre) plus de neuf mille bureaux de poste pour agences, et 4.221.000 déposants, ayant en dépôt un stock de près de un milliard cinq cents millions de francs. La Post-Office Savings-Banks est venue compléter, sans leur nuire, les bonnes anciennes caisses d'épargne, qui comptent

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encore (1888 novembre) un stock en dépôt de 1 milliard deux cents millions de francs; la caisse postale desservant surtout les petites localités et les populations éparses, où les anciennes caisses ne pourraient pas porter leur service. L'institution s'est propagée dans vingt et un pays, en Europe, Asie, Amérique, Afrique et Australie, comme on le voit par un travail administratif et statistique très approfondi, présenté à la 3 session quinquennale du Congrès universel des institutions de Prévoyance, tenue à Paris en septembre dernier sous la présidence générale de M. Jules Simon. Charles Sikes, outre la satisfaction du succès de son œuvre, vit sa vieillesse honorée de témoignages de reconnaissance universels. Le ministère libéral lui fit décerner le titre de Knight; le ministère conservateur le nomma vice-gouverneur (Deputy-lieutenant) de sa province d'Yorck. Une souscription publique dont il a fait une dotation perpétuelle pour encourager les études administratives et économiques, avait montré la sympathie publique envers cet habile et dévoué ami des institutions d'utilité populaire. Et dans les discours prononcés à ses funérailles, on a rappelé que sir Charles Sikes n'avait fait guère qu'un voyage hors de son pays, et ce fut en 1883, pour se rendre à l'invitation de son ami M. de Malarce, au Congrès universel des institutions de prévoyance, où il reçut un digne accueil parmi ces éminents hommes d'État, de science et de bien, présidés par M. Léon Say et venus de tous les pays civilisés du monde.

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

RÉUNION DU 5 DECEMBRE 1889.

NÉCROLOGIE: M. Ed. Vignes.

Admission de membres nouveaux.

DISCUSSION: Les taxes municipales spéciales pour pourvoir aux dépenses de balayage, d'éclairage, etc., ont-elles un caractère économique qui permette d'en faire la base du budget des recettes des villes?

La séance est présidée par M. Léon Say, président.

Il annonce à la réunion le décès d'un des membres de la Société, qui en faisait partie depuis 1872, M. Édouard Vignes, banquier à Troyes.

M. Vignes, bien qu'il n'habitat point ordinairement Paris, assistait de temps en temps à nos séances, et il avait su se concilier, par ses qualités personnelles, les sympathies de tous ses collègues. Il avait donné à la science économique des gages sérieux, et son ouvrage en deux volumes, le Traité des impôts, parvenu à sa quatrième édition, rend tous les jours des services considérables.

M. le président communique ensuite à l'Assemblée la liste des membres nouveaux de la Société, qui ont été admis par le Bureau dans sa séance du 23 novembre dernier.

Voici d'abord les membres titulaires :

MM. Étienne Chalvet, chef du bureau central et du contentieux à la Direction générale de l'enregistrement, du domaine et du timbre; le Dr John Faure-Miller, membre du jury (Économie sociale) à l'Exposition universelle; Louis Fontaine, actuaire de la Caisse des dépôts et consignations, membre du jury (Economie sociale) à l'Exposition universelle; Marcel Fournier fils, professeur agrégé à la Faculté de droit de Caen; J. Freiwald, président du Comité exécutif néerlandais pour l'Exposition universelle; Goffinon, vice-président de la Société de la participation aux bénéfices, membre du jury (Économie sociale) à l'Exposition universelle; Charles Tranchant, ancien conseiller d'État, vice-président de la Société de législation comparée, membre du jury (Économie sociale) à l'Exposition universelle.

Les nouveaux membres correspondants sont MM. Alph. Allard, directeur de la Monnaie de Bruxelles; Bateman, chef du département commercial du Board of Trade; le Dr Antoine Beaujon, pro

fesseur d'Economie politique à l'Université d'Amsterdam; Sir Edwin Chadwick, ancien commissaire des pauvres et du Bureau d'hygiène à Londres; Comte Olivier Collarini, secrétaire du Comité permanent monétaire italien; Don Ramon Fernandez, ministre du Mexique à Paris, et auteur de « La France actuelle »; Michel Lacombe, rédacteur au Journal des Économistes; Lescarret, professeur d'Economie politique à Bordeaux; Léon Mahillon, directeur général de la Caisse générale d'épargne et de retraite à Bruxelles, membre du jury (Économie sociale) à l'Exposition universelle; Sir Inglis Palgrave, publiciste et économiste anglais; le Dr William Scharling, professeur à l'Université de Copenhague; le Dr Henri Schoenfeld, publiciste et économiste belge; Villard, publiciste et économiste à Nimes.

M. A. Courtois, secrétaire perpétuel, présente à l'Assemblée les ouvrages parvenus à la Société depuis la réunion de novembre, et dont la liste est ci-après.

Sur la proposition de M. Léon Say, l'assistance adopte comme sujet de discussion la question que voici, formulée par lui-même :

LES TAXES MUNICIPALES SPÉCIALES IMPOSÉES POUR POURVOIR AUX DÉPENSES DE BALAYAGE, D'ÉCLAIRAGE, ETC., ONT-ELLES UN CARACTÈRE ÉCONOMIQUE QUI PERMETTE D'EN FAIRE LA BASE DU BUDGET DES RECETTES DES VILLES?

M. Léon Say prend la parole pour développer la question. Parmi les services que rend l'État aux citoyens, il en est, dit-il, qui s'appliquent à la généralité des habitants d'un pays, sans qu'il soit possible de déterminer dans quelle mesure chacun en profite ; le prix de ces services est perçu sous forme d'impôts généraux. La justice est un exemple que l'on peut citer à cet égard.

D'autres services sont rendus plus particulièrement à certains citoyens ou à certaines catégories de contribuables; on en peut apprécier la valeur ou la mesure, et il est possible de les faire payer aux intéressés au moyen d'une taxe portée, en quelque sorte, sur une facture.

Dans ce dernier cas, nous devrons avoir le droit de demander qu'on nous fournisse aussi exactement que faire se pourra les avantages ou services indiqués sur la facture, et qu'on ne nous compte rien au delà, sans quoi nous retomberions dans le système de l'impôt et de la taxation arbitraire.

Quand il s'agit du budget de l'État lui-même, il est fort difficile d'appliquer cette deuxième méthode, bien que souvent on l'ait essayée; les doctrines varient, bien que toutes se proposent d'arriver à l'équité

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