Page images
PDF
EPUB

comment pourra t-il justifier sa réclamation auprès des tribunaux administratifs ?

L'« impôt sur facture » peut être en principe une excellente chose. Mais on voit à quelle difficulté d'application on se heurte, même quand les lois et règlements qui le concernent ne suscitent aucune grave objection théorique!

Mais à quels dangers s'exposerait-on si on laissait certaines municipalités donner libre carrière à leurs théories socialistes ! Voilà par exemple, la Ville de Paris qui veut rendre le tout à l'égout obligatoire et transformer la vidange en taxe municipale. On discute en ce moment des projets tendant à rendre l'abonnement aux eaux obligatoire avec un minimum de consommation quotidienne, et une perception de taxe dont la base serait le loyer supporté par chaque personne habitant un immeuble ou une portion d'immeuble. Pour les ouvriers et les ouvrières qui vont travailler en ville, une consommation minimum de 10 litres par tête et par jour serait imposée aux patrons qui les occupent!

Ce sont là des déviations du principe, sans aucun doute. Mais si << l'impôt sur facture » tel qu'on a pu le concevoir, ne blesse en thèse générale aucune règle primordiale de l'économie politique, on voit que son application peut donner lieu à de véritables abus. Aussi faut-il en limiter le rôle et s'attacher tout spécialement, dans les cas où son adoption est acceptée, à lui conserver son caractère de « taxe de remplacement » équivalente à un service rendu.

M. Frédéric Passy, membre de l'Institut, l'un des présidents de la Société, dit qu'il n'a demandé la parole que parce qu'il lui a semblé que M. Delatour dans ses observations, d'ailleurs si intéressantes, n'avait peut-être pas bien saisi le sens principal donné à la question par M. L. Say et la direction dans laquelle celui-ci désirait provoquer les réflexions. Si j'ai bien compris les intentions de notre président, dit M. Passy, il ne songeait pas précisément à faire discuter comparativement les mérites ou les défauts de l'impôt sans destination déterminée et des taxes spéciales en général. Il demandait si, étant donné que certains services peuvent être l'objet d'une taxe spéciale de telle sorte qu'ils soient, comme il l'a dit heureusement, vendus contre paiement sur facture, il est admissible qu'au lieu d'être facturés au prix coûtant ils le soient à un prix plus ou moins supérieur, comme le serait la facture d'un marchand qui serait maître de nous imposer sa marchandise et de fixer arbitrairement son prix de vente.

La question ainsi comprise, continue M. Passy, est, en effet, très

digne de notre attention et elle revient à demander si, sous prétextė de spécialiser les taxes, on n'est pas exposé à les généraliser par voie détournée en prélevant, au-delà du prix de revient, pour d'autres emplois non avoués, un impôt arbitraire.

M. Passy estime qu'il y a des services auxquels le système de la taxe n'est point applicable. Tels sont, par exemple, ceux qui concernent la sécurité publique, la justice, l'administration. On ne peut pas savoir, même approximativement, dans quelles mesures ces services, en maintenant l'ordre et la crainte du châtiment, ont contribué à sauvegarder la personne ou les intérêts de ceux-ci ou de ceux-là. D'autres, qui semblent se prêter mieux à la spécialisation, ne sont peut-être pas, suivant lui, aussi faciles à y ramener qu'on le croit parfois et qu'a paru l'admettre M. Léon Say lui-même. L'entretien d'une rue semble, à première vue, pouvoir être mis proportionnellement à la charge des immeubles qui bordent cette rue et qui, évidemment, sont intéressés à son bon état. Il n'est nullement certain cependant que cette mesure soit équitable. Le pavé d'une rue très fréquentée, non pour elle-même mais parce qu'elle sert de passage, sera d'un entretien très coûteux et les habitants de cette rue en auront en réalité plus d'inconvénients que d'avantages. A un moindre degré on peut faire des réflexions analogues pour l'éclairage. Le balayage, au contraire, bien que l'on pût chicaner sur l'exacte proportionnalité est manifestement un service rendu directement à l'immeuble et dont il est naturel que le paiement soit réclamé à cet immeuble. A plus forte raison l'eau et la lumière consommées directement par le propriétaire ou par les habitants. A une condition toutefois, c'est que leur consommation soit volontaire et que le prix en soit équitablement réglé. Si l'on m'impose, sans avoir égard à mes besoins et à ma volonté, une quantité d'eau et de gaz obligatoire comme autrefois les rois saliques imposaient à nos ancêtres leurs sept livres de sel par tête et par an, qu'ils en eussent ou non besoin et envie. Ce n'est plus une taxe spéciale, rétribution d'un service spécial, c'est une exaction dissimulée sous la forme d'un service et contre laquelle les arguments ne manquent point.

Mais les résistances ne manquent pas non plus; car par cela même que l'on donne à la perception la forme d'une taxe spéciale, on invite le contribuable à mettre le prix qu'on lui demande en regard du service pour lequel ce prix est demandé. Et, si la majoration est trop grande, il ne manque pas de se récrier et de dire qu'on ne lui en donne pas pour son argent.

La plainte est toujours plus facile dans ces conditions et plus plausible parce qu'elle revêt une forme déterminée et précise, que

lorsqu'on se borne à se plaindre, en termes généraux et vagues de l'exagération des charges qui pèsent sur le contribuable. Par cette raison et parce qu'il eroit, contrairement à une école trop répandue, que le meilleur des impôts n'est pas celui qui se dissimule le mieux, mais au contraire celui qui se montre le plus à découvert et qu'on paie le plus en connaissance de cause, M. Passy est disposé à donner, lorsque cela est possible, la préférence aux taxes spéciales. Mais il reconnaît en même temps la réalité des dangers et des abus dont il a été parlé et il estime que l'on ne saurait prendre trop de précautions pour s'en préserver.

M. Adolphe Coste, répondant aux arguments de M. Frédéric Passy, fait observer qu'il est difficile de justifier les taxes spéciales municipales d'après le principe de l'équivalence des services. Ce principe ne serait respecté et ne pourrait être invoqué que si le recours aux services de la ville était libre, facultatif, ce qu'on ne peut admettre ni pour le balayage, ni pour l'éclairage, ni pour l'entretien des voies, ni même pour le service des eaux, dont l'usage est nécessaire à la santé publique. Il n'y a pas d'échange libre entre la ville et l'habitant urbain, il y a obligation pour l'habitant de recevoir et de payer le service municipal; c'est donc un impôt, une prestation obligatoire, convertie en argent. Dans ces conditions, M. Coste croit qu'il serait plus juste de pourvoir à ces différents services publics par l'impôt général et proportionnel. Autrement, si l'on préconise des taxes. spéciales que l'on suppose pouvoir être exactement calculées sur le prix du service rendu, on se heurte à des difficultés inextricables et l'on donne prétexte à des taxes arbitraires, souvent progressives et, somme toute, beaucoup plus contraires à la justice que les moyens fiscaux ordinaires (centimes additionnels et droits de consommation).

M. Léon Say fait remarquer que les villes ont une tendance à étendre leurs attributions et à imposer leurs services; sans être fort opposé à ce système, il demande au moins que, conformément à la loi supérieure de la justice en matière de contributions, dont les droits doivent être toujours sauvegardés, l'on s'efforce de proportionner les taxes, le montant des « factures »>, aux services effectivement rendus.

M. Alfred Neymarck, vu l'heure avancée de la discussion, se borne à présenter de courtes observations. Il fait remarquer comme M. Villain, que les taxes municipales spéciales imposées pour pourvoir aux dépenses de balayage, d'éclairage, etc., rapportent, en réalité, moins à la Ville de Paris, que ne lui coûtent les dépenses

qu'elle consacre à la voirie, à la voie publique, aux eaux, aux égouts. On ne peut donc refuser aux municipalités de faire comprendre dans leur budget des recettes, des taxes de cette nature, tout en désirant, ce qui est difficile et délicat, qu'elles soient établies en raison des services rendus.

M. Alfred Neymarck fait observer, en ce qui concerne l'éclairage qui rapporte à la Ville 19 millions par suite de sa participation dans les bénéfices de la Compagnie, que si ces 19 millions étaient appliqués à des détaxes dans le prix du gaz, au lieu d'entrer dans les recettes municipales, tous ceux qui se servent de ce mode d'éclairage paieraient 50 0/0 moins cher le mètre cube de gaz, qu'ils ne le paient aujourd'hui. Si les taxes de voirie et de balayage étaient établies en raison des services rendus, ne pourrait-on pas prétendre que ceux qui paient ces impôts seraient justement fondés à réclamer une détaxe le jour où la ville percevrait plus qu'elle ne dépense de ce chef? De même aussi les consommateurs de gaz pourraient demander que les bénéfices perçus par la Ville avec la compagnie qui a le monopole de l'éclairage soient employés à diminuer le prix du gaz qu'ils utilisent.

M. Léon Say fait remarquer que, avec ce système, ce sont les particuliers, consommateurs de gaz, qui payent l'éclairage public. La séance est levée à onze heures moins dix.

Le Rédacteur du Compte rendu : CHARLES LETORT.

OUVRAGES PRÉSENTÉS.

Rapport de la Commission supérieure de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse sur les opérations de 1887 et 18881.

Discours prononcé à la séance de clôture du Congrès national de la mutualité, le 9 juin 1889, par M. HIPPOLYTE Maze2.

Le Contrat de participation aux bénéfices, son caractère et ses résullats. Conférence au Cercle populaire des Invalides, le 13 septembre 1889, par M. CHARLES ROBERT 3.

Les grands problèmes sociaux à l'Académie royale des sciences morales et politiques d'Espagne, par LÉON LALLEMAND.

La question monétaire en 1889, par ADOLPHE COSTE 3.

Congrès colonial national. Ordre des travaux®.

L'État moderne et ses fonctions, par M. Paul LEROY-BEAULIEU. Nouveau Dictionnaire d'économie politique; publié par MM. LÉON SAY el JOSEPH CHAILLEY. 4r livr.

1 Paris, 1889, in-4°. 2 Paris. 1889, in-8°. 3 Paris, 1889, in-8°. Paris, 1889, in-8°. -5 Paris, Guillaumin et Cie, 189, in-8°. - Paris, 1889, in-8". 7 Paris, Guillaumin et Çie, 1889, in-8°. -8 Paris, Guillaumin et Cie, 1889, in-4°.

L'épargne en France. Conférence faite à l'Exposition d'économie sociale le 28 septembre 1889, par M. A DE FOVILLE'.

De l'administration préventive comparée à l'administration curative pratiquée en Allemagne, par EDWIN CHADWICK *.

La crisis monetaria. Estudios sobre la crisis mercantil y la depreciacion de la plata 3.

Premiers principes de l'Economique, par ADOLPHE HOUDARD".

Société du travail. Assemblée générale tenue, le 12 juillet 1889, au Palais du Trocadéro. Compte rendu de l'exercice 1888 3.

Exposition Universelle. Ministère des finances. Monnaies et médailles 1789-1889 6.

Annali di statistica. Statistica industriale. Fascicolo XVIII'.

Reports from the Consuls of the United States. Ns 106-108. JulySeptember, 1889.

Our Statistics of Foreign trade, and What they tell us, by A.-E. BATEMAN 9.

Caisse nationale des retraites pour la vieillesse. Album de statistique graphique 10.

Ministère des travaux publics. Album de statistique graphique de 1888 11.

Société de statistique et d'économie politique de Lille. Procès-verbaux des séances de la première année, 1888-89 11.

12

Statistica delle opere pie al 31 dicembre 1880. Sicilia e Sardegna. (Introduzione) 13.

Statistica dell'istruzione elementare per l'anno scolastico 1885-86. Introduzione 14.

Statistica dell'istruzione secondaria e superiore per l'anno scolastico 1886-87 15.

Statistica giudiziaria civile e commerciale per l'anno 1887. Introduzione 15

Quelques observations au sujet des discussions du Congrès monétaire international de l'Exposition universelle de 1889, par M. G.-M. BoisSEVAIN 17.

Revue des Institutions de prévoyance, sous la direction de M. HIPPOLYTE MAZE. 3 ann. 11e liv., nov. 8918.

Bollettino di legislazione e Statistica doganale et commerciale.

Anno VI- Secondo semestro. Settembre-ottobre 188919.

Rapport au Roi concernant le service de la Caisse d'épargne postale des Pays-Bas en 1887 20. (En hollandais avec un Extrait en français). (Périodiques: Le Droit financier, Revue des Sociétés, The Chamber of commerce Journal.)

Paris, 1889, in-8°.

2 Paris, Guillaumin et Cie, 1839, in-8°. 3 Mexico, 1885, in-8°. Paris, Guillaumin et Cie, 1889, in-8°. Paris, 1889, in-8°. 6 Paris, 1889, in-8°. 7 Roma, 1889, in-4°. 8 Washington, 1889, in-8°. -9 London, 1887, in-8°. 10 Paris, 1889, in-fo. 11 Paris, 1889, in-fo. 12 Lille, 1889, in-4°. 13 Roma, 1889, in-4°. - 14 Roma, 1889, in-4°. 15 Roma, 1889, in-4°. -16 Roma, 1889, in-4°. -17 Amsterdam, 1889, in-8°. 18 Paris, 1889, in-8°. 19 Roma, 1889, in-4°.

20 S-Gravenhague, 1889, in-4°.

« PreviousContinue »