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au prix de dix mille francs, et M. Denis Gallet, banquier à Amiens, président de l'association des banquiers de province, gagné par la contagion, a demandé la permission d'en référer à sa corporation pour y ajouter un troisième prix. Cependant, au bout de quelques minutes de réflexion, M. Denis Gallet a dû reconnaître qu'il ne s'agissait là que d'une manifestation bimétallique, et, comme il représentait une majorité de banquiers partisans de l'étalon d'or, il a retiré sa proposition.

Et maintenant que restera-t-il de ce Congrès monétaire international, dont les six séances ont été si remplies? Le Congrès ne pouvait rien résoudre; il s'était d'ailleurs sagement interdit de voter sur quoi que ce soit; il avait simplement pour mission d'éclairer le monde économique et les gouvernements sur l'état de l'opinion compétente en ce qui concerne la question monétaire. Je crois qu'à cet égard le Congrès ne sera pas sans fruit.

Les bimétallistes étrangers se trompaient sur l'opinion des économistes en France; ils les croyaient disciples de Wolowski, et tout prêts à faire cause commune avec leurs ligues. Ils ont été vivement détrompés. Les économistes français ne sont pas des doctrinaires, et l'expérience de l'union latine n'a pas été perdue pour eux. Ils protestent contre toute mesure qui sacrifierait la situation monétaire de la France et, disons mieux, les intérêts généraux du commerce et de la production aux intérêts passagers de l'Angleterre et des Etats-Unis.

A notre surprise à tous, ce sont les bimétallistes étrangers qui, au lieu d'apporter des faits précis et démonstratifs, sont restés dans les généralités, dans les lamentations vagues sur la souffrance des peuples, dans les déclarations de principe touchant la nécessité d'y porter remède, et dans les théories doctrinales dépourvues de preuves.

Les économistes français leur ont répondu en invoquant l'expérience, en précisant les objections, en démontrant les impossibilités pratiques du bimétallisme. Ils ont repoussé d'ailleurs la qualification de monométallistes; ils ont tous déclaré accepter la monnaie d'argent, mais à condition de limiter sa puissance libératoire.

A ces raisons très fortes, il n'a vraiment pas été répondu. Nous attendons avec confiance le verdict de l'opinion économique et la décision des gouvernements.

AD. COSTE.

CONGRÈS

INTERNATIONAL DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

1

Ce Congrès s'est réuni à Paris, du 9 au 14 septembre, dans le but d'étudier les questions relatives aux accidents du travail.

Pour donner aux discussions une direction déterminée, et pour faciliter et accélérer le travail dans les sections, le Comité organisateur avait confié à divers personnages compétents le soin de rédiger des Rapports sur les objets à discuter, et un grand nombre de ces Rapports étaient imprimés et distribués avant l'ouverture du Congrès.

En vue de mettre de l'ordre dans ses travaux, le Congrès s'est divisé en deux sections: la première avait pour tâche de s'occuper des questions légales, économiques et statistiques se rattachant aux accidents du travail. La seconde a dû étudier les mesures préservatrices générales, et les dispositifs spéciaux appliqués ou projetés pour prévenir les accidents, ainsi que les résultats obtenus.

Enfin, pour augmenter l'attrait et l'efficacité du Congrès, on a organisé des visites à l'Exposition et dans quelques établissements industriels, afin d'étudier de visu les appareils adoptés en vue de prévenir les accidents.

Analyser tous les Rapports publiés par les soins du Comité ne serait pas une petite affaire en voici au moins une quinzaine et tous ne nous sont pas encore parvenus; énumérer leurs titres et sous-titres serait presque fastidieux, tiendrait de la place et n'apprendrait pas grand'chose aux lecteurs. Nous allons donc, sans plus d'ambages, résumer et, par ci par là, discuter les observations et les conclusions contenues dans ceux de ces Rapports qui intéressent le plus directement les économistes.

L'État de la question des accidents du travail en France et à l'étranger fait l'objet du Rapport de M. Numa Droz, conseiller fédéral, chef du département des affaires étrangères et du commerce en Suisse. Le rapporteur commence par se demander si « l'intervention directe de

Ce Congrès a été organisé sous l'initiative de M. Linder, inspecteur général des mines, président; M. Ricard, député et M. Em. Müller, viceprésidents; M. Gruner, ingénieur civil des mines, secrétaire; M. Toqué, ingénieur des mines, secrétaire-adjoint; et d'un grand nombre de sénateurs, députés, ingénieurs, industriels, etc.

l'État dans le domaine des accidents du travail correspond à une notion de droit juste et se justifie par une nécessité sociale »; et, après avoir considéré le pour et le contre et passé en revue la législation des divers pays d'Europe, M. Droz arrive à cette conclusion affirmative: < que la législation sociale qui est en voie de se développer dans les principaux pays industriels de l'Europe, répond à la fois à une notion de droit juste et à une nécessité sociale ».

Les principaux motifs sur lesquels repose cette conclusion sont : que l'imprévoyance est la règle générale parmi la classe ouvrière et que, d'ailleurs, « le salaire généralement minime de l'ouvrier ne peut être considéré comme représentant, outre l'ouvrage livré, la prime d'assurance contre les risques d'accidents ».

Il s'agit donc de légiférer et, à cet égard, M. Droz estime que « la préférence doit être donnée à un système de législation dans lequel les trois facteurs suivants entrent le mieux en ligne de compte : l'employeur, à raison du danger que fait courir à autrui l'industrie dont il tire profit; l'employé, à raison de l'intérêt qu'il doit avoir à prévenir autant qu'il est en son pouvoir les causes d'accidents; la société, représentée par l'État, à raison du principe de solidarité qui lui commande de prendre soin des victimes du travail, aussi dignes d'intérêt que les victimes de la guerre ».

M. Droz nous parait tomber dans quelques erreurs que nous allons relever. L'employeur n'est pas seul à tirer profit de l'industrie; l'employé en tire aussi sa part; il la tire même lorsqu'il y a perte pour l'employeur.

Quoi qu'il en soit, l'intervention de la société, représentée par l'État, ne serait pas justifiée en raison du principe de solidarité, car la solidarité est volontaire ou n'est pas. Enfin la comparaison finale de l'ouvrier au soldat cloche des deux jambes. Le soldat ne reçoit pas de salaire ou son salaire n'est pas proportionné au travail ni aux risques courus, tandis qu'il l'est pour l'ouvrier, qui, d'autre part, n'est pas contraint de travailler ici ou là, comme le soldat l'est d'obéir.

Au lieu de comparer l'ouvrier de l'industrie au soldat, si nous le comparons au paysan, nous trouverons que la législation d'aucun temps et d'aucun pays ne garantit celui-ci contre les accidents du travail. Est-ce que la notion de droit juste et de nécessité sociale n'existe pas pour lui? M. Droz est loin de contester le droit des ouvriers agricoles; c'est, dit-il, en Suisse comme dans d'autres pays, la crainte de faire sombrer la loi, qui a empêché le législateur de les y comprendre aussi.

Cet aveu nous prouve que le public a plus de bon sens que ses législateurs il comprend, lui, qu'il est matériellement impossible, surtout par les moyens gouvernementaux, de généraliser une loi comme celle-ci.

M. Droz a grande confiance dans la... sagesse et les lumières des législateurs; son avis est que le principe de la responsabilité paraît se prêter à une entente internationale, tout au moins d'une manière générale ».

Il ne sera pas indiscret d'ajouter que le Rapport de M. Droz a rencontré une certaine opposition dans le Congrès, et cela se comprend, car il mènerait loin si on l'adoptait avec toutes ses conséquences.

Au surplus, le mal n'est peut-être pas si considérable qu'on se l'imagine. On comprend que, dans le début du machinisme, les accidents aient été nombreux. L'ignorance, l'imprévoyance, la maladresse sont les lots naturels de l'homme, afin que, par sa propre action sur luimême, il devienne sage, prudent, habile; mais l'expérience l'instruisant, il s'habitue à manier les instruments les plus dangereux, il prend des précautions nécessaires pour éviter d'en être blessé ou tué, car il craint un peu la mort et surtout la souffrance.

Lorsque l'apprentissage sera fait, il est donc probable que le nombre et la gravité des accidents diminueront, sans qu'il soit besoin de légiférer nationalement et internationalement pour prévenir le mal ou pour y remédier..

C'est ce qui semble déjà ressortir des faits acquis.

On sait que de nombreuses mesures préventives ont été prises par l'initiative privée, longtemps avant que les légistes sans ouvrage y aient songé, et que des associations ont été fondées par la même initiative et dans le même but.

Plusieurs Rapports exposent ce qui a été fait dans cet ordre d'idées. L'Association alsacienne pour prévenir les accidents, dont le siège est à Mulhouse et qui a pour président M. Engel-Gros, a publié une collection de dispositions et d'appareils destinés à éviter les accidents de machines. Cette importante publication, faite en trois langues et comprenant 42 planches, figure à l'Exposition d'économie sociale. M. EngelGros fait préparer, à ses frais, une édition spéciale de cette œuvre, et il en offrira un exemplaire à chacun des membres du Congrès dont il est un des premiers adhérents.

Plusieurs autres associations: de propriétaires d'appareils à vapeur; d'industriels français et étrangers, etc., se sont fondées dans le même but de rechercher et d'appliquer les mesures propres à prévenir les accidents dans leurs ateliers et usines. (V. les Rapports de M. Ch. Compère, de M. H. Mamy, de M. A. Toqué.)

Le résultat de ces efforts, c'est qu'on n'est pas encore parvenu à faire d'omelettes sans casser d'œufs, comme on dit vulgairement on laisse ce soin aux législateurs avec ou sans législature; mais le nombre des accidents a sensiblement diminué, quoique le nombre des machines ait

augmenté. C'est ce qui ressort du Rapport de M. Octave Keller sur la statistique des accidents.

On dira sans doute : « puisque la seule initiative privée a pu donner de pareils résultats, le concours de l'État ne peut qu'en produire de meilleurs encore ».

Malheureusement pour cette thèse, il y a une exception à la règle que nous venons de rapporter progression croissante des machines et décroissante des accidents; et cette exception porte précisément sur l'Allemagne, le vase d'élection du socialisme d'État.

« A mesure, dit M. Keller, que l'application de la loi d'assurances se poursuit, la statistique des accidents se complète, et, chose importante, qu'on a attribuée en partie à la simulation et qui nous paraît la conséquence nécessaire de la loi, ou plutôt des sentiments humanitaires qui inclinent tout naturellement les médecins et les arbitres à ne pas marchander les indemnités, la proportion des accidents graves a augmenté au-delà de toute prévision. Il en est de même des accidents mortels, ce qui tendrait à prouver que l'ouvrier se montre plus imprudent ».

C'est ainsi, qu'en 1888, pour une faible augmentation du nombre des assurés (4.242.100 au lieu de 4.121.537 en 1887) dans les syndicats professionnels et les administrations publiques, le total des accidents motivant indemnité s'est accru de 20 0/0 (20.666 au lieu de 17.102); el que le nombre total d'accidents signalés étant de 27.19 0/00 ouvriers en 1886, s'est élevé à 28.02 en 1887 et à 32.1 en 1888.

Pourvu que cette progression continue, elle rétablira l'équilibre rompu de la population entre la France et l'Allemagne.

Le même Rapport (O. Keller) nous donne des renseignements édifiants sur les frais d'application de la loi d'assurances en Allemagne. Voici le total des frais de gestion des syndicats pour l'exercice 1887,. d'après les Rapports officiels.

Frais d'enquête et de fixation des indemnités.......
Frais des tribunaux d'arbitrage.................

197.805 fr.

257.234

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Ces frais se répartissent sur 3.861.560 assurés. Leur montant, par assuré, est de 1 fr. 245, savoir :

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