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garantie quand il s'agit des chemins de fer: pourquoi la refuser à cet intérêt moral et social, qui vaut assurément celui des transports?

« Dès qu'une compagnie serait fortement organisée dans une région, l'État s'effacerait devant elle et lui abandonnerait celles des opérations de prévoyance qui recouraient à lui dans l'étendue de cette région (épargne, retraites, assurances). Des mesures spéciales seraient prises pour ménager la transition entre les deux systèmes. On arriverait ainsi à soulager graduellement l'État de ses attributions financières déjà trop lourdes et qu'on est en train de vouloir encore aggraver ».

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Ce projet d'organisation de l'assurance est le seul formant un système que je trouve dans les Rapports du Congrès; les autres Rapports contiennent des conclusions partielles, qui présentent plus ou moins de valeur, mais qui ne forment pas un ensemble de mesures — ; c'est pourquoi j'ai tenu à le rapporter textuellement dans tous ses principaux points. C'est aussi afin que le lecteur puisse l'examiner, le peser, dans ses principes et dans ses conséquences, sans avoir absolument besoin de se procurer le Rapport même.

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Je n'examinerai pas, pour le moment, s'il est vrai que la gestion individuelle et celles des compagnies ordinaires manquent du prestige et des garanties nécessaires, et si M. Cheysson ne prend pas l'exception pour la règle ; si le prestige et le crédit de l'État sont aussi réels qu'on le croit, la caisse qu'il a fondée en 1868 ne le prouve guère — ; si le régime français des chemins de fer est préférable à celui des autres pays, chacun conservant celui qu'il a adopté, il faut croire que l'on s'en trouve bien, ou que son maintien dépend d'autres causes que de l'heureux choix ou de la juste mesure gardée entre la liberté et l'autorité ; — si le projet de M. Cheysson s'empare de l'opinion publique, nous aurons sans doute l'occasion et ce sera le moment de le discuter en détail.

Sur ce, nous prenons congé du Congrès international des accidents du travail, et, sans partager toutes les opinions émises par les Rapporteurs, nous sommes heureux de rendre hommage à leur zèle, à leur activité et à leur amour du bien public.

ROUXEL.

CONGRÈS INTERNATIONAL DES CHEMINS DE FER

(TROISIÈME SESSION, PARIS, 1889.)

Le Congrès international des chemins de fer diffère de la plupart des autres congrès qui ont tenu leurs assises cette année, en ce qu'il constitue une institution permanente, fondée, il y a quelques années, à l'occasion du cinquantenaire des chemins de fer.

Le premier de ces congrès s'est réuni à Bruxelles en 1885; le second à Milan en 1887; le troisième, qui est celui-ci, a été, sans doute, un des plus brillants de la campagne de propagande scientifique entreprise à l'occasion de notre Exposition universelle. Environ 600 membres dont 24 délégués officiels ont assisté à ce Congrès. Les gouvernements qui y ont pris part ont été les suivants : Autriche-Hongrie, Grande-Bretagne, Russie, Italie, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Suède, Danemarck, Suisse.

A la séance d'ouverture, présidée par M. Yves Guyot, ministre des travaux publics, et après avoir entendu et chaleureusement applaudi une allocution de ce ministre, le Congrès a nommé son bureau qui a été ainsi composé :

Présidents d'honneur: MM. Yves Guyot et le baron Alphonse de Rothschild; président effectif: M. Alfred Picard, président de section au Conseil d'État. Plusieurs vice-présidents ont été choisis parmi les délégués étrangers et les rapporteurs ont été pris dans tous les rangs, on n'avait que l'embarras du choix, tous les membres étant pour le moins ingénieurs.

Vingt-huit questions étaient à l'ordre du jour; mais l'importance de plusieurs d'entre elles a déterminé le Congrès à les diviser, de sorte que le nombre des rapports s'élève à 41.

C'est beaucoup d'occupation, comme on voit; on ne s'est pourtant pas borné exclusivement à travailler, on a pris des distractions aussi agréables que variées.

Deux banquets ont été offerts aux membres de ce Congrès, l'un par les compagnies de chemins de fer, l'autre par les ministres des travaux publics et des finances, MM. Yves Guyot et Rouvier. Ajoutons à cela une représentation de gala à l'Opéra, une visite à l'Hôtel de Ville, une visite

au Président de la République à Fontainebleau et nous aurons le programme à peu près complet de la fête.

Dans son discours d'ouverture, M. Yves Guyot a résumé les progrès accomplis dans l'industrie des transports; une des questions les plus intéressantes qu'il ait abordées est celle qui concerne la sécurité et le confort des voyageurs.

Cette sécurité, a dit le ministre des travaux publics, est à peu près absolue sur les chemins de fer français, car, pour les cinq années de 1882 à 1887, on constate un voyageur blessé par 90 millions de kilomètres parcourus et un voyageur tué par 3 milliards de kilomètres par

courus.

On se préoccupe aussi d'accroître le confort des voyageurs. Ils trouvent maintenant des salles à manger, des lits. A l'Exposition, nous pouvons voir des types variés de voitures s'appliquant à toutes les classes et prouvant, en même temps que le désir de répondre aux vœux du public, l'ingéniosité des recherches auxquelles se sont livrés les constructeurs.

M. Yves Guyot cite ensuite quelques chiffres extraits des statistiques dressées par les compagnies et relatifs à la situation des chemins de fer en France. Il sont arrivés à un développement de 35.000 kilomètres, alors qu'il y a vingt ans il n'était que de 15.000 et en 1877 que de 21.000 kilomètres.

Le nombre des voyageurs kilométriques a passé de 4.300 millions à 7.800 millions, soit une augmentation de 68 0/0, et le nombre de tonnes kilométriques de 5.845 millions, à 9.800 millions, soit plus de 72 0/0 d'augmentation.

Il résulte encore des statistiques consultées par le ministre, que le public de plus en plus tend à voyager en troisième classe; il serait donc bon, non seulement de lui donner des vagons aussi confortables que ceux de seconde classe, tout en ne lui demandant que le prix des troisièmes, mais de faire participer ce public des troisièmes à tous les avantages de la vitesse.

Ce dernier desideratum est surtout important, car la plupart des voyageurs de troisième sont des travailleurs, et le temps qu'ils perdent à lambiner en route est de l'argent perdu pour la société aussi bien que pour eux.

Le ministre a terminé son discours en félicitant les membres du Congrès de la sollicitude qu'ils montrent envers leur personnel en développant les institutions de prévoyance, et il exprime l'espoir que le monde civilisé profitera des travaux du Congrès, dont la France et la République garderont un souvenir reconnaissant.

Au banquet offert par les compagnies de chemins de fer et honoré de la présence ou de la représentation de toutes les autorités : gouvernemen

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tale, préfectorale et municipale, des allocutions ont été prononcées par MM. le baron A. de Rothschild, Yves Guyot, et le commandant Brioschi, délégué du ministère des travaux publics d'Italie.

M. A. de Rothschild a exposé dans les termes suivants le but du Congrès et les devoirs des administrations de chemins de fer:

<< Les administrations des chemins de fer qui ont, pour ainsi dire, charge d'âmes, qui ont le souci de leur responsabilité et qui connaissent les funestes conséquences d'une simple erreur, ont le devoir de n'appliquer les procédés nouveaux qu'après un examen approfondi, lorsqu'ils ont reçu la consécration du temps et de l'expérience.

Mettre au service de tous l'expérience de chacun, tel est le but du Congrès. Ici, point de jalousie, point de faux amour-propre, pas d'autre mobile qu'une généreuse émulation à la recherche du bien général.

<< Des solutions absolues ne sauraient sortir des délibérations du Congrès sagement conduites, car, dans chaque pays, l'exploitation des chemins de fer doit être subordonnée aux habitudes, aux besoins commerciaux et même aux nécessités climatériques du pays.

«Mais, dans ces épanchements intimes qui précèdent et suivent les discussions solennelles, les idées s'échangent, les questions s'éclairent d'un jour nouveau, et des rapports d'estime et de confiance s'établissent entre des hommes unis dans la pensée commune, celle de perfectionner de merveilleux instruments de paix et de civilisation confiés à leurs soins, d'améliorer les services internationaux et de donner au commerce les facilités les plus étendues ».

Fasse le ciel que le protectionnisme ne neutralise pas de si bonnes intentions. En fermant plus ou moins hermétiquement ses frontières à l'entrée des produits étrangers, on les ferme du même coup à la sortie de ses propres produits, de sorte que le commerce international devient nul et, par suite, les chemins de fer inutiles.

Une fois entré dans cette voie, il n'y a pas de raison pour ne pas élever aussi des barrières autour de chaque département, car, dans une foule de cas, la concurrence de l'un d'eux n'est pas moins redoutable pour l'agriculture ou l'industrie d'un autre que celle de l'étranger; de sorte que, si l'on était logique, on arriverait jusqu'à supprimer les routes et chemins et à rester chacun chez soi, pour se tenir à l'abri de la concurrence du voisin. C'est alors que l'on serait heurenx, si l'on en croit les protectionnistes!

Au banquet offert aux membres du Congrès par les ministres des travaux publics et des finances, et non moins cordial que celui des Compagnies, M. Picard, président du Congrès, s'est fait l'interprète des membres du Congrês pour remercier le gouvernement français de l'accueil bienveillant et hospitalier qui leur a été fait.

« Notre reconnaissance, a-t-il dit, doit remonter à M. Carnot, dont le nom si glorieux et si populaire signifie loyauté, intégrité et patriotisme ».

En toutes les circonstances, les membres du Congrès ont témoigné leur vive sympathie pour la République et pour son président, ingénieur comme eux, « et qui n'a jamais oublié son origine ».

En terminant, M. Picard a bu à l'union fraternelle et indissoluble de tous les membres du Congrès. MM. les ministres présents de France et de Belgique, et M. Verkhowski, délégué russe, ont bu à la France.

Enfin, M. Yves Guyot a pris la parole pour un dernier toast: « Vous n'êtes pas, dit-il, de ceux qui pensent qu'on peut résoudre des problèmes complexes en cinq minutes, mais vous apportez ici votre expérience pour faire progresser la grande industrie; je bois à la prospérité de toutes les nations représentées ».

Les convives, qui ont entendu et applaudi pendant les deux repas (des Compagnies et des Ministres) l'excellente musique de la Garde Républi caine et les airs nationaux français et étrangers, ont assisté, en prenant le café, à la fin du banquet ministériel, à l'exécution de deux fragments de l'Ode triomphale à la République, de Mlle Augusta Holmès.

Parlerons-nous de la visite des membres du Congrès au président de la République à Fontainebleau ? C'est un peu toujours la même chose. Remarquons seulement qu'après les compliments et les présentations, après les bouquets offerts à M. Carnot par les dames, car il y avait des dames en cette circonstance seule, un lunch a été servi dans les appartements du Pape.

C'est tout naturel la Science ayant remplacé la Foi, d'autant plus facilement que les deux sœurs ennemies se ressemblent à un tel point que beaucoup de personnes s'y trompent, en lunchant dans les appartements du Pape, la science ne fait que prendre la place vacante qui lui revient par droit de parenté et d'héritage.

Contrairement aux autres Congrès, qui ont publié, avant de se réunir, des Rapports sur les questions à l'étude, celui-ci a discuté impromptu, et les Rapports ne sont pas imprimés.

Ne voulant pas nous exposer à travestir ou à mal interpréter les idées exprimées par les divers orateurs que nous avons entendus, en les citant de mémoire, nous attendrons que les Rapports soient publiés pour en faire le compte rendu.

La plupart des questions traitées sont d'ordre technique et ne se rattachent qu'indirectement à l'économie, mais ces contacts indirects ont souvent plus d'importance qu'on ne leur en attribue, et c'est à tort qu'on les néglige.

En tout cas, il y en a plusieurs qui ressortent directement de l'éco

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