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riche, et comblant de ses bienfaits des hommes oisifs qui jouissent de tous ces avantages sans les apprécier.

Aloupka est à huit verstes de Céméus. Ce village est situé dans le vallon le plus chaud de la Crimée. Il est environné des débris qu'une révolution souterraine a occasionés dans les montagnes.

L'abondance des ruisseaux, quelques cascades donneraient à Aloupka des rapports avec la Suisse; mais la température, le voisinage de la mer, ses productions, sa fertilité, lui assignent la première place entre tous les sites de Crimée.

Le laurier croît entre les fentes des rochers; tous les arbres transplantés des climats chauds y réussissent au mieux. Le buis, l'olivier, le grenadier et surtout le figuier y viennent sans culture. Peu de rivages sont aussi riches en poissons; la petite sardine s'y trouve par bancs.

Frappé de la monstrueuse croissance de certains arbres et de quelques plantes, je m'amusai à prendre des mesures. Le premier noyer que j'ai mesuré a, dans le tronc, 21 pieds de circonférence, le second 18, le troisième 16.

Un olivier avait près de 11 pieds de tour, à 4 pieds en

terre.

Plusieurs ceps de vigne m'ont présenté une circonférence qui a varié depuis 2 pieds /, jusqu'à 3: ces vignes sont

sauvages.

Taganrog.

Taganrog est sur la mer d'Azow; c'est le débouché naturel et commode des provinces russes qui l'avoisinent.

Après Odessa, Taganrog est, de toutes les villes de la Nouvelle-Russie, celle qui mérite le plus d'attention. Les mines de Sibérie et la culture des grains lui fournissent une source inépuisable de richesses.

Pierre-le-Grand, résolu de donner, par la mer d'Azow, un débouché naturel aux provinces méridionales de son Etat, fit construire à Taganrog un port capable de contenir deux cents petits navires. Il le protégea d'un fortin et couvrit l'un et l'autre par une forteresse régulière. De plus, il établit une ligne de défense appuyée de deux redoutes. Les soins empressés de ce souverain le déterminèrent à peupler Azow et Taganrog de colons pris dans les provinces de l'intérieur. Il donna un gouvernement à ce nouvel établissement, et porta son attention sur les moyens de rendre le commerce facile à ses sujets, et sur les agrémens à procurer aux marchands qui viendraient s'y établir. Dans cette dernière vue, il fit tracer des jardins et planter des vignes. Des canaux, pour joindre le Don à l'Oka et le Volga au Don, furent creusés.

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La malheureuse campagne du Pruth, en 1711, anéantit tous les projets de Pierre-le-Grand sur la mer d'Azow. La forteresse de ce nom, son territoire et toutes les redoutes élevées sur la rive gauche, furent rendues aux Turcs: on convint de démolir Taganrog. Pierre-le-Grand écrivit à l'amiral Apraxin : «< Ne perdez pas de vue, en démolissant, « que cet établissement peut nous être encore un jour bon

« à quelque chose. » Effectivement la plus grande partie des fortifications, ainsi que la ligne de défense des mines à la mer, restèrent dans le même état où on les voit encore de nos jours.

Plusieurs guerres se sont succédées entre les Russes et les Turcs. Bien des fois Azow a changé de maîtres: mais en 1774, le traité de Kaïnardgi assura à la Russie la possession d'Azow, de Taganrog et de leur territoire.

Alexandre, en 1802, éleva Taganrog au rang des premiers ports commerçans de la côte méridionale, en lui donnant un gouvernement particulier, à l'administration duquel ont été réunies, en 1807, les villes commerçantes de Nachitchevan, Rostow et Mariopol, avec leurs banlieues et les cordons de la douane, le long des côtes de la mer. C'est depuis cette époque qu'il a été formé un comité des édifices publics, que l'état de la douane, du bureau de santé et de la police a été agrandi; qu'on a établi une chambre d'escompte et que tous les moyens, propres à favoriser le commerce, ont été pris.

De la ville. Taganrog est situé sur la partie la plus élevée d'une pointe de la côte septentrionale de la mer d'Azow. Le climat est sain, l'air pur et rafraîchi par les vents de la mer; il n'offre d'exception avec le reste de la Nouvelle-Russie que parceque les pluies y sont plus abondantes en automne et les brouillards plus habituels. Les rues sont proprement tenues, des puits ont été creusés dans toutes les parties de la ville; un jardin public, planté de diverses espèces d'arbres, sert de rendez-vous pendant la belle saison.

Des habitans. On compte parmi les habitans de Taganrog, des Russes, des Tartares, des Grecs et quelques étrangers Allemands ou Français leur nombre s'élève à

8,000 environ. La population est doublée pendant la saison des arrivages; les spéculateurs s'y rendent de toutes parts, avec les ouvriers nécessaires : on y voit alors des Italiens, des Ragusois, des Idriotes; les marchands de l'intérieur de la Russie s'y rendent aussi. Indépendamment des secours que le commerce fournit à Taganrog, cette ville a des ressources particulières : telles sont la culture des jardins, les fournitures de chariots pour le déchargement des navires, des alléges (ou bateaux plats), pour prendre les marchandises à bord et en transporter d'autres quand on charge les

bâtimens.

Commerce. La position de Taganrog est très favorable au commerce, parcequ'elle est le débouché de plusieurs provinces russes; les blés et les fers composent les principaux articles de ce commerce. La destination des blés est pour les mêmes Echelles que ceux d'Odessa.

Parmi les fers, celui qui est en barres de un à deux ponds la pièce, fait l'objet principal du commerce; il passe en Natolie, à Constantinople, dans l'Archipel, à Smyrne, et de cette dernière Echelle dans tout le Levant.

Le caviar (1), le beurre fondu, les cuirs de Russie, les suifs, les chandelles, les fourrures, les toiles, les cuirs crus, la laine noire, ajoutent au commerce d'exportation; les pêcheries des embouchures du Don, celles sur la mer augmentent beaucoup les spéculations des marchands de Taganrog. Les marchandises qu'on y importe sont les vins, les huiles, les fruits secs, les sirops, l'encens, etc., etc.

On voit par ce qui précède, que cette ville est suscep

(1) Sorte de boisson composée avec des œufs d'esturgeon, qui plaît beaucoup aux Russes.

tible d'augmenter son commerce. On a très mal vu quand on a dit qu'Odessa faisait tort au commerce de Taganrog et réciproquement; leur situation donne à chacune de ces villes des avantages très distincts; elles sont à des distances (60 à 65 lieues) assez considérables l'une de l'autre pour ne pas craindre la rivalité : si jamais elle existait, elle contribuerait à l'avantage de la Nouvelle-Russie, car plus il y a d'émulation dans le commerce, plus on acquiert d'expérience pour faire fleurir le pays qui l'alimente.

Mais, loin de redouter cette rivalité pour Odessa, tout porte à faire croire que Taganrog doit décliner (1) par les dangers de la mer d'Azow, par les difficultés de faire quarantaine en cette ville, par les frais énormes pour l'embarquement et le débarquement des marchandises, puisque les vaisseaux, ne peuvent approcher du port de plusieurs verstes. Si le commerce de Taganrog peut augmenter, ce sera par le cabotage qui convient parfaitement à sa position; mais elle déclinera nécessairement à mesure qu'Odessa prendra plus de consistance, c'est-à-dire qu'avec le temps la proportion qui existe aujourd'hui entre Odessa et Taganrog deviendra toute autre : Odessa sera au premier rang des villes de commerce, et il est à craindre que Taganrog ne reste en seconde ligne. (Extrait de l'Histoire de la Nouvelle-Russie, par M. le marquis de CASTELNAU.)

L'empereur Alexandre venait d'acheter auprès de Taganrog des terres, des terres, et entr'autres domaines celui du comte

(1) Ceci est écrit en 1820.

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