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Mais il existe des états d'association grossière et mal réglée.-La succession du temps y amène le progrès.

Progrès des éléments de la richesse matérielle.

Progrès des richesses intellectuelles. Dans les sciences physiques. Dans les sciences morales.-Dans les lettres et les beauxarts. — Dans les sciences sociales, et enfin dans l'économie politique.

Il a été longtemps en usage, surtout parmi les philosophes et les publicistes du xvir® siècle, et jus

P. I.

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que dans les premières années du siècle actuel, d'ouvrir les traités de morale, de législation, de gouvernement intérieur ou extérieur des états, par une description plus ou moins conjecturale de l'origine et du premier développement des sociétés

humaines.

Convaincu que pour faire progresser les sciences morales, il faut y appliquer, autant que possible, le procédé qui a fait le succès des sciences physiques, c'est-à-dire l'exacte observation des faits, avec exclusion de ce qui n'est qu'oeuvre d'imagination, nous nous abstiendrons de remonter à des époques où ne peut pénétrer la certitude des documents historiques.

Nous partirons uniquement de cette vérité, reconnue aujourd'hui par les meilleurs esprits, que l'homme, par la loi même de sa création, de son organisation, est essentiellement sociable.

L'homme isolé, qui forme le point de départ de l'école du XVIIIe siècle, est une utopie. Jamais vous ne le rencontrerez, si ce n'est par suite de quelque accident, de quelque exception extraordinaire, ayant renversé le cours naturel des choses.

L'homme véritable, l'homme en sa condition normale, ne se conçoit, et, si haut que les documents historiques puissent remonter, ne s'est jamais vu qu'à l'état d'association.

Mais si l'homme isolé est une rêverie philosophique, ce qui est une réalité, c'est l'homme barbare,

c'est-à-dire l'homme à l'état d'association encore inculte et grossière.

C'est une conséquence même de la loi de perfectibilité, apanage glorieux de notre espèce, qu'en toutes choses humaines les commencements soient informes; mais le temps, avec l'expérience qui marche à sa suite, amène successivement les améliorations.

L'état d'association grossière et mal réglée, loin d'être une conjecture, est signalé partout par les traditions; notre propre histoire nous le montre dans les hordes du nord et de l'Asie, dont les invasions ont formé les peuples modernes de l'Europe; enfin le marin, dans ses navigations, le voyageur, dans ses explorations des continents, le rencontrent encore, de nos jours, fréquemment et à des degrés divers.

De telle sorte, qu'il nous devient possible de suivre, même en des exemples vivants, et chez des races plus retardataires, la trace des formes imparfaites par lesquelles la société des hommes a pu passer, avant que la succession des siècles l'ait fait arriver au point où elle se présente aujourd'hui à nous, dans les pays les plus civilisés.

Ainsi les tribus des Arabes bédouins et les hordes tatares du Turkestan, les nègres de la côte d'Afrique, les Hottentots et les Caffres du cap de BonneEspérance, les peaux rouges de l'Amérique et les insulaires de l'Océanie, nous offrent des variétés

nombreuses de ces associations plus ou moins grossièrement ébauchées, à l'état nomade ou à l'état fixe, menant la vie soit de peuples chasseurs ou pêcheurs, soit de peuples pasteurs, soit de peuples imparfaitement agricoles, soit l'une et l'autre réunies, souvent même avec des éléments plus ou moins informes d'une aptitude à l'industrie ou d'un certain commerce d'échange.

Ce sont comme des types divers des degrés par lesquels la sociabilité humaine peut passer, ou même stationner longtemps chez certaines races, avant de se développer dans une voie de perfection désirable.

En effet, recueillir au hasard, sur son passage, les productions que la terre offre d'elle-même ou s'emparer des animaux qui s'y rencontrent, pour la satisfaction des besoins les plus élémentaires de la vie, comme font les peuples nomades et chasseurs, c'est le degré le plus infime de l'humanité les êtres animés qui nous sont inférieurs ne vivent que par un semblable procédé.

Consacrer ses soins à l'éducation des animaux les plus utiles, ou à la culture de la terre, afin de multiplier, par le secours du travail et de l'art humain, la richesse qu'on en tire, et de l'avoir d'une manière permanente à sa portée, comme font les peuples pasteurs ou les peuples agricoles, c'est déjà s'élever sur l'échelle de la civilisation.

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