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Enfin, un troisième droit permanent ou absolu des états souverains est celui de l'égalité entre eux. L'infériorité relative de forces dans un état, par comparaison aux forces d'autres puissances, ne préjudicie point à la souveraineté ni à ses conséquences.

Sans doute, un état faible est, dans la balance politique, d'un moindre poids qu'un état puissant ; et il faut appliquer aux nations cette vérité qui existe à l'égard des individus isolés, que souvent le faible est obligé, dans son propre intérêt, à garder certains ménagements envers le fort, souvent même à agir contre son propre gré. Mais par ces mots indépendance et égalité appliqués aux nations, on veut dire seulement que la faiblesse d'un état, résultant soit du peu d'étendue de son territoire ou du chiffre restreint de sa population, soit de l'infériorité de ses forces militaires, soit de toute autre cause, n'est pas un motif pour lui reconnaître moins de droits qu'à un autre plus puissant.

L'inégalité est une loi de la nature, elle est partout dans l'ordre des faits, que l'on considère les hommes individuels ou les nations, qu'on les compare dans leurs facultés physiques ou dans leurs facultés morales. C'est l'idée du juste qui, nonobstant ces inégalités de fait, vient établir le principe de l'égalité de droit.

Ainsi un état souverain, quelque faible qu'il soit, n'en a pas moins, comme l'état le plus puissant

et au même degré, le droit absolu de bien-être et de conservation, celui d'indépendance, et tous ceux qui en dérivent.

En résumé, les trois droits qui suivent :
Droit de bien-être et de conservation,
Droit d'indépendance,

Droit d'égalité,

sont les attributs permanents et essentiels de tout état souverain.

Le détail des droits, si nombreux, que la variété des situations peut faire naître entre nations, vient toujours se rattacher plus ou moins à l'un de ces trois principes; et bien souvent il ne s'agit que d'en tirer les corollaires.

CHAPITRE QUATRIÈME.

Du Droit international.

SOMMAIRE.

Ce qu'on entend par Droit, pris au singulier et dans un sens général. Droit des Gens, autrement dit Droit international, ou Droit public externe. Comment il diffère du droit privé dans sa nature. Comment il en diffère dans son mode de déclaration ou de constitution. - Comment dans son mode de garantie.

Sa division en droit international naturel, et droit international positif. - Discussion entre les publicistes sur l'existence ou la non-existence d'un droit international naturel. A quoi il faut réduire cette discussion.

Nécessité pour les nations d'avoir recours, pour la détermination de leurs droits respectifs, au sentiment raisonnable du juste et de l'injuste; aux vérités morales mises en lumière sur ce point : première autorité constitutive du droit international. La coutume, longtemps et généralement suivie, est une autre autorité constitutive du droit international. Les traités publics forment une troisième autorité.-Rang qu'il faut donner à ces trois sources fondamentales du droit international, au point de vue philosophique. Rang qu'il faut leur donner au point de vue pratique.

Subdivision du droit international positif en conventionnel et coutumier. · Utilité à retirer, pour la connaissance et la pratique du droit international positif, de certaines lois et ordonnances rendues par le gouvernement de chaque état.

Écrivains sur le droit international théorique. Écrivains sur le droit international positif. — Progrès du droit international positif dans les derniers temps.

Si après avoir acquis la notion des droits, ou nécessités morales et extérieures de conduite dans les diverses relations humaines, on généralise à son plus haut degré cette notion, pour résultat de cette généralisation on obtient une idée d'ensemble, l'ensemble de tous ces droits, l'ensemble de toutes ces nécessités de conduite. Cette idée générale, cette idée d'ensemble est rendue par le même mot pris au singulier et dans un sens absolu, le Droit.

Sans doute c'est une imperfection de la langue scientifique, que cet emploi d'un même terme pour désigner deux idées différentes, dont l'une est la généralisation de l'autre. Mais les langues, même scientifiques, s'acceptent telles qu'un long usage les a faites; et difficilement on parvient à les corriger.

Appliquant ce procédé aux droits des nations. dans leurs relations entre elles, on en déduit, pour l'ensemble de ces droits ou nécessités morales de conduite internationale, ce qu'on appelle le Droit des Gens, le mot Gens étant pris ici pour désigner les nations, les états; comme qui dirait Droit des Nations. A cette dénomination de Droit des Gens, on a substitué depuis peu celle plus exacte de Droit international, usitée surtout parmi les Anglais (International law), expression dans laquelle le mot

loi (law) est généralisé comme l'est chez nous le mot droit. Le droit international se qualifie aussi quelquefois de Droit public externe.

Une société civile, un état, étant, comme dit Vattel, un sujet bien différent d'un individu humain, les droits existants entre nations diffèrent dans beaucoup de cas de ceux qui ont lieu entre les ticuliers, et par conséquent le droit international, du droit privé (1).

par

Ces droits se distinguent l'un de l'autre, à la fois dans leur nature, dans leur mode de déclaration ou de constitution, et dans leur mode de garantie.

Quant à leur nature, on ne peut nier que les droits internationaux et les droits privés se rattachent en bien des points à un certain nombre de principes communs. Ainsi, nous croyons qu'on peut établir pour bases principales tant des uns que des autres, les vérités morales qui suivent :

1° Que tout être moral, individuel ou collectif, dont l'existence est légitime, a le droit de pourvoir à son bien-être et à sa conservation;

2° Que nul ne peut s'enrichir ni s'avantager au préjudice du droit d'autrui ;

3° Que quiconque a causé par sa faute un dommage à autrui est tenu de le réparer;

(1) VATTEL, Droit des Gens, Préliminaires, § 6.

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