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tous les moyens compatibles avec sa dignité et << avec le bien de ses sujets.... »

Plus tard, la France établissait «< que que le traité « conclu avec le congrès n'était pas une offense « pour l'Angleterre ; que par conséquent l'acte par lequel il a été dénoncé à cette puissance n'était point une déclaration de guerre (1). »

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On connaît les résultats immenses de cette guerre mémorable, ainsi commencée par l'Angleterre. Il est juste de dire en faveur de cette puissance, qu'à la réception de la déclaration du marquis de Noailles, elle rappela l'ambassadeur qu'elle avait à Paris, et dénonça au parlement la démarche du roi de France comme une agression formelle et préméditée.

Il est juste aussi de dire, que depuis le rappel de cet ambassadeur, l'état des choses et des esprits, le caractère d'aigreur et d'hostilité qui régnait dans les communications des deux cours, les mesures de représailles qui avaient eu lieu, et surtout les armements ostensiblement faits de part et d'autre présageaient une rupture complète et imminente, et que, par conséquent, les bâtiments de guerre français que leur éloignement ne tenait pas dans l'ignorance des événements, devaient s'attendre à la

(1) Ibidem, p. 489: Observations de la cour de Versailles sur le mémoire justificatif de la cour de Londres.

la nécessité de repousser la force par la force (1). Malgré la divergence des opinions des publicistes, et malgré les exemples trop fréquents de guerres entreprises ex abrupto, il est vrai de dire que l'usage de déclarer la guerre n'est pas tombé en désuétude, et qu'il est resté une coutume du droit des gens (2).

il faut

Mais par ces mots déclaration de guerre, entendre un document authentique sous une forme quelconque, émané de la puissance qui prétend user contre une autre de son droit d'employer la force des armes, pourvu que ce document soit connu ou censé connu par la puissance à laquelle il s'adresse, avant l'ouverture des hostilités.

Cette dernière condition est la seule vraiment essentielle; car son observation remplira parfaitement le but que se sont proposé les nations, celui d'éviter la surprise et la trahison.

Moyens à employer dans la guerre.

Le but de la guerre entre deux ou plusieurs états

(1) Lorsque le lougre le Coureur et la frégate la Belle - Poule furent attaqués le 17 juin 1778 par l'escadre de l'amiral Keppel, ces deux navires étaient sortis de Brest depuis deux jours seulement. Leurs commandants devaient donc nécessairement avoir reçu des instructions particulières de nature à les mettre en garde contre une attaque des Anglais.

(2) SCHMALZ, Droit des Gens européen, liv. 6, ch. 2, p. 223.

étant de vider par le moyen de la force un différend qui n'a pu être aplani par les voies amiables, ce but ne peut être atteint que par la victoire.

Ce sera la victoire, en effet, remportée par l'un des belligérants, qui, paralysant ou détruisant les forces de l'autre, l'obligera, dans la crainte d'un plus grand mal, à reconnaître et à satisfaire les exigences du premier.

Mais dans quelles limites ce droit d'employer la force pour réduire l'ennemi, et conséquemment pour obtenir la victoire, doit-il être renfermé?

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Une logique rigoureuse, s'appuyant sur cet adage populaire que, qui veut la fin veut les moyens, » conclura impitoyablement, qu'il n'est aucun moyen, quelque violent qu'il soit, qu'on ne soit en droit d'employer contre l'ennemi, pourvu que ce moyen ne porte point préjudice aux droits d'un tiers (1).

Telle est, notamment, l'opinion de Bynkershoek. Conséquent avec la définition qu'il donne de la guerre (2), cet auteur pense que tout usage de la force est juste dans la guerre, même contre un ennemi dépourvu de défense. Il admet l'emploi du

(1) KLUEBER, Droit des Gens moderne, § 241.

(2) Bellum est eorum, qui suæ potestatis sunt, juris sui persequendi ergo, concertatio per vim per dolum. Quæst. juris publici de Rebus bellicis, cap. 1.

poison, de l'assassinat, de l'incendie par des feux artificiels que l'un possède et que l'autre ne possède pas. « Si nous suivons, dit-il, la raison, cette régulatrice du droit des gens, tout est permis contre l'ennemi, parcela seul qu'il est ennemi. » » — « Je permets, dit-il encore, toute sorte de dol excepté la seule perfidie, c'est-à-dire le seul manque de foi ; non que tout ne soit pas licite contre l'ennemi; mais parce que du moment que la foi a été donnée, pour tout ce qu'embrasse cette foi, il cesse d'être ennemi.»-Il distingue ici, comme à l'égard de la déclaration de guerre, entre la justice et la grandeur d'âme. « La justice dans la guerre est strictement nécessaire, tandis que la grandeur d'àme n'émane que de la

Dixi per vim. Non per vim justam,' omnis enim vis in bello justa est, si me audias, et ideo justa, cum liceat hostem opprimere, etiam inermem, cum liceat veneno, cum liceat percussore immisso, et igne factitio, quem tu habes, et ille forte non habet, denique cum liceatut uno verbo dicam quomodocumque libuerit. Scio Grotium de veneno contradicere (de jure B. et P., liv. 3, c. 4, § 15), et inter percussorem distinguere (ibidem, § 18). Scio Zoucheum, ut nihil fere solet ipse definire, animi quoque dubium hærere, de jure fecial., part. 2, sect. 10. Sed si rationem, juris gentium magistram, sequamur, in hostes, qua hostes, omnia licet.

Ego omnem dolum permitto, sola perfidia excepta, non quod contra hostem non quodlibet liceat, sed quod, fide data, quatenus data est, hostis esse desinat. Justitia in bello omnino necessaria est; animi vero magnitudo a mera voluntate proficiscitur. Justitia omnem dolum, excepta, ut dixi, perfidia, admittit; magnitudo non admittit, etc. (Quæst. jur. publ. lib. 1, cap. 1.)

animi

libre volonté : or, la justice y permet toute sorte de dol excepté la perfidie, quoique la grandeur d'âme ne l'admette pas. »

On pourrait à bon droit s'étonner qu'une pareille doctrine ait été professée au milieu du dix-huitième siècle, par un auteur aussi éminent que Bynkershoek, si lui-même n'y apportait, dans les chapitres suivants de son livre, des restrictions qui enlèvent à sa pensée le sens absolu qu'elle paraissait avoir au premier abord. Pour faire admettre commne vraie cette doctrine, il faudrait d'abord faire admettre pour vérité cette autre proposition, « que la fin justifie toujours le moyen; » il faudrait démontrer que du moment qu'on poursuit un résultat, il n'y a plus à s'inquiéter de la nature morale des actes employés pour y parvenir.

Mais, à défaut de la loi du juste et des principes de morale, sur lesquels il est toujours possible d'établir une controverse, l'expérience a fait voir que l'application rigoureuse de cette maxime, « tous les moyens sont bons contre l'ennemi » entraîne, dans les guerres de nation à nation, la mise en pratique d'un système d'atrocités inutiles et dangereuses.

Fidèles aux enseignements de cette expérience, les peuples civilisés ne se sont pas bornés à proscrire entièrement dans leurs guerres l'usage du poison et de l'assassinat, que réprouve la morale universelle ; mais ils ont aussi adopté d'un commun accord des restrictions nombreuses à l'exercice des moyens em

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