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chée à la vue de Calais, fit des signaux de détresse pour attirer quelque bâtiment, et se saisit d'une chaloupe et des matelots qui venaient généreusement à son secours (1).

Et cet autre fait, beaucoup plus récent et de même nature, d'une frégate et de deux vaisseaux anglais qui, le 4 septembre 1800, étant en mer près de Barcelone, forcèrent une galiote suédoise, la Hoffnung, de prendre à son bord des officiers anglais et un nombre considérable de marins et de soldats, et de se laisser remorquer à l'entrée de la nuit jusque sur la rade de Barcelone.

Les Anglais ayant réduit le capitaine suédois et son équipage au silence, en lui tenant le pistolet sur la poitrine, s'emparèrent de la manœuvre, et firent à neuf heures du soir, moyennant ledit bâtiment et les chaloupes qui l'environnaient, une attaque sur deux frégates espagnoles qui s'y trouvaient à l'ancre, lesquelles n'ayant pu soupçonner que ce bâtiment, ami et neutre, recélait à son bord des ennemis, et servait ainsi à l'attaque la plus traîtreuse, furent surprises et forcées de se rendre. »

Assurément de pareils actes ne peuvent pas être rangés parmi les stratagèmes permis à la guerre. Le dernier porte le double caractère de trahison envers l'ennemi et de violation perfide des droits de la

(1) VATTEL, Droit des Gens, liv. 3, ch. 10, § 178.

neutralité. Aussi donna-t-il lieu à une plainte énergique de la part de l'Espagne, et à un échange de notes diplomatiques avec la Suède (1).

Dans l'attaque ou dans la défense à force ouverte, contre un ennemi armé, le droit des gens actuel semble autoriser l'emploi d'armes offensives de toute sorte et de toute espèce de machines de guerre. Le but légitime à atteindre est, en effet, de mettre son ennemi hors de combat en tuant ou en blessant dans ses rangs le plus de monde possible; mais tout ce qui dépasse ce but est proscrit comme inutile et barbare. Ainsi, il est défendu de faire usage d'armes envenimées qui rendraient les blessures incurables ou plus douloureuses sans causer une plus grande perte à l'ennemi; il n'est pas permis non plus de charger les canons avec des morceaux de fer informes, des pierres angulaires, des clous ou du verre. Suivant Klueber et de Martens, on regarderait comme illicite de charger les fusils à deux balles, à deux moitiés de balles ou avec des balles crénelées (2).

On a fait quelquefois des conventions ou arrangements militaires d'après lesquels on devait s'abstenir de tirer à boulets rouges sur les vaisseaux (3).

(1) Voir à l'Appendice, annexe B.

(2) KLUEBER, Droit des Gens moderne, § 244. — De Martens, Précis du Droit, etc., § 273, note a.

(3) KLUEBER et DE MARTENS, aux §§ cités.

Un ordre du jour du maréchal de Conflans, viceamiral de France, daté du 8 novembre 1759, fait voir qu'à cette époque, l'usage des boulets creux chargés d'artifices n'était pas tout à fait consacré dans les combats sur mer et n'était considéré pas comme très loyal (1).

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Les sciences exactes qui, de nos jours, out produit de si heureux résultats dans leur application aux arts pacifiques utiles à la société, ont aussi

(1) Ordre du jour du maréchal de Conflans, vice-amiral de France.

<< Il est absolument contre le droit des gens de faire une mauvaise guerre et de tirer des artifices contre l'ennemi, que l'on doit toujours combattre suivant les règles de l'honneur, avec les armes généralement employées par les nations policées.

Cependant quelques capitaines se sont plaints que les Anglais aient employé de semblables moyens contre eux.

Ce n'est aussi que sur leurs plaintes et avec une extrême répugnance, que l'on s'est déterminé à embarquer sur les vaisseaux de ligne des boulets creux chargés d'artifice; mais il est expressément défendu de s'en servir, à moins que les ennemis ne commencent.

En ce cas seulement, le premier vaisseau qui s'en apercevra, mettra un pavillon anglais à queue rouge dans l'endroit le plus favorable pour être remarqué.

Ce signal sera répété par tous ceux qui l'apercevront; et alors il est permis à tous les vaisseaux de l'armée, d'user d'une juste représaille.

Je ne saurais recommander à MM. les capitaines trop d'attention à ne pas faire ce signal, sans avoir bien constaté le fait. »

A bord du Soleil royal en rade de Brest, le 8 novembre 1759. Signé le Maréchal DE CONFLANS.

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fait faire à l'art de la guerre de notables progrès.

Les inventions récentes de l'artillerie ont beaucoup accru la puissance meurtrière des armes à feu. Aujourd'hui, des canons d'un calibre énorme peuvent lancer de plein foüet à de grandes distances, de véritables bombes dont les effets destructeurs ont été expérimentés et reconnus; on a atteint pour le tir une plus grande précision, et pour la portée une plus grande étendue; des armes nouvelles, susceptibles de répandre au loin l'incendie, le ravage et la destruction, ont été imaginées et seront peut-être adoptées.

Ces résultats de la science guerrière, bien qu'ils puissent paraître un mal au premier coup-d'oeil des philanthropes, tourneront peut-être au plus grand avantage de l'humanité. Désormais les combats, les combats sur mer surtout, s'ils sont plus meurtriers, seront beaucoup plus courts; on en finira plus vite avec son ennemi.

Peut-être aussi la race humaine, effrayée de l'immensité des moyens mis à sa disposition pour s'entredétruire, reculera-t-elle quelquefois devant l'emploi de ces moyens; les guerres des peuples deviendront moins fréquentes, et le vœu des philosophes, en faveur du repos du monde, sera réalisé en partie.

CHAPITRE DEUXIÈME.

Capture des navires marchands.

SOMMAIRE.

Différence essentielle entre les lois de la guerre continentale et les lois de la guerre maritime, en ce qui concerne les propriétés privées ennemies. En quoi consiste cette différence.

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sonnements allégués par quelques publicistes contre l'usage de capturer les navires marchands ennemis. Pourquoi le maintien de cet usage est justifiable et nécessaire.

Exception en faveur des bateaux pêcheurs qui font la pêche côtière.-Historique de la question.

Les règles internationales, comprises sous la dénomination générale de lois de la guerre, qui ont été exposées succinctement au chapitre précédent, sont communes à la guerre continentale et à la guerre maritime, sauf, en un seul point, une grave exception qui entraîne avec elle d'immenses conséquences.

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