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Quoique les droits internationaux soient définis et reconnus, on sait qu'il n'existe :

Ni pouvoir législatif qui les constitue et les formule en loi écrite et générale ;

Ni pouvoir judiciaire qui, en cas de débats, les vérifie et prononce sur leur existence ou sur leur étendue ;

Ni, enfin, pouvoir exécutif qui emploie les forces réunies des états souverains à maintenir leur observation (1)..

D'où il suit que chacun de ces états pour obtenir le redressement d'un tort commis à son détriment, pour repousser une injure de la part d'un autre, est réduit à l'emploi des moyens qu'il puise en luimême.

Ces moyens sont de plusieurs sortes, selon la gravité des cas : ou la discussion paisible, par négociations, des griefs dont la réparation est poursuivie; ou le recours à des violences déterminées proportionnées à l'offense (2); ou enfin les voies de fait indéterminées, c'est-à-dire l'emploi rigoureux et général de la force. Ce dernier moyen, c'est la guerre.

En droit l'objet de la guerre n'est donc autre chose que la défense de l'état, comme l'indique l'étymologie même du mot.

(1) Voy. t. 1, ch. 4, p. 57 et 58.

(2) t. 1, ch. 16.]

En allemand le mot wehr, dérivé de la langue des anciens Germains, signifie défense. En hollandais weer a la même signification. Dans le moyen âge, la basse latinité en avait fait werra, gwerra, guerra. Ce dernier mot s'est conservé intact dans la plupart des langues du Midi et les Français en ont formé celui de guerre. Les Anglais disent war.

L'appellation primitive employée pour désigner le but de la guerre a été, par une figure de langage, reportée sur le moyen même d'atteindre à ce but: gewehr en allemand, geweer en hollandais, signifient les armes ; et en effet c'est par la voie des armes qu'on soutient la guerre.

La guerre est un parti violent, qui entraîne avec lui bien des calamités publiques; mais il est, dans la vie des nations, des cas où une impérieuse nécessité la commande; lorsque la guerre est le seul moyen qui reste à un état pour soutenir ses droits outragés ou méconnus, cet état ne doit pas hésiter à le prendre sous peine de porter atteinte à son honneur et de préparer sa décadence.

De même que les traités conclus par les nations entre elles sont appelés traités publics, de même internationale est qualifiée de guerre puguerre

la blique.

La distinction faite par quelques publicistes entre la guerre offensive et la guerre défensive est difficile à établir rigoureusement, si l'on donne à

ces deux expressions une portée et un sens différents de ceux qu'elles ont dans le langage de la stratégie militaire.

On dit que la guerre est offensive de la part de la puissance qui en prenant les armes tend à violer les droits d'une autre; qu'elle est défensive du côté de la puissance qui ne veut que défendre ses droits, soit que cette puissance repousse des hostilités dirigées contre elle, soit qu'elle attaque la première en vertu du droit de prévention (1). En principe c'est donc la justice ou l'injustice de la cause qui établit cette distinction.

Or, à moins de supposer le fait d'un conquérant qui, guidé par la seule soif des conquêtes, comme autrefois les Gengiskan, les Tamerlan ou les Mahomet II, porte la guerre chez une nation paisible, sans pouvoir formuler contre elle aucun grief, dans le but unique et ostensible de la subjuguer, d'anéantir ses droits et de se substituer à elle par l'effet de la force comment rendre évidente la justice ou l'injustice de la cause? puisqu'il n'existe aucun tribunal des nations dont la sentence soit admissible; puisque chaque état souverain, en vertu de sa souveraineté, est autorisé à recourir à la force, lorsque la force est le seul moyen de redresser une injure qu'il a véritablement reçue ou qu'il prétend avoir

(1) KLUEBER, Droit des Gens moderne, § 235.

reçue de la part d'un autre; puisqu'enfinil est le

seul juge dans sa propre cause, le seul appréciateur de la nature, de l'étendue de cette injure et des moyens qu'il est le maître d'employer pour en obtenir satisfaction?

Parmi les états civilisés toute guerre prend sa source dans un différend, dans une lésion quelconque, vraie ou supposée; et le cas échéant chacune des parties en litige s'efforce de légitimer sa conduite en invoquant en sa faveur les principes du droit des gens les notes, les mémoires, les manifestes sont échangés. Dans ces pièces diplomatiques, on s'accuse réciproquement de violation de droit, d'orgueil, d'artifice et d'ambition; la puissance elle-même de qui part l'offense prétend toujours avoir fait preuve d'équité, de modération et d'amour de la paix; on se prodigue de part et d'autre les noms d'infracteur des traités, de perturbateur de la paix publique; chacun veut assumer sur la partie adverse la responsabilité terrible des calamités qu'apporte avec lui le fléau de la guerre, et appeler de la justice de sa propre cause au tribunal de l'opinion publique, tribunal indéterminé, qui n'a pas d'autorité effective, qu'il est facile d'égarer, et dont la sentence illusoire est d'ailleurs toujours influencée par les considérations politiques des puissances qui, sans prendre part à la lutte des belligérants, y sont cependant plus ou moins intéressées.

Nonobstant ces discussions irritantes qui précè dent ordinairement la guerre entre deux états et dans lesquelles chacun d'eux veut avoir pour lui le bon droit, et quoiqu'il puisse même se faire que celui qui a tort soit de bonne foi; puisque la vérité est une, la justice de la cause ne peut être des deux côtés en même temps; il faut bien que ces raisons dont parlent Grotius et les publicistes venus après lui, raisons qu'ils appellent justificatives et qu'ils distinguent des motifs d'utilité, c'est-à-dire des motifs de politique (1), il faut bien que ces raisons existent, en fait, en faveur de l'une des parties plutôt qu'en faveur de l'autre.

Mais, en droit international positif, le droit des parties belligérantes doit être réputé douteux (2).

C'est une règle mentionnée par Vattel et dictée par la raison, que la guerre en forme, quant à ses effets, doit être regardée comme juste de part et d'autre (3). En d'autres termes, la guerre publique en forme ou légalement commencée, confère aux

(1) GROTIUS, Droit de la Guerre et de la Paix, liv. 2, ch. 1, § 1, et liv. 2, ch. 22, §§ 1 et suiv. - VATTEL, le Droit des Gens, liv. 3, ch. 3, §§ 25 et 26.-RAYNEVAL, Droit de la Nature et des Gens, liv. 3, ch. 2, §§ 1 et 2.

(2) KLUEBER, Droit des Gens moderne, § 237, note (a). SCHMALZ, Droit des Gens européen, liv. 6, ch. 1, P. 220.

(3) VATTEL, Droit des Gens, liv. 3, ch. 4, § 68, et liv. 3, ch. 12, $ 190.-DE MARTENS, Précis du Droit des Gens, § 265.

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