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des cargaisons qu'à l'égard des navires, et qu'il est difficile de constater. Les soupçons légitimes que fait naître cette pratique frauduleuse, et les abus qu'il est si facile d'en faire, exposent les neutres à des vexations sans nombre.

Au contraire, si, faisant tout dépendre de la qualité politique du navire, c'est-à-dire de sa nationalité, on adopte le principe que le sort de la cargaison est lié au sort du navire, ce qui veut dire que la cargaison, quels qu'en soient les propriétaires, est libre si le navire est libre, et qu'elle est confiscable si le navire l'est lui-même comme ennemi alors il n'y a plus qu'une seule chose à vérifier, c'est la nationalité du navire. Or cette nationalité est bien plus facile à mettre en évidence que celle des cargaisons.

En résumé, l'ancienne règle du Consulat de la mer était plus subtilement conséquente avec les principes primordiaux; mais la règle plus simple consacrée par le nouveau droit public maritime coupe court à beaucoup de difficultés; elle empêche beaucoup de vexations et d'abus contre les neutres; enfin elle est plus favorable à ces derniers, puisque la seule chose qui leur soit défendue en vertu de cette règle, c'est de charger leurs propriétés sur les navires des belligérants. Nous croyons que, par toutes ces raisons, elle est, de nos jours, bien préférable; et qu'il est à désirer que, reconnue et observée par la Grande-Bretagne comme par les autres états, elle reçoive, sans exception, une application universelle.

CHAPITRE SIXIÈME.

De la Contrebande de guerre.

SOMMAIRE.

-

Contrebande marchande et locale. Contrebande de guerre. Fondement de la prohibition du transport à l'ennemi de cette contrebande. — Un état neutre n'est pas tenu de punir ses sujets pour avoir contrevenu à cette prohibition; mais il ne peut les couvrir de sa protection.-Le commerce passif de la contrebande de guerre n'est pas défendu aux sujets neutres. — Opinions de divers publicistes touchant les objets qu'on doit réputer contrebande de guerre. - Quels doivent être ces objets au point de vue rationnel. Stipulations des traités publics à ce sujet.

Dispositions des anciens édits français du xvIe siècle contre la contrebande de guerre. - Principes rationnels relatifs à la pénalité qui doit frapper cette contrebande. - S'il est des cas où le navire même et la partie de son chargement non prohibée soient confiscables en même temps que les articles prohibés. — La pénalité contre la contrebande de guerre n'est applicable que dans le cas de flagrant délit. Pénalité prononcée par l'ordonnance de Louis XIV, de 1681, et par le règlement de Louis XVI, de 1778. Pénalité reconnue par les traités.

Contrebande par accident.-Droit de détention et droit de préemption: ces prétendus droits ne sont pas admissibles.- Transport d'individus militaires et transport des dépêches pour le service

de l'ennemi.

En temps

de paix, comme en temps de

guerre,

une puissance, en vertu de sa souveraineté, a toujours le droit de restreindre à son gré le commerce que font avec ses propres sujets les sujets des autres puissances. Elle peut notamment prohiber l'importation sur son territoire de certaines marchandises étrangères (1). Pour rendre cette prohibition efficace, elle est maîtresse d'appliquer aux contrevenants certaine pénalité déterminée par ses lois intérieures. Cette pénalité consiste ordinairement en amendes ou en la confiscation des denrées prohibées. Dans tous les pays il arrive que la soif du gain, principal mobile des opérations commerciales, engage ceux qui se livrent à ces opérations à s'exposer sciemment à de telles peines, parce que souvent les bénéfices réalisés dans un commerce défendu l'emportent de beaucoup sur les pertes résultant des amendes ou de la confiscation prononcées dans les cas de surprise en flagrant délit. Ce commerce clandestin et prohibé porte, comme chacun sait, le nom de contrebande, mot dont l'étymologie est bien connue. Mais c'est là une contrebande purement marchande et locale, bornée à l'état particulier qui l'a déclarée telle, que lui seul est en droit de réprimer, et seulement, ainsi que nous l'avons dit, sur son propre territoire.

Dès que l'existence d'une guerre a séparé les

(1) VATTEL, Droit des Gens, liv. 1er, ch. 8, § 90.

divers états, d'un côté, en belligérants, et de l'autre en neutres, il est un commerce qui devient illicite pour ces derniers, non plus seulement en vertu des lois particulières d'un seul état, mais en vertu des lois internationales reconnues par tous. C'est celui qui consiste dans le transport chez l'ennemi des marchandises ayant un rapport direct aux opérations militaires. Ces marchandises deviennent ce qu'on appelle contrebande de guerre.

La prohibition absolue d'un pareil trafic est une conséquence évidente du principe fondamental qui commande aux neutres l'abstention de tout acte ayant pour résultat d'accroître, au détriment de l'un des belligérants, les moyens dont l'autre dispose pour poursuivre la lutte. La guerre ne pouvant se faire sans armes, sans projectiles, sans poudre et sans d'autres objets nécessaires dans les opérations militaires, il est évident que porter l'une des puissances belligérantes ces instruments passifs de la guerre, c'est venir véritablement à son aide.

Si c'est l'état neutre lui-même qui fait opérer ce transport, soit qu'il le fasse gratuitement, soit qu'il en reçoive le prix, il devient donc auxiliaire de la lutte et par conséquent il rompt la neutralité. La chose change si ce sont les sujets de cet état qui, sans appui de leur gouvernement, font de ce même transport un objet de leurs opérations commerciales. Une puissance qui reste neutre n'est pas

à

obligée de défendre ce commerce à ses sujets, encore moins de les punir pour l'avoir fait; seulement elle ne peut le couvrir de sa protection. En d'autres termes, le pavillon ne couvre pas les marchandises de contrebande de guerre, non pas même dans le cas où ces marchandises appartiennent à des neutres. Le droit des belligérants d'empêcher qu'on abuse de la liberté commerciale pour favoriser leur ennemi, en ce qui a directement rapport à la guerre, reçoit ici son application directe, et les autorise à arrêter, dans tous les parages où ils peuvent exercer les droits de la guerre, les navires neutres chargés en tout ou en partie de contrebande de guerre en destination pour l'ennemi, et à appliquer à l'encontre de ces navires certaine pénalité.

En usant de ce droit, ils ne commettent pas un acte hostile contre la puissance aux sujets de laquelle ces navires appartiennent, pas plus que celle-ci ne commet un acte rompant la neutralité en laissant ses sujets faire ce commerce de transport à leurs risques et périls.

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Quand j'ai notifié aux puissances neutres ma « déclaration de guerre à tel ou tel peuple, dit Vattel, si elles veulent s'exposer à lui porter des

«< choses qui servent à la guerre, elles n'auront pas sujet de se plaindre au cas que leurs marchan« dises tombent dans mes mains; de même que je << ne leur déclare pas la guerre, pour avoir tenté

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