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incroyable. Je me suis vu chasser six bâtiments qu'elle avait aperçus à midi au vent, ne pouvant les voir de mon bâtiment, les avoir joints à six heures du soir, malgré qu'ils forçassent de voiles au plus près et laisser la Danaé à quatre lieues sous le vent à moi. Je n'ai jamais vu dans cette croisière aucun bâtiment de quelque espèce que ce fût, que je ne les aie gagnés. J'avais encore l'avantage quand je suis sorti sous les ordres de la Belle-Poule d'être espalmé de frais.

Je cite ceci pour faire voir que j'étais le maître de n'être point pris, et que si je l'ai été ce n'est que par subordination et dévoùment réel au service.

ANNEXE B, page 36.

Plainte portée par le Ministre secrétaire d'état du roi d'Espagne, au chancelier de Suède, touchant l'abus fait par des vaisseaux anglais, du pavillon suédois, pour se saisir de deux frégates espagnoles; du 17 septembre 1800.

MONSIEUR,

Le roi mon maître a vu avec la plus vive indignation, par un rapport que le consul de S. M. suédoise à Barcelone a remis au capitaine général de la Catalogne, contenant la déclaration du capitaine Rudbardt de la galiote suédoise la Hoffnung, que, le 4 septembre dernier, l'après midi, deux vaisseaux et une frégate anglaise ont force ledit capitaine, après avoir examiné et trouvé en règle ses papiers, de pren dre à son bord des officiers anglais et un nombre considérable de marins, et de se laisser remorquer à l'entrée de la nuit par plusieurs chaloupes anglaises, jusque sous la rade de Barcelone et sous le canon de ses batteries;

Que les Anglais, ayant réduit le capitaine et son équipage au silence, en lui tenant le pistolet sur la poitrine, se sont emparés du gouvernail, et ont fait, à neuf heures du soir, moyennant ledit bâtiment et les chaloupes qui l'environnaient, une attaque sur deux frégates sous pavillon espagnol qui s'y trouvaient à l'ancre, lesquelles n'ayant pu soupçonner que ce bâtiment ami et neutre recélait à son bord des ennemis, et servait ainsi à l'attaque la plus traitreuse, ont été presque surprises et forcées de se rendre.

On se réfère, pour les autres particularités et les violences exercées par les Anglais sur les bâtiments suédois, à la déclaration du capitaine qui se trouve ci-jointe.

Le roi mon maître n'a pu considérer cet événement que comme intéressant les droits et blessant les intérêts de toutes les puissances de l'Europe, sans en excepter l'Angleterre, et surtout comme l'insulte la plus grave contre le pavillon de S. M. suédoise.

En effet, il est évident que les puissances belligérantes, en admettant les bâtiments neutres sur leurs rades et dans leurs ports, ont voulu adoucir le fléau de la guerre et ménager les relations commerciales de peuple à peuple, que leurs besoins naturels exigent.

Tout ce qui tend donc à rendre cette navigation suspecte et dangereuse, blesse également les droits et les intérêts de toutes les nations.

Mais, dans le cas actuel, les droits et l'honneur du pavillon suédois ont été violés d'une manière si outrageante, qu'on en trouvera peu d'exemples dans l'histoire maritime de l'Europe.

L'attentat, s'il restait impuni, tendrait à brouiller deux nations amies, à anéantir leurs relations commerciales, et à faire considérer le pavillon qui le souffrirait comme secrètement auxiliaire de la puissance ennemie, et for

cerait ainsi l'Espagne à prendre les mesures que l'intérêt de ses vaisseaux et la sécurité de ses ports commanderaient.!

Cependant le roi mon maître aime encore à croire que le capitaine suédois ne s'est pas rendu coupable de la moin. dre connivence avec les Anglais, et qu'il n'a fait que céder à leurs violences et à leur grand nombre.

Dans cette supposition, le roi m'a ordonné de porter à la connaissance de S. M. suédoise cette insulte grave commise contre son pavillon; et ne doutant pas du ressentiment qu'elle éprouvera d'un procédé aussi bas et aussi déloyal de la part de quelques officiers de la marine britannique, il s'attend à ce que la cour de Stockholm fera auprès du ministre anglais les instances les plus sérieuses pour que les officiers qui se sont rendus coupables en cette occasion soient punis sévèrement, et que les deux frégates espagnoles, surprises et enlevées de la rade de Barcelone par une ruse aussi contraire au droit des gens et aux règles de la guerre, soient immédiatement restituées avec leurs cargaisons, comme étant illégalement prises au moyen d'un vaisseau neutre, qui servait d'instrument aux assaillants.

S. M. C. se croit d'autant plus fondée à regarder le succès de cette réclamation comme assuré, que le gouvernement anglais même ne saurait se dissimuler que ses ennemis, en suivant un pareil exemple, pourraient se servir également des bâtiments neutres pour infester ses rades et causer dans ses ports tous les dommages possibles.

Mais si, contre toute attente, les démarches de S. M. suédoise auprès de la cour de Londres, pour obtenir la réparation de l'injure faite à son pavillon, ainsi que la restitution des deux frégates espagnoles, n'avaient pas le succès désiré avant la fin de cette année, S. M. se verrait obligée, quoique avec beaucoup de regret, de prendre envers le pavillon suédois des mesures de précaution qui mettraient

ses rades et ses ports à l'abri d'un abus aussi dangereux et aussi révoltant que celui que les Anglais viennent de faire.

J'ai l'honneur d'être, avec une haute considération, etc. Le Chevalier d'URQUIJO.

A Saint-Ildephonse, le 17 septembre 1800.

Réponse du chancelier de Suède à la lettre précédente, remise à M. de La Huerta, ministre d'Espagne à Stockholm; du 22 octobre 1800.

S. M. suédoise a appris avec le plus vif déplaisir la violence que quelques officiers de la marine anglaise ont faite à un vaisseau marchand de la Pomeranie Suédoise, pour le faire servir à une entreprise hostile contre deux frégates sur la rade de Barcelone.

Parfaitement d'accord avec S. M. C. dans la manière d'envisager ce nouvel abus de la force, et le danger commun que de pareils exemples pourraient entraîner, tant pour les neutres que pour les belligérants mêmes, S. M. en fera porter des plaintes à Londres, dues, en même temps, à ses relations amicales avec la cour d'Espagne et à la neutralité du pavillon..

Dans ces réclamations, qui ont pour premier objet les droits du pavillon et des sujets de la Suède, S. M. C. trouvera juste, sans doute, que le roi se regarde comme partie principale. En suivant ses intérêts, comme S. M. les entend, elle n'oubliera certainement pas ceux de l'Espagne. La justice veut qu'on restitue ce qui a été mal pris: S. M. y insistera, toutefois sans garantir le succès de cette démarche. Elle fera dans son temps des communications confidentielles à la cour d'Espagne, sur les dispositions dans lesquelles

elle aura trouvé le gouvernement anglais à cet égard; mais une juste confiance de la part de S. M. C. lui laissera sans doute dans cette négociation le libre choix des formes et des moyens, la dispensant de toute époque fixe, comme de toute espèce de compte à rendre; l'Espagne, qui, comme le reste de l'Europe, connaît le long procès que la Suède fait plaider à Londres sur des restitutions à faire à elle, n'a pas lieu de se promettre une plus prompte justice dans une cause où il s'agit de restitutions à faire à des ennemis.

En général, S. M. suédoise ne se considère nullement responsable d'un fait dont les causes lui sont absolument étrangères. Après les rapports que la cour d'Espagne s'en est fait donner, avec les circonstances qu'elle admet ellemême comme constatées, il a été très inattendu de l'y voir impliquer le gouvernement de Suède et toute la nation.

Il serait assez malheureux que les torts d'un tiers pussent faire rompre des relations que plusieurs discussions directes pendant la présente guerre n'ont pu altérer. Il y a eu de fréquents revers, particulièrement affectés, à ce qu'il a paru, aux ports d'Espagne : un vaisseau suédois pris dans le port même du Passage par les Anglais; un second pillé et entièrement dévasté à Alicante par les Français; plusieurs autres enlevés par des corsaires français stationnés à l'entrée du port de Malaga, ont fourni à S. M. suédoise autant de sujets de réclamations et d'invitations amicales à la cour d'Espagne, de faire respecter son territoire pour la sûrete de son commerce. S. M. se serait fort applaudie de ses représentations, si elle eût trouvé en sa faveur quelques marques de cette énergie que le gouvernement d'Espagne vient de déployer contre elle, dans une affaire à laquelle elle n'a d'autre part que des plaintes à faire. Mais l'inutilité de ses réclamations n'a pas fait sortir S. M. des termes de modération et d'équité, convenables entre des cours

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