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Combien c'eft une grande grace d'avoir reçu de Dieu le defir de renoncer au monde,

A MADEMOISELLE***

E puis dire, Mademoiselle; que le defir que j'ai de vous connoître & de vous affurer de mon respect, n'eft pas

moins ancien que celui que vous a donné la lecture de certains Livres, de connoître celui qui en eft l'Auteur; & Toms VII.

A

je penfe même pouvoir ajoûter qu' eft un peu mieux fondé que le vôtre. Car il y a tant de difference entre ce qu'un Anteur écrit, quand il fe guinde dans une certaine région, où il n'habitel pas d'ordinaire, & ce qu'il eft effectivement, qu'il n'y a nulle confequence de l'an à l'autre, mais l'eftime que j'ai pour vous a des fondemens beaucoup plus folides. Outre les témoignages que

Mademoiselle N. n'a rendus en diverfes occafions de votre pieté; ce qui en eft expofé aux yeux de tout le monde, par le refus que vous faites de vous enga ger dans le monde, quoiqu'il femble que toutes chofes vous y portent, ,eft fconfiderable que vous devez trouver bon qu'on honore en vous la grace particuliere que Dieu vous fait en cela. Le monde eft à la verité fi pen de chofe, que qui le quitte, ne quitte en effet qu'un néant. Mais la foibleffe de l'homme eft fi grande, que ce n'eft pas peu pour lui de quitter ce néant: Et Dien qui a la bonté de mesurer nos actions plutôt par notre foibleffe que par leur propre grandeur, ne laiffe pas d'y attacher fes plus grandes récompenses. Quelle comparaifon y a-t-il, Mademoifelle, entre la jouiflance du monde, & a privation volontaire du monde? Si

en les confidere felon la raison & felon la foi,la jouislance du monde eft fade, paffagere, accompagnée de mille dégoûts, elle échappe & elle disparoît sitột qu'on penfe l'arrêter & la faifir; mais let renoncement au monde eft un bien réel & folide, qui fubfiftera dans toute l'éternité, & qui donne dès cette vie même une paix à l'ame, qui vaut infiniment mieux que tous les plaifirs. La jouiffance du monde eft un effet de la baffeffe de l'homme, & une preuve de fa mifere; le renoncement au monde est un retour de l'ame vers fon bonheur véritable,& fa grandeur effective. Il est donc clair, Mademoiselle, que le monde n'eft bon qu'à quitter & à sacrifier à Dieu; que la vraie science de l'homme eft d'en comprendre le néant; & un vrai bonheur de le méprifer. Vous ne feriez donc pas auffi reconnoiffante que vous le devez être, fi vous ne confideriez la volonté que Dien vous en donne comme un bien ineftimable,infi niment au-deffus de tout ce que le monde vous peut donner. Il est vrai que ce bien n'eft pas encore parfait, parceque ce facrifice n'eft encore que commencé, & qu'il le faut achever dans toutes les fuites de la vie. Car il ne comprend pas feulement le renoncement au mariage

ni le choix d'une vie éloignée du luxe & des divertiflemens; il comprend la mortification de toutes les paffions, & le retranchement de toutes les vaines fatisfactions interieures ou exterieures, & generalement de tous les objets de concupifcence, foit corporels, foit fpirituels. Auffi c'eft l'ouvrage de toute la vie, & non pas d'un jour, comme ce premier renoncement que vous avez déja fait, qui doit néanmoins fervir de gage, & à vous, & aux autres, que celui qui vous a fait faire ce premier pas, vous fera faire les autres. Vous jugez bien, Mademoiselle, qu'en vous regardant en cette maniere, je ne peux avoir que des fentimens très-favorables pour vous, parcequ'il eft impoffible de ne pas esti mer celles qui poffedent les biens qu'on eftime. Je vous en ai fouhaité l'accompliffement & l'accroiffement; & fi j'étois capable d'y contribuer en quelque maniere, vous pouvez croire que je le ferois avec beaucoup d'inclination. Mais c'eft votre interét même, Mademoiselle, autant que le mien, qui m'arrête fur le fujet de ces avis, que vous témoignez avoir deffein de me demander. Ce qui m'empêche de vous refufer entiere. ment, eft que j'ai vu fouvent que ce qui embarralle certaines perfonnes fe

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