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1. Cer. 3.75.

pente qu'on a à préferer les Superieures careffantes,à celles qui le font moins,mais qui font plus éclairées, plus régulieres & plus folidement à Dieu ; & enfin à ne régler pas par l'amour-propre l'affection que l'on a les unes pour les autres. Une Sœur m'aime, je l'aimerai donc auffi, une autre ne m'aime pas, je n'aurai pour elle que de la froideur. Mais est-il juste que nous nous faffions la regle de notre amour? Peut-être que celle qui eft froide envers nous, en eft d'autant plus aimable, parce qu'elle a raifon de nous traiter de la forte, & qu'elle juge mieux de nous; & que celle qui nous aime eft d'autant moins aimable, qu'elle fait mal placer fes affections, & qu'elle a peu de lumiere pour difcerner nos défauts.

Que la vraie charité envers le prochain qui vient de celle que l'on a pour Dieu a peu de part dans tout ce commerce de tendreffe & d'affection humaine ! Cependant il n'y aura que celle-là qui fubfiftera. Tout ce qu'il y a d'humain & d'intereffé, fera confumé comme la paille, le foin, & le bois dont on édifie fur le fondement, & fera confumé, comme dit l'Apôtre, avec notre dommage & notre perte, encore même que Dieu nous fafle mifericorde: Detrimentum patietur, ipfe autem falvus erit, fic tamen quafi per ignem

IL en fouffrira la perte : il ne laiffera pas néanmoins d'être fauve comme en passant par le feu. Mais il faut pour cela qu'il fe trouve de l'or de la charité parmi cette paille d'affections humaines, qui ferviront d'aliment aux flamines dévo rantes du Purgatoire; & c'eftpourquoi on a une extrême interêt de s'aflurer dans cette vie, s'il y en a, & de purifier autant que l'on peut fes affections de tous les défauts qui s'y gliffent infenfiblement.

Le meilleur moyen de le faire, eft ce me femble de pratiquer le conseil que Jefus Chrift nous donne par ces paroles: Lorfque vous faites un feftin, con- Luc. 14. viez-y les pauvres, les eftropiés, les boiteux 13. & &les aveugles,& vous ferez heureux de feq. te qu'ils n'auront pas le moyen de vous le rendre, car Dieu vous le rendra au jour de la réfurrection des Juftes. Je veux dire, qu'il faut avoir une inclination & une appli cation particuliere à témoigner de l'affection à ceux qui n'ont rien d'agréa ble felon les fens, qui font prévenus contre nous, qui ne nous témoignent que de la froideur, & de qui nous n'avons pas lieu d'attendre la récompenfe d'une affection réciproque, qui eft en effet la plus grande qu'on puiffe recevoir, puifqu'elle fuffit feule à l'amour propre,

& que fans elle nul autre ne lui fuffit. En un mot il faut tâcher de n'aimer dans les créatures que ce que Dieu y aime, en nous attachant particulierement à celles en qui nous voyons bien des raifons de les aimer felon Dieu, & où nous en voyons peu de les aimer felon nous-mêmes. J'ai conclu de tout cela que la Sœur..... doit conter pour peu de chofe tous les témoignages d'affection que je lui pourai rendre, & qu'elle ne doit pas croire perdre rien, par la déclaration que je lui ai faite, que je ne lui écrirai plus que dans les occations où je verrai quel que forte d'utilité. Elle peut prendre de femblables conclufions à mon égard, & elle me peut priver de fes Lettres, pourvu qu'elle ne me prive pas de fes prieres & qu'elle les offre à Dieu avec plus d'ardeur pour m'obtenir quelques étincelles de cette vraie charité, fans laquelle nous ne faurions que nuire aux autres, & à nous mêmes. Je n'exclus néanmoins que les Lettres inutiles, & je ferois tenté de fouhaiter qu'elle trouvât des occafions de me faire favoir de fes nouvelles avec quelque efpece de néceffité.

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LETTRE XVI.

Des Billets & des Sentences écrites au dos des Images de la main de certaines perfonnes.

A LA MES ME

Quoique tout retentiffe des plaintes

bué

que la Soeur ANTOINETTE a faites de ma dureté; & qu'elle ait plus contripar là à me faire paffer pour un homme farouche, & ennemi de toutes les cordialités & de toutes les tendreffes de l'amitié la plus chrétienne, que je n'aurois fait en bien des années par mes actions; je lui veux témoigner néanmoins que mon reflentiment contr'elle ne va pas jufqu'à hui vouloir faire injuftice, en la privant de ce qui lui appartient légitimement, & même que ma réfolution de garder le filence avec elle, n'exclut que les lettres de pure civilité. Et qu'ainfi ce n'eft pas la bleffer que de lui écrire que M. D.S. M. m'a envoyé depuis deux on trois jours une Image que je lui avois demandée pour elle il y a bien du tems, que je m'acquitte de ma commiffion en la lui faifant tenir avec cette Lettre. Mais parceque fi j'en demeurois là, elle feroit, comme je crois,mal fatisfaite de moi;

je n'en vas tâcher de l'entretenir un peu plus long-tems, en me jettant fur quelque matiere. Et comme il ne s'en préfente point d'autre que celle de cès Sentences fpirituelles, que l'on fait écrire au dos de ces Images par des perfonnes de pieté, il m'est venu dans l'efprit de faire quelque réflexion fur cette pratique des Sentences écrites au dos de ces Images.

Il faut d'abord demeurer d'accord que ce feroit être témeraire que de condanner abfolument la coutume d'écrire des Sentences au dos des Images. Tant de perfonnes de pieté qui y ont affection, & qui demandent de ces Sentences, femblent fuffire pour la mettre à convert de la cenfure de ceux qui la voudroient bla mer fans exception. Il y a d'ailleurs des vûes de dévotion qui y peuvent porter.11 eft toujours bon d'avoir liaison avec ceux que l'on a fujet de regarder comme étant fincerement à Dieu. Et toutes ces petites chofes contribuent en quelque forte à former & à entretenir cette union. On peut croire auffi qu'ils n'écrivent point ces Sentences, fans prier pour ceux à qui ils les donnent. Or nous avons interêt de nous procurer les prieres des gens de bien. Enfin comme il a plu à Dieu d'éclairer les hommes par d'autres hommes

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