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fes prieres. Souvent même lorfqu'il fem ble nous refufer ce que nous lui deman dons, il nous accorde quelque chofe de meillent en fe fervant de ces fautes & de ces foibleffes dont nous voudrions être délivrés, pour nous faire croître dans la connoiffance de notre foiblefle & de notre néant.

Ces fautes fréquentes doivent même fervir à celles qui les commettent à au gmenter lour reconnoiffance envers Dien de les avoir retirées du monde, & à leur faire mieux fentir le befoin qu'elles ont de la retraite d'un Monaftere. Car fi l'on commet tant de fautes dans un lieu où tout porte au bien, & où l'on nous tient en quelque forte par deffous les bras, comment fe foutiendroit - on dans le monde où l'on eft pouffé fortement au inal par tous les objets que l'on y voit. Si l'on a peine à marcher dans un chemin uni, comment le pourroit-on faire dans des chemins raboteux ou gliffans? La Re ligion eft un azile qui fouffre les perfonnes foibles, en les mettant à couvert des grandes tentations par la féparation da monde, Mais le monde au-contraire eft un pays où les tentations étant fréquentes & violentes, les fecours très rares & trèsfoibles, les chutes grandes & dangereu fes, il n'y a que ceux qui ont beaucoup de

force & de vertu qui y puiffent fubfifter. Plus on reconnoit donc par l'experience de fes foibleffes & de fès impuissances, combien on eft éloigné de cette fermeté & de cette force de vertu, plus on doit defirer avec ardeur la fureté d'une fainte retraite qui nous délivre des dangers du monde. C'eft peut-être le fruit que Dieu defire que vous en firiez, après quoi il yous accordera ce que vous lui demandez, & qu'il n'a differé jusqu'ici de vous donner que pour vous faire mieux fentir le befoin que vous avez de l'état auquel yous afpirez.

Voilà, ma très-chereSœur,ce que je vous fouhaite, & que j'efpere pous vous, comme une fuite des benedictions que Dieu à répandues abondamment fur votre fa mille. La vertu n'eft pas un bien de fucceffion, puifqu'elle dépend de la pure mifericorde de Dieu, Ìl se plaît néanmoins fouvent de la donner aux enfans en confideration de leurs parens, & c'eft au moins un engagement très-particulier aux filles de fuivre la vertu que leurs meres ont tâché de leur infpirer. Je fuis. &c.

Ja

LETTRE XXVIII

A LA MES ME,

Surfa Profeffion.

E vous estime fi heureuse, ma trèschere Sœur, de la grace que Dieu vous a faite de vous être confacrée dans la fainte maifon qui vous a reçue, que je m'eftime même heureux de la part quejy ai eue par mes defirs,& par la joie quej en ai reffentie. Car on ne le réjouit jamais fincerement du bonheur d'autrui, fans y avoir part, & comme je prens le même intereft à toutes les fuites de votre Profeffion, je ne faurois m'empêcher de vous en parler, afin de tâcher, fi je pouvois, d'augmenter l'idée & le fentiment que vous devez avoir de cette grace.

Tout eft perit dans le monde, ma tréschere Sour, puifque les plus grans biens qu'on y puiffe poffeder font d'ordinaire de grandes tentations, & qu'ils ne fe terminent qu'à rendre les gens fauffement heureux & réellement miferables. Si l'on aime les biens, ce font des poifons qui nous tuent, & fi on ne les aime pas, ce font des farde aux qui nous accablent. Mais le bien que vous avez reçu de Dieu, n'eft pas de ce genre ; plus vous l'aimerez

& plus il vous foulagera & il vous fortitifiera. Il vous a été permis de defirer de l'obtenir, & vous ne fauriez en remercier trop Dieu après l'avoir obtenu. Ainfi vous avez fujet de dire avec le Prophete Roi: J'ai demandé une feule chofe au Seigneur, Pf.. 16.7 je ne cefferai jamais de la rechercher, c'est 4. de demeurer tous les jours de ma vie dans la maifon du Seigneur. Auffi pourvn que vous connoiffiez affez la grandeur & l'étendue de ce bien,il peut être pour vous la fource & le principe de toutes fortes de biens. Vous trouverez,ma Sœur,dans votre Profeffion même de puiflans motifs pour de-. mander & pour obtenir de Dieu toutes les graces dont vous aurez befoin dans la fuite de votre vie; car Dien eft bien different des hommes dans la diftribution de fes dons. Il faut offrir aux hommes quelque chofe du fien pour obtenir leur faveur, mais pour obtenir les faveurs de Dien, il fuffit de le faire reffouvenir des mifericordes qu'il nous a faites. Les graces que nous avons déja reçues font le plus grand fondement que nous puiffions avoir pour en efperer de nouvelles. I nous délivre, parcequ'il nous a déja délivrés, & il nous accorde une délivrance entiere, parcequ'il nous en a accordé une commencée; & ainfi la premiere mifericorde eft une fource de toutes les au

tres pourvu que nous n'interrompions point le cours des graces de Dien par notre oubli & par notre ingratitude.

Vous trouverez de même dans cette Profeffion une protection puiffante pour vaincre toutes fortes de tentations; car elles fe réduifent toutes à propofer à l'ame, des objets du monde pour la por tet à les deficer. Ainfi une Religieufe profefle, pour les vaincre, n'a qu'à penfer qu'elle y a tenoncé par fa Profeffion, & qu'il feroit bien indigne d'elle de teprendre ce qu'elle a donné & facrifié à Dieu. Quand on donneroit à Dieu tou tes les chofes du monde, on ne lui donneroit rien, parceque le monde n'eft rien; quand on renonceroit à toutes les chofes du monde, on ne renonceroit qu'à des miferes effectives, à plus forte raifon celles qui comme vous n'ont proprement renoncé à rien, & ont tout re doivent-elles avoir une extreme hor reur de fe laiffer aller à l'amour & au defir d'aucune des chofes qu'elles auroient defiré de facrifier à Dieu fi elles les avoient

çu,

eues.

La Profeffion eft de plus à chaque Religieufe une regle vivante & une lumiere claire qui lui marque tous fes devoirs, & où elle doit placer tous fes pas, parceque toute la vie & tous fes exer

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