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tre contrainte de fe faire remarquer, on tâche de fe perfuader que tout ce qui nons diftingueroit n'eft pas néceffaire à la pieté.

C'eft une des raifons, Mademoiselle, qui vous peut faire conclure que la plus importante chofe que vous ayez à faire préfentement, eft de vous mettre dans la fidelle pratique d'une vie vraiement chrétienne, & de vous bien inftruire des devoirs aufquels elle vous oblige. C'eft ce qui vous apprendra à difcerner quand il eft permis d'éviter de fe faire diftinguer, & quand on y eft obligé. Peut être n'avez-vous pas befoin de cet avis, que vous faites beaucoup plus que ce qu'on a droit d'exiger de vous; mais vous devez pardonner cette liberté à une personne qui ne vous connoît guere, & que vous obligez de vous parler,& vous verrez que tout cela vous acheminera infenfiblement au choix qui vous met en peine, & que vous ne le pourez faire prudeminent fans cette lumiere. Je croi même vous devoir faire faire en paffant une réflexion, qui doit entrer dans l'examen que vous ferez dans la fuite: Ceft, Mademoiselle, que fi toutes chofes étoient égales, vous devriez préferer les états qui font moins expofés à la tentation des difcours & des jugemens des hommes, qui eft une des

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réfiftera ; or celle que je vous mar que n'eft pas une des moindres de la vie du mariage. Tout état de vie nous met dans un certain ordre & en un certain cercle de perfonnes qui ont leurs maximes & leurs pratiques: on fait quel les font celles des jeunes Dames, dans l'ordre defquelles vous entreriez par le mariage. Or certainement pour vivre chrétiennement, il n'eft pas bon de leur reffembler en tout, & vous feriez obligée d'être fouvent très-finguliere, C'eft donc une tentation que vous auriez à vaincre, du danger de laquelle vous pou vez juger par le peu de perfonnes qui y éfiftent.

LETTRE IV.

Comment on peut avoir deux Confeffeurs, comment il feroit dangereux d'en avoir deux.

JE ne vous répondrai cette fois, Mademoiselle, que fur deux ou trois articles, dont le premier ne fervira qu'à vous divertir: c'eft qu'il m'a paru que vous aviez trop bonne & trop mauvaise opinion de moi. Cependant au-lieu que T'humilité demanderoit qu'on détruisît, autant qu'on pouroit l'opinion qui nous feroit trop avantageuse, & qu'on laillât

fubfifter celle qui va au rabaissemenr, je ne vous dirai rien de la premiere, en fuppofant qu'elle fe détruira affez tôt, fans que je n'en mette en peine; & je m'appliquerai feulement à me défendre contre la feconde qui me rabaiffe. Ce que vous dites à la fin de votre Lettre, que vous me demandez pardon de m'écrive de fi grandes Lettres, que vous trembler dee-peur que j'en ayc regret &c. eft de ce genre; car affurément c'eft me faire tort que de me foupçonner d'une impatience fi déraisonnable. Il n'y a rien de trop long, Mademoiselle, non feulement quand on ne dit que des chofes raisonnables comme vous, mais même quand elles ne feroient pas trop raifonnables en foi, pourvu qu'elles ferviffent à foulager celle qui les écrit, il faudroit avoir peu de charité pour en être incommode; & Vous vous pouvez affurer qu'une pensée de cette forte ne me viendra jamais dans l'efprit, & que fi je vous difois qu'il n'étoit néceflaire de m'écrite quelque chofe, ce ne feroit pas pour moi, mais pour vous.

Ce que vous me dites, que vous defireriez avoir quelqu'un à qui vous puiffiez demander avis,& vous confeffer même quelquefois, mérite beaucoup de réflexion. Je fai,Mademoiselle,que vous ne

demandez nullement cela pour partager votre confiance & pour dire certaines chofes à un Confeffeur, & certaines chofes à l'autre, en forte que ni l'un ni l'au tre ne vous connoille totalement. Ce fe roit faire comme un malade qui diroit à un Médecin une partie des accidens de fon mal, & une autre partie à un autre, & qui feroit par là que l'un & l'autre seroit incapable de juger de fon état, je n'ai garde de vous foupçonner de cette conduite. C'est une augmentation de lumiere que vous cherchez, & non pas un partage; vous ne diffimuleriez aucun pe ché, ni aucun défaut nià l'un ni à l'autre, & vous ne craindriez pas d'en recevoir deux fois l'abfolution; car il eft très-petmis de recevoir deux fois l'abfolution, & de le confeffer plufieurs fois d'un même peché, Mais comme il arrive quelquefois qu'on n'a pas toujours une en tiere confiance en fon Confefleur, à l'égard des avis de conduite, on feroit quelquefois porté à defirer de pouvoir s'allurer dans les doutes incommodes, par la lumiere d'un autre. Or fur cela, Mademoiselle, je vous dirai que l'efprit de l'Eglife eft de ne pas gêner les ames fur ce point, & que c'eft pour cela qu'elle a permis à toutes les Religieufes d'avoir nn Confefleur extraordinaire tous les

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