trois mois, & elle donne encore plus de liberté fur ce point aux filles féculieres, pourvu que cette liberté n'ait point de légereté pour principe, mais un véritable defir de s'éclaircir, & de fe foulager. Saint François de Sales donne expreffément le même avis dans une Lettre à une Dame qui l'avoit confulté fur ce cas. Je n'ai donc garde de defaprouver ce defir; il s'agit feulement d'y réuffix & de prendre les voyes néceffaires pour cela, & je nevois perfonne qui vous y puifle plus fervir que Madame N... C'eft mêine une des raifons pour lesquelles je vous ai adreffé à elle, parceque j'ai prévu que cette envie vous pourroit venir. Vous ferez donc fort bien de lui témoigner ce defir à la troifiéme ou quatriéme vifite, & je penfe que vous ne fauriez mieux faire que de la prier d'obtenir cela de Mr. N... & de tâcher de l'y engager, ou par elle-même, ou par d'autres. Mais parceque je connois un peu l'humeur, ou plutôt le procedé de ces Meffieurs-là, je crois vous devoir donner quelques avis fur cela.

Les Confeffeurs ordinaires des Paroifles qui font exposés à tout le monde, reçoi vent toutes les filles qui fe préfentent à eux, & qui ne vont à confeffe que de tems en tems, parcequ'ils n'ont pas en Tome VII.

B

quelque forte droit de les refufer. It n'en eft pas ainfi de Mr. N... C'est un homme qui ne confefle pas tous ceux qui le lui demandent, farcequ'il n'eft pas attaché à un certain miniftere; il ne fert que ceux que Dieu lui envoye, & en qui il voit quelques marques particulieres de vocation; il veut bien & utilement fervir les ames quand il les fert. Or il eft certain qu'on ne les fert guére bien quand on ne les connoît que fuperficiellement & paffagerement. Je crois donc que pour réuffir à ce que vous prétendez, vous devriez demander à Madame N.... de vous ouvrir à Mr. N.... & de lui parler en la maniere que l'on fait quand on fait une confeffion génerale. Car quoique ce foit hors de la Confeffion, ne vous imaginez pas,Mademoiselle,qu'il ne foit pas obligé de vous garder le même fecret: au défaut du fecret qui dépend de la loi de l'Eglife, il y a un fecret du droit naturel, qui le lie prefque tout autant.

Cette ouverture lui donnant moyen de vous connoître, lui donnera auffi moyen de vous fervir; fes avis en feront plus juftes & plus proportionnés ; il vous dira fi vous avez befoin de faire un renouvellelement, ou fi vous n'en avez pas besoin; & cela l'engagera peut-être à une condite plus particuliere. Mais elle vous feş

foit encore beaucoup plus utile qu'à lui, cat elle vous donneroit beaucoup de lumiere touchant l'état de votre ame, & fu ce que vous devez faire dans toute vo

tre vie.

Ileft certain, Mademoiselle, qu'il faut fe fauver, & fe fauver à quelque prix que ce foit;c'eft le principe fur lequel toute votre dévotion doit être fondée. On ne fe fauve point fi l'on n'eft bien avec Dieu, fi l'on n'eft véritablement Chrétien; toute la vie que nous menons fur la terre a pour but de nous affurer de ce point fi important, Ileft certain que nous ne le ferons jamais entierement en ce monde, mais nous devons toujours nous mettre en état d'en avoir une jufte confiance, & cette confiance jufte n'eft pas facile à diftinguer de la témerité préfomtueufe; qui nous le feroit croire lans raifon. L'Ecriture nous avertit qu'il y en a qui croyent être vivans, quoiqu'ils foient morts, qui croyent être riches, quoiqu'ils foient pauvres & miferables. Or il n'y a rien qui nous puiffe plus fervir à avoir cette jufte confiance que de bien découvrir fa confcience à un Prêtre éclairé comme à celui-là. L'on n'eft vivant, Mademoifelle, qu'en deux manieres,ou parcequel'on a confervé l'innocence de fon Batême, ou parcequ'on la réparée: or on fe peut tromper en l'un

& en l'autre plufieurs croient ne l'avoir point perdue, qui l'ont perdue effectivement; plufieurs croient l'avoir réparée, qui ne l'ont point réparée, parcequ'il n'y a rien de fi commun que les faulles pénitences. Ne vous imaginez pas s'il vous plait,Maleincifelle, que ce que je vous disait aucun rapport à ce que vous m'avez dit dans vos Lettres, de vos difpofitions. Je parle en general, & ne fais pas la moindre attention à vous ; & tout ce que je veux conclure, eft que pour eure bien conduit par un Directeur ou in Confeffeur dans des points particuliers, il faut avoir découvert toutes fes playes & tous les replis de fon cœur: la difficulté qu'on a à cela n'est rien; la nature patit un peu de tems, & après cela elle vient à n'en avoir plus de peine. Voilà ce que j'avois à vous dire fur le fecond point.

Le troifiéme, fera encore une juftification à mon égard. Vous me croyez, Ma-. demoifelle, plus févere que je ne fuis, & apparemment nous n'aurions point de conteftation pour ce qui regarde les habits, puifque vous y gardez une exacte modeftie, à l'égard de laquelle il n'y a point de quartier, parcequ'il faut commencer par là. Mais pour le refte, une perfonne qui a un peu de lumiere attend