tens, eft que vous demanderez à Dieu pour moi, qu'il me mette ces fentimens dans le cœur autant que je les ai dans l'efprit.

LETTRE XLVII.

A UNE

SUPERIEURE

DE LA VISITATION.

De l'efprit de cet Inftitut.

Ce jour de la Vifitation de la Ste Vierge.

L eft aujourd'hui, ma Réverende Mere, la Fête de la Vifitation, & il eft bien jufte dans un jour confacré à ce Myftere, de fe fouvenir de vous, de votre Maison, & de votre Inftitur qui l'a pris pour objet particulier de fa devotion. Je m'en vais le faire dans une ou deux heures dans votre Monastere de cette Ville, où je tâcheroi de joindre mes prieres avec les vôtres, & avec celles de toutes vos Sœurs qui fortifieront la foibleffe des miennes ; & en attendant je prendrai ce qu'il y a de tems jufques là, pour m'acquitter de la reconnoiffance que je vous dois de la derniere Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Et pour le faire d'une maniere un peu moins ftérile, je vous dirai fimple

ment les vûes que j'ai eûes ce matin, en penfant à cette Fête, par rapport à Votre inftitut.

pas

Elle regarde Jefus & Marie comme fes principaux objets ; mais ce n'est Jefus & Marie feparément, c'eft Jelus dans le fein de Marie, à qui fainte Elizabeth & faint Jean rendent hommage: Enfin c'est Marie enfermant Jefus dans fon fein

Ce n'eft pas même feulement JefusChrift uni à Marie, ni Marie unie à Jefus-Chrift que l'Eglife honore dans ce Myftere, c'elt Jefus-Chrift caché dans le fein de Marie, & vifitant les hommes en la perfonne de faint Jean, & produifant d'une maniere fecrette fa grace dans le cœur de fainte Elizabeth & de faint Jean. C'eft Marie cooperant à ces graces, & communiquant aux hommes le Fils de Dieu qu'elle avoit conçu.

Ceft donc proprement la Fête de Jefus Chrift commençant d'accomplir la fin de fon Incarnation. C'eft la Fêre de Marie Mere de Dieu, commençant de faire envers l'Eglife l'office de fa Maternité, qui eft de cooperer à faire naître Jefus Chrift dans les ames fidelles. Car elle n'eft pas Mere feulement de JefusChrift, felon le corps, elle l'eft aussi felon l'efprit, de Jefus-Chrift dans les Fi

delles, en contribuant par fes interceffions à l'y faire naître & à l'y conserver. Elle n'eft pas, dit faint Auguftin, Mere de notre Chef felon l'efprit, puifqu'en cette maniere elle eft plutôt née de lui; tous ceux qui ont cru en lui, du nombre defquels étoit Marie, étant appelés enfans de l'Epoux, mais elle eft Mere de fes membres, c'eft-à-dire des Chrétiens; parce qu'elle a cooperé par fa charité à faire naître les Fideles dans l'Eglife. Ces objets font bien capables de remplir notre efprit & notre cœur, & ils exigent de nous un renouvellement de reconnoillance , pour toutes les graces que nous avons reçûes dans le cours de notre vie, n'y en ayant aucune qui ne découle de Jefus incarné, & de la bonté qu'il a eûe de vifiter les hommes, & de fe donner à eux : Vifitavit nos Oriens ex alto. Luc. Ils exigent un renouvellement de desirs 78, de participer à la grace de fon Incarnation, de recevoir le fruit de fes Visites facrées, de lui donner place dans notre cœur, puifque c'est le lieu où il veut être reçu.

Mais je crois néanmoins qu'en fuivant l'efprit de l'Eglife & la fin de votre Inftitut, il faut aller plus avant, & concevoir, & honorer ce Mystere dans une plus grande étendue.

La Vierge eft la figure de l'Eglife felon les Peres, & par fa Virginité, & par fa Maternité. Car l'Eglife toute entiere eft Vierge felon l'efprit, comme dit faint Auguftin, & elle eft auffi Mere de JefusChrift, parce qu'elle eft Mere de fes membres, qui font les Fideles, qu'elle De fanta engendre par la grace de Dieu : Mater Visit. ejus eft tota Ecclefia, quia membra ejus, id e. 5. n.5. eft, Fideles ejus per Dei gratiam ipfa utique parit.

Tefus-Chrift eft caché dans le fein de l'Eglife, comme il l'étoit dans celui de Marie. Car il habite fpirituellement par la foi dans le cœur des Fideles, felon faint Ephef. Paul; & il eft reçu réellement & corporellement par l'Euchariftie, qui est une extenfion de fon Incarnation. Il n'y réfide pas feulement pour les fanctifier eux-mêmes, mais il y réfide auffi pour fanctifier les autres: comme il n'étoit pas dans la Vierge pour sa seule fanctification, mais pour la rendre cooperatrice de la fanctification de tout le Corps de l'Eglife. Car faint Augustin enseigne une infinité de fois fur ce point, que c'eft l'Eglife animée de l'efprit de Jefus-Christ, qui obtient par fes prieres toutes les graces qui font données à chaque Fidele, de forte que chaque membre en particulier, doit fon falut aux prieres de tous les au

tres, c'est-à dire, à celles de toute l'Eglife. Et c'eft en ce fens que Jefus Chrift donne à tous ceux qui obfervent la volonté de fon Pere, la qualité de fa Mere, parce que par leur charité ils contribuent à for mer Jefus-Chrift dans le cœur des autres. Il eft donc jufte d'honorer en ce jour Jefus-Chrift caché, non feulement dans Marie, mais auffi dans toute l'Egli fe. Il eft jufte d'honorer non feulement la fécondité toute pure de Marie, mais auffi la fécondité toute pure de l'Eglife, qui nous communique Jefus-Chrift avec

fes

graces, comme Marie les communique à faint Jean & à fainte Elizabeth. Car elle ne les leur communiqua pas pour eux feuls, mais auffi pour nous, & elle les leur communiqua comme une figure excellente de l'Eglife, & comme fon principal membre, & pour commencer ce qui devoit être accompli dans toute la fuite des tems à l'égard de tous les Fideles.

Ainfi c'eft proprement en ce jour qu'il faut faire une attention particuliere aux obligations qu'on a à l'Eglife, & qu'il faut renouveler la Foi de cet article du Symbole, dans lequel nous faifons profeffion de croire la Communion des Saints. Car cette Communion n'eft autre chofe que cette communication, qui