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fe fait à chaque Fidele des graces de tous les autres; ce que chacun en a, étant un effet des prieres & de la charité de tout le corps, & ne nous étant donné que par Jefus Chrift réfidant dans l'Eglife; comme les graces que reçut faint Jean, ne lui furent données que par Jefus-Chrift résidant dans le fein de Marie, qui en étoit la figure.

Il me femble, ma Réverende Mere, qu'il n'y a point de doctrine, qui puiffe plus contribuer à unir entre eux les Fideles que celle-là; car elle apprend à regarder Jefus-Chrift comme caché, & habitant dans chaque Fidele; ce qui nous oblige de les honorer tous d'une manierė particuliere, & bien differente des civilités humaines les hommes fe renque dent les uns aux autres.

Elle nous apprend à dépendre d'eux, puifque notre falut eft attaché à leurs prieres, qu'ils font les cooperateurs de toutes les graces que nous recevons de Dieu, & que nous ne les pouvons obtenir que par le moyen de cette union, & de cette dépendance. Car perfonne dans f'Eglife ne fuffit à foi-même, perfonne ne peut dire qu'il n'a pas befoin d'un autre Fidele ; & nous les devons tous regarder non feulement comme nos Frere's & nos Sœurs, mais auffi comme nos

Meres; comme tenant d'eux la vie de la grace, & ne la pouvant avoir fans eux. Enfin elle nous doit imprimer une extrê me crainte de les condanner injuftement, de les fcandalifer, de leur nuire, de les affliger, puifque tout cela retombe fur Jelus-Chrift qui eft en eux, & qui eft par confequent condanné, fcandalife & affligé en eux.

Comme votre Inftitut, ma Réverende Mere, eft tout confacré à la charité du prochain, & que c'eft par cette raison que votre faint Fondateur vous a choi ce Myftere qui eft tout de charité; il l'a fans doute regardé dans cette étendue, & il a voulu, que faifant une profeffion particuliere d'honorer Jefus Chrift caché dans la Vierge, vous fuffiez par là particulierement attachées à la fainte Vierge, & à l'Eglife, & à Jefus-Chrift réfidant dans l'une & dans l'autre.

En un mot il a voulu que vous fuffiez Filles de l'Eglife, non feulement par une obéillance & une dépendance particuliere des Pasteurs; mais auffi par une tendreffe & un respect particulier pour tous fes membres, & par une reconnoiffance fincere, que vous tenez tout d'elle, auffi bien votre vocation particuliere à la Virginité & à la vie Religieufe, comme vovocation commune au Chriftianisme,

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Si l'on demande, dit faint Auguftin, qui eft la Mere des Vierges, il faut dire que c'est l'Eglife, Les Vierges facrées ne peuvent naître que de cette Vierge facrée; de cette Vierge, dis-je, qui doit être préfentée à Jelus-Chrift dans une entiere pureté. C'eft de l'Eglife, qui eft Vierge, non de corps en toutes fes parties, mais d'efprit, que naiffent les Vierges & de De fanita Corps & d'efprit: Si harum quæritur MaVirginit. ter, Ecclefia eft. Non parit Virgines facras c.12.". nifi Virgo facra, Virgo illa qua defponfata eft

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uni viro cafta exhiberi Chrifto. Ex illâ non totâ corpore, fed totâ Virgine fpiritu, nafcuntur facra Virgines & corpore & fpiritu, Ainsi les Religieufes de la Vifitation, pour répondre à l'efprit particulier de leur Inftitut, doivent éviter fur tout d'imiter certaines Communautés, qui fe cantonnent & fe renferment tellement en elles-mêmes, qu'il femble que les autres Fideles ne leur foient rien, & qu'elles ne doivent avoir de l'eftime & de la charité, que pour leur Ordre. Leur dévotion doit être générale & commune, & elle doit regar der Jefus Chrift tout entier, répandu dans tout le corps de l'Eglife, & le formant par fon efprit & par fon Corps ; & n'efperer des graces pour elles-mêmes, que par l'union qu'elles auront à ce Corps &à ce Chef.

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C'est là ce me femble, ce que leur Institut demande d'elles, & ce qu'elles doivent honorer dans le Myftere de la Vifitation, qui nous repréfente cette influence de Jefus Chrift réfidant dans l'E. glife fur tous les membres. Et c'eft auffi ce qui doit donner à tous les Fideles, qui ne peuvent efperer leur falut que par cet te même devotion & ce même attachement, une véneration particuliere pour votre Inftitut qui leur en doit fervir d'exemple. Je vous puis dire, Ma Réverende Mere, que je me tiens heureux de l'honorer dans cette vue & dans cet efprit, & que j'efpere que le témoignage que je vous en rens m'obtiendra la continuation de vos prieres, & de celles de votre fainte Maison, aufquelles vous pouyez juger combien je dois avoir de confiance par les principes que j'ai établis dans cette Lettre,que je prie Dieu de graver profondément dans mon cœur. Ils m'engagent à une reconnoiffance particuliere de la charité que vous avez pour moi & à être très-fincerement toute ma vie,

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LETTRE XLVIII

Le moyen de profiter des inftructions qu'on

J

donne aux autres,

A UNE SUPERIEURE DE RELIGIEUSES.

Ene fai, ma Réverende Mere, fi vous ne vous repentirez point à la fin, de la liberté que vous me donnez de prendre pour fujet des Lettres que je vous écris de tems en tems, les fantaifies dont je fuis occupé, lorfque je me mets à les écrire, fans qu'elles ayent aucune liaifon avec les Lettres que j'ai reçues de vous, ni qu'elles vous regardent autrement que par un rapport fi commun , qu'il n'y a perfonne à qui je ne les puisse adreffer auffi-bien qu'à vous. Cependant comme cette liberté m'eft commode, & que vous ne me l'avez pas encore interdite; je m'en vais en faire unnfage qui vous pourra donner quelque divertiffement, s'il ne vous apporte pas d'autre utilité.

Je penfois donc, ma Réverende Mere, à une chofe que tout le monde peut remarquer en foi, les uns plus, les autres moins. C'eft que nous fommes d'ordinaire fort éclairés fur les devoirs des autres; nous difcernons fort bien leurs dé

fauts,

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