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foin d'une Novice furnumeraire, en lui déclarant qu'il jugeroit de toute fa conduite par l'application qu'elle auroit à la perfectionner.

Cette Novice a des qualités bien particulieres; elle reffemble tellement à la M.N....qu'on ne les diftingueroit pas. Elle parle comme elle, elle penfe comme elle, elle a tant d'intelligence avec fon efprit, qu'il ne lui échappe rien de tout ce qu'elle dit ou penfe, elle n'est même vifible qu'à elle, elle ne l'abandenne jamais ; & ainfi elle est toujours préfente quand elle parle aux Sœurs, & on ne la fauroit empêcher d'entendre tout ce qui fe dit de part & d'autre. Elle a feulement une mauvaise qualité parmi plufieurs bonnes, c'eft qu'en ce qui la regarde, elle n'entend pas à demi mot, & qu'elle ne fait point de réflexion fur foi-même, à moins que fa Maitreffe ne l'aide à s'appliquer les chofes. Il eft fans doute, que la M. N..... étant & particulierement chargée de cette Novice, ne doit rien oublier de ce qui lui peut servir, & qu'elle ne doit pas manquer à l'aider à faire toutes les réflexions néceffaires, fur tout ce qu'elle voit & entend. Ainfi elle aura fans doute très-grand foin de lui faire remarquer toutes les vertus des autres Sœurs, la fincerité de

l'une, la fimplicité de l'autre, la patience de celle-ci, l'exactitude de celle-là, elle ne manquera pas de l'avertir combien il s'en faut qu'elle ne les égale dans ces vertus. Que s'il arrive que les Sœurs fe découvrent à elle, & lui expofent leurs foiblefles, & qu'elle leur prefcrive des moyens pour s'en corriger, comme il est impoffible que la Novice n'entende tout, elle tâchera de lui rendre utile tout ce qui aura été dit. Elle lui fera remarquer les mêmes défauts en elle, elle lui prefcrira les mêmes remedes. En un mot, elle ne fera rien à l'égard des antres Soeurs, fans l'appliquer à cette Novice, & fans effayer de lui faire tirer du profit de tout, ou pour l'humilier davantage, ou pour lui donner une ardeur, & une application nouvelle à combattre fes défauts.

Ainfi toute la Religion fera pour elle, tout contribuera à fon avancement, auffi bien les défauts que les vertus des Sœurs, tout fervira à l'humilier, à l'édifier & à l'éclairer. Elle fera en quelque forte & Novice & Superieure tout enfemble, & elle profitera comme Novice de ce que fa Maîtreffe, qui lui reflemble fi fort, fera comme Superieure ; & ce qui eft admirable, eft que Dien recompenfant la M N..... du foin qu'elle aura eu de

cette chere Novice, lui donnera à ellemême toutes les vertus anfquelles elle aura eu foin de la former.

Jufqu'ici, ma Réverende Mere, ma Parabole fait entendre à peu près ce que je veux dire mais je me trouve un peu empêché à l'appliquer à ce qui me refte. Je voudrois faire concevoir comment la M. N..... pour rappeler fes lumieres, & diffiper les nuages où elle peut être quel quefois, pourroit confiderer ce qui la peine en la perfonne d'une autre, & ne prendre pour elle que celle de ConfeilJere, en confiderant ce qu'elle diroit à une perfonne qui la confulteroit fur telles & telles peines. Mais comme elles viennent d'ordinaire de fa qualité de Superieure, celle de Novice que nous avons donnée à cette Sœur, qui lui a été particulierement confiée, n'eft pas favorable pour cette fiction, parce qu'elle ne fouffre pas qu'on lui attribue des peines & des embarras de Superieure. Je fuis donc d'avis, puifque nous pouvons difpofer de fon fort, que nous la faffions Superieure, & qu'elle devienne par là capable d'avoir les mêmes troubles & les mêmes peines que la M. N..... avec tant de correfpondance qu'elle les reffente précisément au même tems & au même degré qu'elle.

Ainfi la M. N...... n'a qu'à s'oublier elle-même, & à s'appliquer uniquement à donner à cette chere Sœur les avis les plus purs, les plus juftes, & les moins paffionnés qu'elle pourra, & à les prendre enfuite pour elle-même. Elle pourroit même les écrire, parce qu'on y pense mieux en les écrivant; en imitant en cela un..... peu digne d'être imité en autre chofe, qui n'a eu fouvent autre deffein que de fe parler à lui-même, lorfqu'il femble qu'il en veuille à d'autres.

Voilà, ma Reverende Mere, ma Parabole achevée, qui confifte toute, comme vous voyez, à avoir divifé en deux une même perfonne, pour la rendre pat là capable de deux qualités, & en faire une Superieure, & l'autre ou Novice, ou une autre Superieure qui fe conduise par la premiere. Il n'y a pas même en cela beaucoup de fiction; car nous nous tenons en quelque forte lien de deux perfonnes à nous-mêmes, l'une qui gouverne, l'autre qui eft gouvernée, & nous le devrions faire envers la partie dont on veut procurer le bien véritable, fans participer à fes fentimens. Quoiqu'il en foir je m'en fuis tiré comme j'ai pu, & votis en ferez tel ufage qu'il vous plaira. Je fens que le tems approche qu'il faut payer mes dettes à ma Soeur Antoinette, j'ai

bien deffein de m'en acquiter; mais fi je ne trouve point d'autres moyens, je m'en tirerai comme à votre égard par quelque Parabole. Cependant permettez-moi de me recommander à fes prieres & aux vôtres; & de vous affurer que je fuis avec toute forte de refpect, votre tres-hum

ble &c.

LETTRE XLIX.

De l'Oraifon des Religieufes de la
Vifitation.

A LA MES ME.

J'Aurois quelque fcrupule, ma Ré

verende Mere, de ne vous écrire qu'un petit Billet après avoir écrit à ma Sœur Antoinette une Lettre de huit pages; n'étoit que cette Lettre étant toute génerale, je puis dire qu'elle eft auffi bien pour vous, comme pour elle. Je me fai affez bon gré d'avoir trouvé cette invention, que j'ai pratiquée dans fa Lettre, pour ne manquer jamais de matiere, car tant qu'il y aura des Livres des Peres, vous voyez bien que j'en aurai toujours de refte. Je ne prétens pas même m'embarraffer beaucoup fur le choix de ces Sentences. Toutes les verités Chrétiennes font liées, & elles font en quelque

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