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pofition où je fuis à votre égard, & que je croi inséparable de la gratitude que ja dois à Dieu.

Je ne faurois m'empêcher; Madame d'ajouter ici que je me fens encore obligé à un remerciment particulier envers vous pour la derniere Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Vous ne m'avez fait que juftice en fuppofant que je prens beaucoup de part à tout ce qui regarde votre famille; mais ç'a été me faire une grace finguliere, que d'avoir en la bonté de m'en informer auffi particulierement que vous avez fait. Je comprens aifé, ment, Madame, que la féparation d'avec Madame votre fille vous a été très-sensi ble, mais je comprens en même tems que c'eft une mifericorde de Dieu,de nous faire trouver de l'amertume dans les avantages mêmes du monde,afin que nous ne les eftimions pas trop, & qu'ils ne nous empêchent pas d'afpirer à cet état où Dieu nous promet de fécher toutes nos larmes, parceque les biens qu'il prépare à ceux qu'il aime, ne feront plus mêlés d'amertumes & de douleurs. La difpenfe que le Roi a accordée à Monfieur votre fils aîné le met en état de commencer la carriere à laquelle tout ce qu'il a fait jufqu'ici n'a fervi que de préparation. Je ne doute point qu'il n'y réuffifle parfaitement felon le

monde, & j'efpete qu'elle ne lui fera pas moins heureufe felon Dieu, & qu'il n'y oubliera jamais que comme les diverfes parties de la vie fervent de préparations les unes aux autres, que les études difposent aux charges, & les moindres charges telles que celles qu'il prendra d'abord, à celles ou nous efperons de le voir enfuite. De même la vie entiere dans quelque emploi qu'on la paffe, ne doit être regardée que comme une préparation àune autre vie tout autrement importante que tout ce qui paffe pour important dans le monde. Votre exemple, Madame, contribuera plus que toutes chofes à l'en faire reflouvenir. Car quoique ce foit l'effet d'une grace finguliere de réfifter à cet oubli auquel la vie du monde porte naturellement, Dieu fe plaît néanmoins de la cacher fous l'impreffion de l'exemple des perfonnes de pieté qu'il donne à ceux dont il a un foin particulier pour être le canal des graces qu'il leur veut faire; c'eft-à-dire, Madame, que Dieu vous a établie dans votre famille pour être l'inf trument de sa sanctification, & qu'il demande ainfide vous que vous ayez de la pieté, & pour vous & pour les autres. Mais comme il vous appelle à ce minitere, il faura bien, Madame, vous remplir des graces néceffaires pour l'accomplir

& ce qu'il a déja fait vous peut fervir de gage de ce qu'il fera dans la fuite.

LETTRE LVIL

Sur la Mort de fa Sœur..

L faut bien, Monfieur, que ce foit moi

de la perte que j'ai faite à la fin de l'autre mois, de l'unique fœur qui me reftoit: car je ne vois gueres d'autre perfonne qui ait quelque raifon de vous avertir d'une nouvelle fi peu importante au commun du monde. J'y ajoûterai encore que quoique je ne perde en elle ni fupport, parcequ'elle n'avoit ni la force ni la volonté de me fecourir en rien ; ni confolation, parcequ'une certaine ima-gination qu'elle a toujours eue que je ne Feftimois pas affez, luia toujours ôté toute forte de tendreffe à mon égard, & que quoique dans l'état d'infirmité où elle étoit réduite, on la fût regarder comme une charge bien pefante, je ne laiffe pas avec tout cela, Monfieur, de fentir cette perte, & de me trouver réduit à une plus grande folitude. On compofe, je ne fai comment, fon être de toutes les perfonnes qui nous appar tiennent felon la naiffance. On les re

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garde comme en faifant des parties ainfi on n'en fauroit retrancher aucune qu'on ne fe trouve plus dénué & plus seul. Que s'il fe trouve que la perfonne qui nous est ôtée fût la dernière qui nous reftât de notre famille, cette confifideration d'être maintenant le feul qui reste au monde de tant de perfonnes avec qui on a été uni, nous frappe plus vivement d'une idée qui nous devroit toujours occuper, qu'il n'y a dans le monde que Dieu & nous; c'est-àdire, qu'il n'y a que Dieu à qui nous ayons interêt de plaire, pour lequel nous foyons obligés de travailler, & dont le jugement doit régler notre conduite. Ce qui nous oblige de regarder tout le refte comme étranger & indifferent. On veut affez, Monfieur, cette folitude de fecours humains, d'appuis humains, de confolations humaines. Un homme vieil, incommodé & à demi fourd, ne doit plus efperer de grandes complaifances de la part des hommes, principalement quand il n'a rien qui les attire à foi, & qui les y retienne. Il faut qu'il faffe fon compte fur cela, & ce n'eft pas mon défaut, ni de me mécompter en ce point, ni d'être fenfible aux privations qu'il faut fe réfoudre à effuyer en ce genre-là. Je trouve même que j'ai encore dix fois

plus de confideration que je n'en mérite & même que je n'en fouhaite. Ce que je defirerois, Monfieur, & qui n'eft pas, eft que le vuide que Dieu fait autour de moi, & qui augmentera toujours par les infirmités de la vieilleffe, fût rempli de lui, que je le fubftituaffe à tout, qu'il prit pour moi la place de tous les aufemens qui ne laiffent pas de m'oc cuper l'efprit, & que je fuffe auffi perfuadé par le cœur que je le fuis par l'efprit, que je n'ai plus rien à faire qu'à me préparer le mieux qu'il me fera poffible, au paffage du tems à l'éternité: c'eft la grace que je vous demande, & à M. votre Abbé, à qui je vous prie de commu niquer cette Lettre.

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A MADAME L'ABBESSE DU SAUVOIR,

Sur la mort de fa Mere: il lui parle de l'ef prit de facrifice qui doit animer les Chrétiens, pour facrifier à Dieu les chofes qui leur font les plus cheres.

E fuis, Madame, tellement léparé des nouvelles & du commerce du monde, qu'il eft affez étrange que j'aye pu apprent dre dans le lieu'oùje fuis,la perte que vous avez faite de Madame votre mere. Mais

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