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propriétaires collectifs de leurs biens ne sont ni les fidèles, - ils n'ont que le titre de bénéficiaires ni les membres. du Conseil de fabrique ou du consistoire, qui ne sont que les administrateurs. Et l'on ne saurait davantage attribuer la propriété collective des biens de la mense aux membres du clergé qui en sont à la fois les bénéficiaires et les administrateurs.

Derrière ces hommes se dissimule la collectivité des citoyens qui en a fait les instruments de la volonté générale, et les emploie, eux et les biens qu'elle leur confie, à la poursuite de l'un des buts qu'elle se propose.

Il en est absolument de même de la commune. L'affirmation paraît étrange, parce qu'on s'est habitué à considérer la commune comme l'association des habitants

selon sa forme historique

et parce que ses biens ne sont pas affectés, comme ceux de l'établissement public, à une œuvre particulière, mais sont consacrés à la satisfaction. d'un ensemble d'intérêts généraux.

Sur les deux points, la tradition s'est modifiée.

La commune est aujourd'hui un organe de la souveraineté (1). Les biens communaux ne sont plus considérés comme la propriété collective des habitants, et l'on ne comprendrait pas un partage comme celui qu'ordonna jadis la loi du 10 juin 1793, dont les lois postérieures du 21 prairial an IV et du 9 ventôse an XII ont d'ailleurs détruit les effets. Sans doute, l'article 542 du Code civil définit encore les biens communaux : ceux à la propriété ou au produit

(1) M. Vauthier op. cit., p 192 et suiv., montre que, dans l'ancien droit, une évolution s'était déjà produite. La grande distinction entre les villes pourvues d'une charte et celles qui n'en ont pas en est la preuve. Toute communauté pourvue d'une charte se confond avec l'universitas du droit romain. Le retrait de la charte entraîne la dissolution. Néanmoins, l'idée d'association a persisté jusqu'à la fin de l'ancien régime.

desquels les habitants d'une ou plusieurs communes ont un droit acquis. Mais il ne faut voir là qu'un vestige du passé. On doit interpréter de même la loi du 10 vendémiaire an IV dont l'article 1er déclare les habitants de la commune civilement garants des attentats commis sur le territoire, soit envers les personnes, soit envers les propriétés.

Ajoutons que les attributions municipales se restreignent chaque jour. Si le Maire est encore chargé de la police, on reconnaît généralement, par interprétation de la loi de 1884, que ce n'est plus comme chef de l'association communale, mais comme agent du pouvoir central (1). Et nous pourrions citer d'autres exemples.

De plus en plus, le rôle de la commune se restreint aux matières dont la réglementation intéresse exclusivement les habitants. Ce rôle tend à devenir spécial, comme l'est celui d'un établissement public. Et dans la mesure où ils veillent à leurs intérêts particuliers, les habitants de la commune ne nous apparaissent plus comme les membres d'une association indépendante, mais comme les mandataires de la collectivité des citoyens, chargés d'une mission d'intérêt général qu'ils sont les plus aptes à remplir.

Il est impossible de méconnaître cette évolution, bien qu'elle ne soit pas achevée, et que des vestiges de l'état ancien demeurent. Il est impossible de ne pas voir que la commune actuelle n'est pas une association autonome, mais une circonscription administrative au même titre que le département, et au même titre que l'établissement public un agent de l'association générale, chargé de certains ser

vices.

(1) Cf. Berthélemy op. cit., p. 199.

Voici notre conclusion. La condition juridique des biens ecclésiastiques, qu'ils soient biens de l'Etat, biens des fabriques ou consistoires, biens des communes, est actuellement la même. Ils appartiennent à l'ensemble des citoyens ; et cette propriété collective est en même temps une propriété affectée à un service que l'Etat a pris à sa charge.

Par le fait de la séparation, l'Etat se décharge du service. Conserve-t-il son droit à la propriété des biens? Ou doit-elle être transférée aux associations qui veilleront désormais à l'entretien du culte? Les explications qui précèdent nous dictent notre solution. Nous allons la développer dans notre chapitre III consacré à l'étude du problème législatif.

CHAPITRE III

LE PROBLÈME LÉGISLATIF

SOMMAIRE. Les précédents historiques. La Séparation de l'Eglise et de l'Etat est la contre-partie de l'opération réalisée en 1789. Conséquences. - 1. Quels sont les biens dont la propriété sera transférée ? Tous les biens affectés au culte. - Critique de certaines distinctions courantes. Le passif : les droits d'usufruit; les dettes hypothécaires; les dettes chirographaires. 2. Au profit de qui la dévolution aura-t-elle lieu? Les Associations déclarées : dérogations nécessaires au droit commun de la loi de 1901. Détermination de l'Association attributaire. - 3 ▲ quelles conditions s'opère le transfert de propriété ? La charge des grosses réparations. Les impôts. Le principe de spécialité. L'Etat surveille le maintien de l'affectation. Dévolution du patrimoine affecté à la dissolution d'une association cultuelle.

En 1789, la Nation n'était pas propriétaire des biens ecclésiastiques. Elle n'en était pas propriétaire, puisque la religion n'était pas un service public. Ce patrimoine s'était formé par l'accumulation de fondations d'origine privée aux mains d'associations qui en avaient la propriété collective, avec la charge du service auquel il était affecté. Sans doute, l'État s'était ingéré à plusieurs reprises dans la gestion des biens. Il était intervenu dans l'administration du service. Mais il ne s'était produit aucune expropriation générale, et aucun acte n'était venu effacer le caractère privé du service des cultes. A moins de prétendre que tout bien qui n'est pas soumis au régime de la propriété individuelle fait partie du domaine public, à moins d'affirmer que l'État a la charge de toutes les œuvres d'in

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