Page images
PDF
EPUB

lateur. Que celui-ci se garde de continuer à l'Eglise l'appui artificiel que lui prêtait le Concordat ! Mais aussi qu'il évite de mettre des entraves à son développement! Qu'il se montre respectueux des droits acquis par les générations passées, et qu'il laisse un libre cours aux initiatives de l'avenir !

C'est sous l'influence de ces idées, et à la lumière de ces principes que nous abordons l'examen des législations étrangères et des projets rédigés dans notre pays concernant la dévolution des biens ecclésiastiques.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

--

Le mouvement sépa-
La réforme

- Proposition Jules Roche.

actuelle: Propositions de Pressensé, Réveillaud, Grosjean, Berthoulat, Hubbard. Le projet de la Commission. Le projet Le projet Bienvenu-Martin. La discussion à la Législations étrangères : l'exemple du Brésil.

Combes.
Chambre.

Il n'entre pas dans le plan de cette étude de rappeler en détail les évènements à la suite desquels le Concordat, qui paraissait devoir durer toujours, a été mis en question.

La Séparation des Eglises et de l'Etat figurait, depuis longtemps déjà, au programme de certains partis politiques. La Révolution de Juillet avait vu éclore de timides propo sitions qui, écartées presque sans débats, n'eurent d'autre effet que de procurer au culte israélite l'avantage d'être entretenu par l'Etat comme les cultes chrétiens (loi du 8 février 1831). La Révolution de 1848 fut suivie d'une campagne plus énergique. A la fin de l'Empire, diverses personnalités en vue, notamment M. de Laboulaye, que ses écrits mettaient alors à la tête du parti libéral, se prononçait pour la sécularisation complète de l'Etat.

En 1882, M. Jules Roche rédigeait un projet établissant la liberté complète des cultes, et ordonnant le retour à l'État de tous les biens qui leur étaient affectés.

Quelques années après, M. Henri Brisson, Président du Conseil, parlant aux électeurs parisiens, affirmait ses préférences personnelles pour le régime de séparation.

Enfin, en octobre 1902, M. Ernest Roche demandait la dénonciation du Concordat, et la Chambre. après avoir refusé de voter l'urgence, décidait qu'une grande commission de 33 membres serait chargée d'examiner toutes les propositions de lois.

Mais il a fallu, pour précipiter la crise, les évènements récents qui sont présents à la mémoire de tous.

La première proposition déposée sur le bureau de la Chambre est celle de M. Francis de Pressensé. Elle porte la date du 7 avril 1903. Elle avait le mérite de prévoir la première le régime des associations privées, qui devait être désormais celui de l'Eglise. Mais elle apportait une série de dérogations, plus ou moins arbitraires, au droit commun, et elle constituait plutôt une loi de suppression du budget des cultes, mettant l'Eglise sous le contrôle impitoyable de l'Etat, qu'une loi de Séparation.

Le même esprit inspirait la proposition de M. Hubbard qui prononçait la confiscation, au profit de l'Etat, de tous les biens des établissements ecclésiastiques, et celle de M. le Sénateur Boissy d'Anglas, qui faisait revivre la loi du 3 ventôse an III sur la police des cultes.

Des projets beaucoup plus libéraux, déposés, le premier par M. Réveillaud, le second par MM. Grosjean et Berthoulat cherchaient véritablement à instituer un régime de droit commun au profit de toutes les manifestations de la conscience. La loi du 1er juillet 1901 régissait les collectivités qui se formeraient pour l'entretien du culte, et au profit desquelles certaines dispositions de faveur étaient édictées.

La commission nommée par la Chambre, qui avait élu pour Président M. Buisson, et pour rapporteur M. Briand, avait donné pour base à ses travaux un rapport également

inspiré d'un esprit libéral. Il permettait, dans des conditions très larges, la formation d'associations cultuelles, et d'unions d'associations, pouvant s'étendre sur toute l'étendue du territoire. C'est au profit de ces asssociations que s'opérait, en toute propriété, le transfert des biens appartenant aux Etablissements publics de culte. La location obligatoire des édifices, propriétés de l'Etat ou des communes, était consentie dans des conditions particulièrement favorables, pour une période de dix ans.

Malheureusement, un dissentiment intervenait entre le Gouvernement et la commission; cette dernière, pour faciliter l'achèvement de la réforme, déclarait renoncer à son projet et se rallier, moyennant quelques modifications, à celui que M. Combes, Président du Conseil, allait déposer le 10 novembre sur la Tribune de la Chambre. Ce projet se rapproche beaucoup plus, par ses tendances générales, du projet de Pressensé que du projet Briand. Nous ne faisons pas allusion seulement à la dévolution des biens, dont la propriété est réservée à l'Etat, et la location consentie aux associations cultuelles dans des conditions qui sont à la merci des autorités administratives ou communales. Nous rappelons l'interdiction adressée aux Unions d'associations de dépasser les limites du département ou de la circonscription ecclésiastique. Nous mentionnons surtout les mesures administratives véritablement tyranniques (autorisations préalables, peines d'amendes ou d'emprisonnement, dont sont menacés les ministres du culte qui voudraient exercer une influence politique, etc.,) qui font de ce projet une loi de police, plutôt qu'une loi de séparation.

La chute du ministère Combes eut pour conséquence l'abandon de ce projet, qui avait soulevé les plus vives protestations de la part des représentants des différents

cultes. C'est sur le projet du nouveau ministre, M. Bienvenu-Martin, semblable, dans son esprit et ses dispositions essentielles, au projet primitif de la commission, que la discussion s'est ouverte devant la Chambre.

Après une discussion générale, dans laquelle le principe même de la Séparation a été attaqué et défendu avec la plus haute éloquence, les articles successifs ont été examinés. Et le projet actuel, tel qu'il sera soumis au Sénat, mérite, sous quelques réserves, l'approbation des esprits libéraux.

Dans le remarquable rapport qu'il a déposé à la Chambre, M. Briand a rappelé que le régime de Séparation des Eglises et de l'Etat est pratiqué à l'heure actuelle par un grand nombre de pays étrangers.

Les législations de ces différents pays peuvent, à bien des égards, nous servir de modèles (1). Sans imiter l'exemple de la Belgique, où les cultes, soustrails à toute surveillance de l'Etat, ont droit à une subvention de sa part ce qui est contraire au principe même de la Séparation on peut s'inspirer du libéralisme qu'a montré M. Gladstone, lorsqu'il réalisa, en 1869, le disestablishment de l'Eglise d'Irlande.

Mais ce sont surtout les pays d'Amérique qui doivent retenir notre attention. Nous ne croyons pas qu'il y ait de très sérieux enseignements à tirer pour nous du régime

(1) Nous laisserons de côté les pays, encore assez nombreux en Europe, où l'Eglise n'est pas séparée de l'Etat ainsi le Portugal, où la religion catholique, largement dotée par le budget, est religion d'État; les pays scandinaves, où la religion luthérienne est religion d'Etat; les Etats allemands, où les cultes, catholique et protestant sont également subventionnés ; la Hongrie, où les cultes légalement reconnus constituent des corps religieux publics placés sous le contrôle de l'Etat, qui s'administrent librement. mais ne possèdent d'autres immeubles que ceux nécessaires à l'exercice du culte et au logement des ministres..., etc.

« PreviousContinue »