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faites, dans les limites des besoins de ces associations, par décret en Conseil d'Etat ou par arrêté préfectoral, suivant que les biens appartiendront soit à l'Etat, soit aux d'partements ou communes, pour une période de dix années, et à charge d'en rendre compte à l'expiration de cette période, et de supporter les frais d'entretien et de grosses réparations. Elles pourront être renouvelées sous les mêmes conditions, pour des périodes de même longueur ou des périodes moindres.

Le prix de la concession ne pourra dépasser le dixième des recettes annuelles de l'association, constatées d'après les dispositions de l'article 9 de la présente loi.

Les concessions dont il est question ici présentent les mêmes caractères que les précédentes. Elles sont consenties par l'administration. Il ne s'agit plus du pouvoir central, mais des conseils généraux et des conseils municipaux. Ils devront être consultés. On verra surgir des conflits d'autant plus violents, qu'ils seront plus localisés, querelles de village et de clocher. Ces concessions sont temporaires, facultatives. Elles nécessitent des redditions de comptes, permettant d'incessantes immixtions de l'autorité...

Elles présentent deux caractères qui les distinguent des précédentes. Elles sont à titre onéreux. Le prix du loyer est il est vrai, assez modique; et, disposition qu'il faut approuver, il est proportionné aux ressources annuelles de l'association. Ces concessions ont pour effet de mettre les grosses réparations à la charge de l'association concessionnaire, sauf les subventions possibles de l'Etat. C'est une dérogation au droit commun. Elle s'expliquerait, s'il s'agissait d'un bail à long terme tel que l'emphytéose. Mais comment la justifier, alors que la concession peut prendre fin d'un jour à l'autre, aussitôt les grosses répa

rations faites? Les associations cultuelles, si elles ne sont assurées du bon vouloir du Conseil municipal, auront avantage à louer un immeuble étranger au culte dans les conditions du droit commun (1).

Il est une troisième catégorie de biens que le projet Combes distingue des précédentes. Ce sont les biens ayant une destination charitable, qui ont été donnés aux établissements publics de culte. Ces biens ne pourront, à aucun titre, être concédés aux associations cultuelles, ni à des associations de même genre qui se constitueraient conformément à la loi de 1901.

Ils seront attribués par décret en Conseil d'Etat ou par arrêté préfectoral aux établissements publics d'assistance situés dans la commune ou dans l'arrondissement. (Art. 3, § 3) (2).

Ainsi, la volonté des fondateurs, qui ont voulu donner à leur libéralité un caractère confessionnel, sera méconnue (3)

(1) Mais il semble résulter de l'art. 11, titre III, d'après lequel « les cérémonies d'un culte..... ne peuvent avoir lieu... dans aucun édifice public autre que ceux qui sont concédés à un culte dans les conditions déterminées par la présente loi, » qu'une association ne pourrait louer une maison d'habitation dans les conditions du droit commun! Voyez le Figaro du 23 janvier 1905. Les lieux de culte, par M. d'Haussonville.

(2) Voyez sur ce point les critiques de M. A. Lods, dans le Journal des Débats du 19 fév 1905.

(3) Les fondateurs ou leurs héritiers auront-ils, en pareil cas, le droit de revendication? Le projet Combes ne renferme aucune disposition à ce sujet. Si M. le Ministre des Cultes avait eu l'intention de le reconnaître, il en eût vraisemblablement soumis l'exercice à des conditions particulièrement rigoureuses. Car, en l'absence de restrictions de ce genre, les réclamations provoquées par l'art. 3, § 3, seront innombrables. Dans un seul département l'Aveyron, les biens donnés aux fabriques avec affectation charitable s'élèvent à plus de 600.000 fr. Mais nos tribunaux, pour se conformer au principe qui a inspiré leur interprétation de l'art. 900 et de la loi de 1886, devraient admettre le droit de revendication, et, en l'absence d'un texte, le soumettre au droit commun, (prescription de 30 ans, etc...) Cf. p. 168.

DONNEDIEU DE VABRES

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Concluons. Les biens de l'Eglise confisqués au profit de l'Etat ; l'autorité intervenant d'une manière continuelle et oppressive dans l'administration de ces biens; le caractère facultatif et la durée précaire de concessions arbitrairement consenties; les intentions des bienfaiteurs violées : voilà le bilan du projet Combes.

Faut-il ajouter la défense faite aux associations de se fédérer hors des limites du département, qui rend impossible la constitution d'une caisse centrale, indispensable à la vie de certaines Eglises; (1) la limitation extrême du fonds de réserve; les mesures de police inquisitoriales et tracassières?

Nous nous félicitons que ce projet soit venu montrer les dangers d'une Séparation qui ne maintiendrait pas les droits de propriété de l'Eglise, qui ne se montrerait pas respectueuse des droits de l'individu, qui organiserait, comme on l'a dit très justement, une sorte de « Concordat sans le pape ».

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La proposition de M. Francis de Pressensé est fondée sur le même principe que la proposition Allard et le projet Combes.

La propriété de tous les biens actuellement affectés au culte reste entre les mains de l'Etat. Ce principe est formulé dans l'article 20 bis et dans l'article 21.

(1) Voyez en particulier, en ce qui touche les Églises protestantes, la note remise à la commission de la Séparation des Églises et de l'Etat, par M. le Pasteur Lacheret, au nom d'une réunion des représentants des Eglises protestantes: Une campagne du Siècle..., p. 373).

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ART. 20 bis. Les biens mobiliers et immobiliers appartenant aux menses épiscopales ou aux fabriques, feront retour, les premiers à l'Etat, les seconds aux communes...

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ART. 21. L'Etat est et demeure propriétaire des cathédrales, ainsi que des archevêchés, évêchés, bâtiments des séminaires diocésains. Les communes sont et demeurent propriétaires des églises paroissiales et des presbytères.

Cependant, la proposition de M. de Pressensé diffère des précédentes sur deux points importants.

Elle est moins libérale en ce qui touche les conditions du droit de jouissance accordé aux associations cultuelles sur les immeubles de l'Etat. Elle est plus libérale, en ce qu'elle apporte au droit de propriété de l'Etat une exception importante.

Au régime de concessions qui était celui du projet Combes, M. de Pressensé substitue un régime de locations à titre onéreux, qui s'applique également aux immeubles des fabriques, à ceux des communes et de l'Etat.

Non seulement il n'est fait aux associations locataires aucun avantage, mais elles sont traitées plus rigoureusement que de droit commun. Nous empruntons à un savant article de M. le Doyen Jalabert la liste de ces dérogations au droit commun :

D'après le droit commun, l'Etat, les départements et les communes peuvent accorder gratuitement aux Eglises l'usage des temples et des presbytères qui leur appartiennent. Dorénavant, cela leur sera interdit (art. 12, 13, 95).

D'après le droit commun, les propriétaires peuvent louer leurs immeubles à un prix amiablement débattu. A l'avenir, si l'Etat et les communes louent les temples et presbytères à des sociétés civiles pour l'exercice du culte, tout contribuable qui considérerait le prix de la location.

comme dolosif ou dérisoire peut réclamer en justice la résiliation du bail (art 22 et 98).

D'après le droit commun, les temples peuvent s'ouvrir pour des fêtes religieuses, des séances d'unions chrétiennes, des conférences morales. A l'avenir, si des édifices consacrés au culte servent à des actes étrangers au culte, des peines de 500 à 5.000 francs d'amende, d'un emprisonnement de 6 mois à un an pourront être prononcées, et s'il y a location, elle sera résiliée de plein droit (art. 40 et 98).

D'après le droit commun, les locataires peuvent convenir des conditions du bail. A l'avenir, les sociétés pour l'exercice du culte seront obligées, si le seul temple qui existe appartient à l'Etat ou à la commune, d'accepter une clause du bail permettant de l'employer, à des dates fixes ou tous les dimanches, à des heures autres que celles du culte, à la célébration de fêtes civiques, nationales ou locales (art. 22 et 98).

Ce sont, en somme, tous les inconvénients du projet Combes auxquels il faut ajouter ceux qui résultent [des conditious particulièrement désavantageuses du bail — il est vrai que les grosses réparations ne sont pas à la charge du locataire - et les difficultés auxquelles donnera lieu la co-habitation des cultes

En revanche, M. Francis de Pressensé s'est montré plus libéral sur la question de propriété. Le principe posé par lui entraînait cette conséquence que des édifices construits exclusivement avec les libéralités des fidèles leur seraient loués dans des conditions plus rigoureuses que le droit commun ne l'eût permis. C'était inadmissible. D'où la disposition de l'article 20 bis § 2 :

Dans le cas où il serait fait la preuve que ces biens (les biens mobiliers et immobiliers des menses et fabriques) sont le

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