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fruit de libéralités exclusives des fidèles, en dehors de toute subvention de l'Etat ou des communes, les dites libéralités s'étant produites depuis le 1o janvier 1872, ils seront attribués aux sociétés civiles formées pour l'exercice du culte dans le diocèse ou la paroisse.

Et celle de l'art. 21 § 2:

Les Conseils de fabrique actuellement existants pourront faire la preuve que ces édifices (les édifices appartenant à l'Etat et aux communes) ont été construits depuis le Concordat exclusivement avec des fonds provenant de collectes, quêtes et libéralités des particuliers, sans subvention aucune du budget de l'Etat, ni des municipalités. Ces derniers édifices seront attribués à la société civile diocésaine ou paroissiale, dont il sera traité ci-après.

Ces textes ne manquent pas de soulever certaines objec

tions.

On peut se demander pourquoi l'exception est limitée, d'une part aux biens qui sont le fruit de libéralités postérieures à 1872, d'autre part aux édifices construits depuis le Concordat. Si l'on poussait jusqu'au bout les conséquences logiques du principe d'équité auquel M. de Pressensé a donné une satisfaction partielle, on réaliserait le transfert, au profit des sociétés civiles, de tous les biens. affectés au culte. Car s'il en est qui proviennent de dotations de l'Etat, leur transfert ne constituerait qu'une compensation médiocre aux actes législatifs ou administratifs innombrables qui ont détourné de leur affectation primitive des biens que la charité privée avait consacrés à une œuvre religieuse.

Il est permis de se demander surtout pourquoi M. de Pressensé limite sa générosité aux biens qui proviennent exclusivement de libéralités des fidèles. Très souvent, la situation suivante s'est présentée. Une église a été construite

sur un terrain appartenant à la fabrique, avec l'argent des fidèles. L'Etat est intervenu pour accorder une très légère subvention. Cette subvention aura pour effet de transformer la condition juridique de l'édifice. Au lieu d'être dévolu, en toute propriété, aux fidèles qui ont contribué, pour les trois quarts peut être, ou les cinq sixièmes, à sa construction, il leur sera loué dans des conditions extrêmement désavantageuses.

Ce résultat n'est-il pas d'une iniquité révoltante? Et si l'on ne pouvait recourir au droit commun, parce qu'il n'y a pas de droit commun en la matière, si l'on ne voulait. distinguer la propriété du terrain et celle de l'édifice, ne devait-on du moins trouver un modus vivendi plus équitable?

La grande préoccupation de M. Francis de Pressensé a été de restreindre autant que possible la propriété ecclésiastique.

S'agit-il des immeubles? Il juge insuffisante, dans sa sévérité, la loi de 1901 qui limite le patrimoine des associations déclarées aux immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elles se proposent. Il décide qu'elles ne pourront acquérir à titre onéreux, posséder ou administrer qu'une église cathédrale et un évêché par diocèse, une église paroissiale et un presbytère par paroisse. (Art. 29).

S'agit-il des meubles? Toutes les valeurs mobilières devront être placées en titres de rente nominatifs. (Art 32 § 1).

Enfin, les sociétés devront publier chaque année un compte de leurs propriétés mobilières et revenus et un inventaire de leurs propriétés immobilières. (Art. 32 § 2).

Si l'on ajoute aux dispositions qui précèdent les mesures de police vexatoires prescrites par le titre VI, on conclura avec nous que la proposition de Pressensé, comme le pro

jet Combes, a le caractère d'une loi de police beaucoup plutôt que celui d'une loi de Séparation.

Le trait commun aux propositions qui précèdent est le suivant.

Il est tenu très grand compte des droits de l'Etat, et du danger que peut faire courir à une Société comme la nôtre une main-morte trop puissante. Contre l'influence morale des associations cultuelles des précautions minutieuses sont prises. Mais que devient l'affectation sociale des biens. consacrés au Culte? Elle est à la merci, dans le projet Combes, des fantaisies de l'administration ou des municipalités. Elle est complètement sacrifiée dans la proposition de Pressensé, puisque la location est soumise à des conditions plus rigoureuses que le droit commun.

Et surtout que devient le respect dù à la propriété corporative? La très légère exception consacrée par la proposition de Pressensé, quant aux biens provenant de libéralités des fidèles, fait ressortir la confiscation dont les autres biens sont l'objet. Et cette confiscation est totale dans le projet Combes.

C'est l'esprit de la Convention qui domine cette législation. On a tort de répéter, sans établir de distinction, que c'est l'esprit révolutionnaire. L'étude de projets plus libéraux et plus équitables va nous mettre en présence d'une thèse différente, qui mérite aussi d'être appelée une thèse de la Révolution, puisque les Constituants l'ont consacrée, celle de l'affectation sociale.

CHAPITRE II

les projets DOMINĖS PAR L'idée d'affectATION SOCIALE

SOMMAIRE. – Le disestablishment de l'Église d'Irlande. — Les droits des fondateurs sont respectés, et l'affectation sociale des églises est maintenue. Les projets analogues en France. 1. Proposition Briand. Les biens des établissements publics transmis, en propriété, aux associations cultuelles. Location obligatoire des édifices appartenant à l'Etat Comment distinguer ces deux catégories de biens? Dévolution des biens chari2. Le Projet Bienvenu-Martin. — Il ressemble au projet de la Commission. Comment s'opère la dévolution des biens? Les dotations de l'État. La question des dettes. Reven3. La Proposition Réveillaud. I ocation pour 1 franc des édifices appartenant à l'État. quoi ne pas admettre le transfert en propriété?

tables.

dications des bienfaiteurs.

Pour

:

Les biens ecclésiastiques présentent un caractère particulier ils sont consacrés à une œuvre. Cette œuvre demeure après la Séparation. Il est logique, il est juste que les biens lui restent affectés. Voilà l'idée qui triomphe à l'heure actuelle dans des projets dont nous n'approuvons pas toutes les dispositions, mais au libéralisme desquels nous nous plaisons à rendre hommage.

Parmi les législations étrangères, dont leurs auteurs ont pu s'inspirer, l'exemple de l'Angleterre nous paraît particulièrement intéressant et significatif.

Nous faisons allusion au disestablishment de l'Église d'Irlande, organisé par la loi du 26 juillet 1869, dont les dispositions essentielles sont dues à M. Gladstone. On peut rapprocher assez justement la situation de l'Église anglicane irlandaise de celle qu occupait au Mexique l'Eglise

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