Page images
PDF
EPUB

association cultuelle, les biens, loin d'être partagés entre ses membres, seront dévolus au profit d'une association. analogue. (Art. 7). Cette affectation qui est de l'essence de la propriété ecclésiastique, sera maintenue sous la surveillance de l'autorité administrative dont l'intervention ne revet aucun caractère inquisitorial ni oppressif. (Art. 23 et suivants,)

Dans son ensemble, le projet Bienvenu-Martin a pu fournir à la Chambre une base très acceptable de discussion. Les seuls reproches que nous soyons en droit de lui adresser, sont attachés au principe sur lequel il repose et qui est commun a toutes les propositions dont nous avons jusqu'ici abordé l'examen.

§ 3.- Proposition Réveillaud

C'est sous ce rapport que la proposition Réveillaud est certainement supérieure aux précédentes. Car si l'auteur de cette proposition n'a pas osé répudier le principe, il en a corrigé, en fait, toutes les conséquences malheureuses. M. Réveillaud a évité, cédant à l'opinion commune, de réaliser le transfert, au profit des associations cultuelles, de tous les biens affectés au culte. Mais il leur a attribué un droit de jouissance si étendu que les conséquences en sont exactement les mêmes. C'est ce qui donne à l'ensemble de sa proposition ce caractère pratique et simple que l'on chercherait vainement dans les projets qui précèdent.

Nous ne pouvons qu'en approuver les dispositions essentielles. Les associations cultuelles se forment librement, conformément à la loi du 1er juillet 1901 (art. 6). Elles

pourront recevoir, outre les subventions et cotisations prévues par l'article 6 de cette loi, le produit des quêtes et collectes, les taxes pour les cérémonies religieuses (art. 7). Elles seront soumises, pour les biens qu'elles possèdent, à la taxe de main-morte, mais non à la taxe de 4 0/0 sur le revenu (art. 8). Elles peuvent constituer des unions d'associations (art. 10). Leurs valeurs mobilières seront placées en titres nominatifs; mais on a omis de fixer une limite au fonds de réserve. On aurait pu utilement imposer le principe de spécialité, et décider que les associations déclarées de bienfaisance seraient distinctes des associations cultuelles.

C'est au profit de ces associations qu'aura lieu la dévolution des biens. Elle s'opérera de la manière suivante :

Art. 12. La désignation des associations déclarées qui auront la jouissance de ces édifices sera faite dans un délai de trois mois, à partir de la promulgation de la présente loi par les évêques et les Consistoires, chacun en ce qui concerne leur circonscription actuelle.

Cette disposition doit être rapprochée de l'article 3 du projet Bienvenu-Martin, d'après lequel la dévolution aura lieu «< conformément aux règles générales d'organisation du culte ».

La seconde rédaction nous paraît préférable; elle évite de consacrer le pouvoir exclusif des évêques, qui peut, dans certains cas, n'être pas conforme aux principes du droit canonique, et d'attribuer aux consistoires une autorité que leur origine historique ne justifie pas.

Il n'en est pas moins vrai que les deux textes sont inspirés des mêmes motifs, et doivent être approuvés dans leur principe. Nous regrettons que M. Réveillaud n'en ait pas étendu l'application aux biens des fabriques et consistoires

qui seront répartis par les représentants de ces établissements publics. Nous regrettons que tout récemment à la Chambre, en combattant l'article 3 du projet BienvenuMartin, il ait trahi son propre système.

Quels sont les biens dont la dévolution aura lieu au profit des associations cultuelles ? C'est ici que se manifeste surtout le libéralisme de la proposition Réveillaud. On peut la rapprocher, à cet égard, de la proposition de M. Grosjean (art. 13, 14 et 15) dont les dispositions sont presque identiques (1).

Les biens mobiliers et immobiliers appartenant aux menses épiscopales, aux fabriques, consistoires ou conseils presbytéraux, seront répartis par ces établissements ecclésiastiques entre les associations formées pour la célébration du culte (art. 15 de la proposition Réveilland; art. 14 de la proposition Grosjean). Il s'agit évidemment d'une dévolution en propriété.

Les biens appartenant à l'Etat, aux départements et aux communes, continuent à leur appartenir (art. 11 de la proposition Réveillaud; art. 13 de la proposition Grosjean). M. Grosjean admet une exception pour les édifices au sujet desquels les conseils de fabrique feraient la preuve qu'ils ont été « construits depuis le Concordat avec les fonds provenant de collectes, quêtes et libéralités de particuliers, sans subvention aucune de l'Etat ni des com

((

«munes ».

Pourquoi la preuve est-elle à la charge des conseils de fabriques, qui sont eux-mêmes des organes de l'Etat? Pourquoi l'exception ne s'applique t-elle qu'aux édifices

(1) Quant au droit de revendication des bienfaiteurs, M. Grosjean, plus libéral encore que M. Bienvenu-Martin, lui permet de s'exercer dans un délai de 2 ans.

postérieurs au Concordat? Pourquoi une subvention de l'Etat, peut être minime, en modifie-t-elle la condition. juridique? Autant d'inconséquences, autant d'exceptions que l'on est obligé d'apporter à un principe dont on se refuse à reconnaître la fausseté.

Mais on évite aussi de consacrer ses conséquences qui sont injustes. On ne veut pas admettre que les édifices soient loués pour un prix élevé aux fidèles qui les ont souvent construits à leurs frais. On ne veut pas que de telles concessions aient un caractère provisoire et révocable.

Aussi M. Grosjean décide-t-il (art. 14) que les édifices seront mis gratuitement à la disposition des associations cultuelles.

Aussi M. Réveillaud décide-t-il, en des termes presque identiques, que les mêmes édifices seront laissés à la disposition des associations déclarées, moyennant une redevance annuelle de un franc par édifice (art. 11) ce loyer fictif et symbolique étant destiné à rappeler le principe, à affirmer le droit de propriété de l'Etat.

Que reste-t-il, en fait, de ce droit de propriété? L'Etat n'en supporte plus les charges, puisque les grosses réparations seront aux frais des associations cultuelles (art. 13). Il n'en perçoit plus les avantages, puisque l'attribution est définitive, puisque la désaffectation ne peut avoir lieu que par une loi (art. 14).

Alors, pourquoi n'opère-t-on pas purement et simplement le transfert? Et ne met-on la propriété des immeubles aux mains des associations?

Pratiquement, le résultat serait le même. Dans un cas, comme dans l'autre, le droit de l'association aurait pour

DONNEDIEU DE VABRES

19

condition la poursuite du but, l'accomplissement de l'œuvre, à laquelle le bien est affecté.

C'est donc un scrupule théorique qui a empêché MM. Grosjean et Réveillaud de consacrer la solution qu'ils déclarent implicitement juste et rationnelle. Nous connaissons la valeur de ce scrupule. Nous avons exposé les arguments historiques ou philosophiques qui lui donnent un semblant de vérité. Gardons-nous de revenir sur une réfutation que nous avons déjà donnée, et terminons notre étude en étudiant le système de la propriété collective, les législations étrangères qui l'ont consacré, et les projets qui, en France, semblent s'en être inspirés.

« PreviousContinue »