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Au système des locations successives, qui était une source de discordes, la Commission, à la suite de la prise en considération par la Chambre d'un amendement de M. Flandin, a substitué un régime nouveau et accordé aux associations la jouissance indéfinie des édifices affectés au culte.

Sans doute, la cessation de cette jouissance peut être prononcée, dans certains cas limitativement énumérés, par décret rendu en Conseil d'Etat. Mais c'est aussi le Conseil d'Etat statuant au contentieux qui, sur la demande des intéressés, peut retirer à l'Association attributaire les biens dévolus conformément à l'art. 4. Si l'on compare les cas prévus par les art. 6 et 7 et les hypothèses dont il est fait mention à l'art. 11, on se convaincra aisément que les solutions sont les mêmes. Les différences de forme tiennent uniquement à la nature des biens dont il est fait mention aux deux articles. Dire que le culte a cessé d'être célébré pendant plus de 6 mois consécutifs ou que « l'édifice est détourné de sa destination » c'est dire que « l'association cultuelle a cessé de remplir son objet. » Les prescriptions relatives aux monuments historiques et aux objets mobiliers qui les garnissent n'ont elles-mêmes de raisons d'être appliquées qu'aux édifices, dont il est fait mention exclusivement à l'art. 11.

Nous regrettons que le législateur n'ait pas cru devoir persévérer dans la voie libérale où il était entré. Sans doute il a pénétré la fausseté de la distinction établie entre les biens des établissements publics, et ceux de l'Etat, des départements ou des communes. Il a compris qu'il ne s'agissait pas de 2 groupes de biens dont la condition fût différente, et dont la dévolution dût s'opérer isolément. En dehors des solutions précédentes, nous en trouvons la preuve dans la disposition de l'article 11, qui réserve aux

associations attributaires des biens des établissements publics la jouissance des édifices.

Mais le législateur a consacré une autre distinction qui nous paraît moins justifiable encore. Il a traité différemment les édifices proprement affectés au culte, c'est-à-dire les églises et les temples, et ceux qui servent au logement des ministres, les presbytères, archevêchés, évêchés, séminaires et facultés de théologie protestante. Loin que ces édifices soient concédés indéfiniment aux associations cultuelles, ils ne seront laissés à leur disposition que pendant une courte période, qui sera de 2 ans pour les archevêchés et évêchés, de 5 ans pour les presbytères (1), séminaires et facultés de théologie protestante.

Théoriquement, la distinction est injustifiable, puisque les biens dont il s'agit ont la même origine. Ils sont généralement le fruit de la libéralité des fidèles. Pratiquement, elle est aussi critiquable. Souvent le presbytère est attenant à l'église. Des raisons de décence et d'ordre public exigeraient impérieusement qu'il demeurât affecté au logement des ministres; sinon le service du culte sera fréquemment troublé. Ces raisons conduiront souvent les municipalités à consentir aux associations cultuelles la location des presbytères, et cela sans doute à des conditions avantageuses. Mais ces rapports de propriétaire à locataire donneront lieu parfois aux querelles de village que le législateur a prévues et qu'il a voulu éviter, en consacrant les dispositions libérales de l'article 11..

On peut critiquer ces flottements, ces inconséquences. Mais il ne faut pas oublier que la loi nouvelle est avant

(1) La jouissance du presbytère n'est accordée à l'association cultuelle que si le ministre du culte est domicilié dans la commune. On a voulu éviter le «< binage ».

tout une œuvre de transaction. Comment s'étonner que le législateur, partagé entre deux tendances, semble parfois ôter d'une main ce qu'il accorde de l'autre?

III

Le rôle du législateur n'est pas terminé lorsqu'il a réglé la dévolution, aux mains des associations cultuelles, des biens affectés au culte. Le caractère particulier de ces biens, la nature spéciale du droit transmis exigent de sa part une triple intervention. Il doit veiller à la protection des monuments historiques. Il doit fixer les impôts qui grèveront ces biens. Il doit régler le fonctionnement des associations cultuelles.

Il était nécessaire de compléter les dispositions de la loi du 30 mars 1887. Cette loi n'avait reçu qu'une application insuffisante, en ce sens qu'un très petit nombre d'immeubles, et surtout d'objets mobiliers, avaient été classés. Le système auquel la Chambre s'est arrêté est le suivant :

En ce qui touche les immeubles (édifices servant à l'exercice public du culte) un classement complémentaire est ordonné, qui doit comprendre tous les édifices représentant une valeur historique.

En ce qui touche les meubles et immeubles par destination, il est d'abord procédé à un classement provisoire, qui comprend tous ceux mentionnés à l'article 11, puis, dans l'intervalle de 3 ans, à un classement définitif où seront compris seulement ceux qui possèdent une valeur artistique.

Les prescriptions de la loi de 1887, relatives au régime applicable aux biens classés, ont été utilement complétées.

Dans le cas où l'aliénation est possible, avec l'autorisation du ministre de l'Instruction publique, un droit de préemption est accordé aux associations cultuelles, puis aux communes, aux départements, aux musées et sociétés d'art et d'archéologie, enfin à l'Etat. Les objets classés ne peuvent être réparés sans l'autorisation du ministre. Des peines sont édictées pour sanction des dispositions précédentes. On ne peut qu'approuver ces mesures prises pour protéger le patrimoine artistique de la France.

Quant au régime fiscal, les associations ont été soumises, pour les immeubles qu'elles possèdent, aux mèmes impôts que les particuliers. On les a dispensées de la taxe d'abonnement, et de l'impôt de 4 0/0 sur le revenu.

La Chambre a fait enfin acte de libéralisme, en permettant la formation d'unions d'associations, la constitution d'un fonds de réserve dont le montant ne pourra dépasser une somme supérieure, pour les unions et associations. ayant plus de 5.000 francs de revenu, à trois fois et, pour les autres associations, à 6 fois la moyenne annuelle des sommes dépensées par chacune d'elles pour les frais du culte pendant les cinq derniers exercices; enfin la constitution d'une réserve spéciale dont les fonds seront déposés en argent ou en titres nominatifs à la caisse des dépôts et consignations.

En revanche, nous ne saurions approuver les dispositions de l'article 17 qui exige, pour la formation d'une association cultuelle, le concours d'un nombre minimum de membres, variant avec la population totale de la commune. Ces chiffres présentent nécessairement un caractère arbitraire. Il est manifestement injuste qu'ils soient les mêmes pour les différentes confessions, alors que dans chaque commune le nombre des protestants et des israé

lites est presque toujours très inférieur à celui des catholiques.

Les mesures de police prescrites par les articles 23 et suivants n'ont rien d'excessif.

Dans son ensemble, le Projet actuel, tel qu'il va être soumis au Sénat, présente un caractère très marqué de libéralisme. Il pourrait être amélioré encore, si l'on étendait aux presbytères le système admis pour les édifices du culte; si l'on admettait la dévolution des biens charitables au profit d'associations déclarées conformes à la loi de 1901; si l'on substituait enfin à la compétence du Conseil d'Etat celle des tribunaux civils, qui résulte logiquement du caractère privé que revêtent désormais les biens affectés au culte.

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