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ments des ministres du Culte, et les pensions auxquelles avaient droit les bénéficiers dépouillés.

Le décret des 4-14 septembre 1792 met les frais du culte à la charge des citoyens de chaque municipalité ou paroisse, à partir du premier Janvier 1793.

Par décret des 22 frimaire, 5 nivôse an II, la Convention supprime les pensions, quand les intéressés avaient moins de 24 ans, lors de la suppression des bénéfices.

Le 18 septembre 1793, à la suite d'un débat ou Cambon demanda que le traitement des évêques fût réduit à 3.000 livres, on le ramena à 6.000.

Enfin, le 6 germinal, an II, la Convention, vu les embarras du Trésor, ordonna de ne payer les arrérages des pensions de toute nature que jusqu'au premier germinal. Quant aux traitements, beaucoup de communes ayant supprimé leurs paroisses, les églises furent généralement fermées, et l'on cessa de payer les prêtres constitutionnels.

Ainsi, l'on s'acheminait peu à peu vers la suppression du budget des cultes, vers la séparation de l'Église et de l'État réalisée dans un but fiscal.

Le 19 octobre 1791, André Chénier avait demandé, dans un article célèbre, que chacun payât le culte qu'il voulait suivre, et n'en payât pas d'autre.

Un premier pas dans ce sens fut fait par l'Assemblée législative lorsqu'elle vota le décret des 4-14 septembre 1792, qui mettait les dépenses du culte autres que le traitement des ministres à la charge des municipalités ou paroisses.

Le 21 brumaire (11 novembre 1793) au lendemain de la fête de la Liberté, célébrée à Notre-Dame, la Convention reçoit une pétition du Comité central des Sociétés popu

laires, approuvée par la Commune et les Sections, demandant la suppression du traitement des prêtres.

Néanmoins, la réforme n'était pas mûre. Elle avait rencontré une violente opposition, lorsque un an auparavant, le 13 novembre 1792, au nom du Comité des finances, Cambon avait annoncé à la Convention le prochain dépôt d'un projet de réforme générale, qui permettrait de supprimer l'impôt immobilier, l'impôt des patentes et de diminuer l'impôt foncier de 40 millions, en renonçant aux dépenses du culte qui coûtaient 100 millions à la Nation (1). Le club des Jacobins craignait qu'une telle réforme n'armât le Clergé contre la Révolution. Robespierre, dans sa huitième lettre à ses commettants, déclara ce projet attentatoire à la moralité du peuple. La Convention vota une adresse pour déclarer aux citoyens qu'elle n'avait jamais songé à priver les ministres du Culte des garanties que la Constitution civile du Clergé leur avait données.

Le 11 janvier 1793, la même déclaration fut reproduite; et le 17 juin, il était décrété encore que « le traitement ecclésiastique faisait partie de la dette publique. »

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Devons-nous en conclure que la Convention se montrait respectueuse des engagements de la Constituante et qu'elle était animée du même esprit? Ce serait méconnaître étrangement les faits. Ce serait oublier que le décret du 17 juin fut suivi de la persécution la plus violente. Les traitements et les pensions, constamment réduits ou suspendus, n'existaient que sur le papier. La Constitution civile du Clergé n'était, aux yeux des Danton et des Robespierre, qu'un instrument de domination et de tyrannie.

(1) On trouvera les textes relatifs au projet Cambon dans l'article de M. Aulard sur Danton et la Convention nationale, dans la Revue la Révolution française, t. XXV, p. 146.

C'est pourquoi la Séparation, réalisée par la réaction thermidorienne dans les conditions que nous allons voir, put paraître aux catholiques de l'époque un acte d'affranchissement.

§ 2. -La réalisation de la réforme

La réaction thermidorienne parut d'abord moins hostile que Robespierre à la libre célébration des Cultes.

Dès le début, cet esprit de modération apparaît dans le décret du 18 thermidor, an II: il porte que les ci-devant ministres du culte, religieux ou religieuses pensionnés, toucheront sans délai l'arriéré des sommes dues, et il maintient les pensions accordées aux autres ecclésiastiques.

Mais quelques jours après, le décret des sans-culottides an II est rendu. Il est dit que la « République française ne paie plus les frais ni les salaires d'aucun culte ; » et cette suppression s'opère sans attirer l'attention publique, sans soulever de débats, sans même qu'il en soit question dans les journaux, en dehors du Moniteur.

C'est que, dans la réalité des choses, la réforme était déjà faite. « Le décret du 18 septembre, dit un auteur (1), «ne fit que légaliser, régulariser un fait accompli. Ce fut « un acte de décès, plutôt qu'une sentence de mort. On «< assistait à la répétition de ce qui s'était passé pour la Royauté abolie par des hommes qui, la veille encore, « n'étaient pas Républicains. La Convention obéissait, non <«< à la logique d'une doctrine, d'un système, mais à celle

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(1) Champion, op. cit.,
p. 250.

« des événements. Le budget des cultes se trouva sup

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Les débats qui précèdent le vote de la loi du 18 septembre 1793 attestent ce fait curieux : un an avant le décret des sans-culottides, la réforme était déjà réalisée dans les idées, sans l'intervention législative. Dans la discussion, Cambon déclare qu'il ne faut pas parler du traitement des évêques : « parce que cela pourrait les faire

considérer comme fonctionnaires publics ». Il faut dire : «pension à charge de service; » et il propose un maximum de mille écus. Un membre (inconnu) s'écrie : « Quoi! << diront les citoyens, on ne reconnaît plus de culte ! ou, <«< ce qui est la même chose, on les tolère tous, et nos repré«sentants s'occupent des prêtres! Qu'est devenue leur phi

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losophie, que sont devenues leurs promesses? » — Thuriot dit : « La question qui se pose est une pure question « de fait. 6.000 livres suffisent-elles? Accordons-leur un <«<secours, afin qu'ils puissent vivre, mais qu'ils n'en «jouissent pas sans rien faire, et qu'ils en soient déchus <«<lorsqu'ils auront refusé une place à laquelle ils auront « été nommés. »

C'est au mois de juin de la même année que la Convention avait déclaré les traitements des ministres du culte dette de la Nation! Depuis lors, une rapide évolution s'était produite; et Cambon pouvait dire, dans son rapport présenté au nom du Comité des finances le deuxième jour des sans-culottides An II: « Les termes dans lesquels la Loi <«< du 18 septembre 1793 est conçue ne laissent aucun «< doute sur l'opinion où vous étiez en la rendant, de ne plus <<< salarier les membres d'aucun culte. »

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On voit l'esprit dans lequel cette séparation de l'Eglise

et de l'Etat a été faite, ou pour mieux dire, cette suppression du budget des cultes s'est effectuée.

Le décret est conçu dans les termes suivants :

Art I. La République Française ne paie plus les frais ni les salaires d'aucun culte.

Art. II. Les dispositions du décret du 2 Frimaire dernier qui accordent un secours annuel aur ci-devant ministres du Culte qui ont abdiqué ou abdiqueront leurs fonctions, sont communes aux ci-devant ministres qui ont continué leurs fonctions, ou qui les ont abandonnées sans avoir abdiqué leur état.

Le décret des sans-culottides An II avait posé le principe; le décret de Ventôse An III allait en tirer les conséquences. Après avoir séparé les cultes de l'État, il fallait déterminer le régime auquel ils seraient soumis. Régime de liberté ou d'oppression?

A cette question, le discours violemment sectaire de Boissy d'Anglas répond avec éloquence. L'accueil qui fut fait aux paroles de Grégoire, lorsqu'il demanda, après le rapport de M. J. Chénier sur l'organisation des fêtes décadaires, que l'exercice libre de tous les cultes fùt assuré par les autorités, n'est pas moins significatif : « Pendant « les trois quarts d'heure que j'occupai la Tribune, dit-il « dans ses Mémoires, les Montagnards étaient comme des patients sur la roue. Je leur fis éprouver toutes les cris«pations de la rage. » Et il s'écrie: « Le libre exercice de <«< tous les cultes, proclamé par la Convention, n'est pas <«< autre chose qu'une dérision amère. Ne parlez plus de l'Inquisition. Vous en avez perdu le droit. (1) ».

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1) C'est dans la séance du ler nivôse an III, que la discussion eut lieu. Les discours sont rapportés dans le Moniteur.

DONNEDIEU DE VABRES

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