Page images
PDF
EPUB

nomène inexplicable, incompréhensible, mille fois plus incroya«ble que tous les miracles du christianisme (1). »

219. En effet, les premiers disciples de Jésus-Christ, les apôtres, les évangélistes, n'ont pu être trompés ni sur les miracles de leur divin Maître, ni sur les miracles qu'ils ont opérés eux-mêmes à Jérusalem, à Samarie, et chez les nations où ils ont prêché l'Évangile; ce sont des faits sensibles et notoires dont ils ont été les témoins ou les auteurs: comment donc auraient-ils pu tromper les Juifs et les païens sur ces mêmes faits? Comment saint Pierre eûtil pu, à sa première et seconde prédication, persuader à plus de huit mille Juifs d'adorer comme Dieu celui que la synagogue avait fait mourir sur un infâme gibet comme un blasphémateur et un séditieux, s'il leur eût été possible de contredire le témoignage du prince des apôtres sur les miracles rapportés dans les livres saints? Comment les apôtres eussent-ils réuni sous l'étendard de la croix et les Juifs, et les Samaritains, et les Gentils, que la diver sité des préjugés et des intérêts rendait irréconciliables, et qui ne pouvaient avoir de commun qu'une haine implacable ou la plus grande aversion pour la doctrine sainte, mais sévère, de JésusChrist? Pour renoncer au culte et à la loi de Moyse, pour abjurer les erreurs et les superstitions de l'idolâtrie que la plupart des peuples croyaient aussi ancienne que le monde, ne fallait-il pas être entraîné par l'évidence des faits, par l'éclat de ces prodiges au sujet desquels il est impossible à l'homme de se faire illusion? Il n'y a pas de milieu: ou il faut admettre que les auteurs du Nouveau Testament n'ont pu tromper sur les miracles qu'ils rapportent, ou il faut dire que les Juifs et les Gentils se sont convertis à JésusChrist sans miracles, ce qui serait sans contredit un miracle bien plus grand, bien plus surprenant encore que tous les miracles de l'Évangile réunis ensemble.

220. Concluons : les écrivains du Nouveau Testament n'ont pu être trompés sur les faits qu'ils racontent; ce sont des faits sensibles et matériels, dont ils ont été témoins oculaires. Ils n'ont pas voulu tromper; tout ce que nous connaissons de leur vie, de leur caractère, de leur doctrine, ne permet pas de les soupçonner d'une imposture dont ils ne pouvaient se promettre aucun avantage. Ils n'ont pu tromper, quand même ils l'auraient voulu; ils eussent été confondus par les Juifs et les païens: donc ils sont dignes de foi; donc les faits et les miracles rapportés dans les Évangiles, les

(1) Duvoisin, Démonstration évangélique, ch. v.

Actes et les Lettres des apôtres, sont vrais, certains, incontestables. Le célèbre citoyen de Genève en a fait l'aveu : « Les faits de So« crate, dont personne ne doute, sont, dit-il, moins attestés que « ceux de Jésus-Christ... Il serait plus inconcevable que plusieurs hommes d'accord eussent fabriqué l'Évangile, qu'il ne l'est qu'un seul en ait fourni le sujet... L'Évangile a des caractères de vérité « si grands, si frappants, si parfaitement inimitables, que l'inventeur en serait plus étonnant que le héros (1). »

"

[ocr errors]

SIII. Des objections contre l'autorité du Nouveau Testament.

221. Les faits évangéliques, dit-on, ne sont rapportés que par les apôtres ou les disciples immédiats de Jésus-Christ; ni les Juifs, ni les Grecs, ni les Latins, n'en ont parlé dans leurs écrits. Or, convient-il de s'en rapporter au récit de ceux qui sont en même temps témoins et juges dans leur propre cause?

Cette objection ne saurait être sérieuse; elle n'a pu être faite par des hommes de bonne foi. D'abord, que les miracles de Jésus-Christ et des apôtres ne soient racontés que par les auteurs du Nouveau Testament, cela nous importe peu, puisque ces auteurs, quoique disciples de Jésus-Christ, réunissent tous les caractères qu'on exige des écrivains véridiques. Nous l'avons prouvé, lès apôtres n'ont pu être trompés ni sur les miracles de leur maître, ni sur ceux qu'ils ont opérés eux-mêmes; ils n'ont pas voulu tromper leurs lecteurs, et ils n'auraient jamais pu les tromper, quand même ils l'auraient voulu. D'ailleurs, si vous récusez le témoignage des apôtres sous prétexte qu'ils étaient disciples de celui dont ils ont écrit l'histoire, vous récuserez donc le témoignage de Platon et de Xénophon, qui nous ont laissé l'histoire de Socrate, dont ils étaient les disciples; vous rejetterez donc, si vous êtes conséquent, l'histoire d'un prince, d'un législateur, d'un capitaine, uniquement parce qu'elle aura été rédigée par des hommes attachés à leur personne. Mais alors que devient la certitude historique ?

222. Vous dites que les apôtres sont juges dans leur propre cause; c'est une erreur : les apôtres ne se présentent point ici comme juges, mais comme historiens, comme témoins; examinez leur témoignage, et vous jugerez vous-même. Les apôtres ne sont pas nés chrétiens; il leur a fallu, pour le devenir, fouler aux pieds les préjugés de la nation, renoncer à tout, braver la haine des Juifs,

(1) Emile.

affronter la persécution, la mort même, pour suivre et prêcher Jésus-Christ: ils n'ont donc embrassé sa doctrine que parce qu'ils étaient convaincus de la réalité des miracles opérés sous leurs yeux. Ainsi, leur qualité de chrétiens vient augmenter plutôt qu'elle n'affaiblit le poids de leur témoignage. Et cette réflexion s'applique non-seulement aux apôtres, mais aux soixante-douze disciples et aux premiers fidèles, qui étaient au nombre de plus de cinq cents; mais encore aux huit mille Juifs qui se convertirent à la voix de saint Pierre; mais à tous ceux qui, soit à Jérusalem, soit à Samarie, reconnurent Jésus de Nazareth pour le Messie; mais à tous les païens qui ont été baptisés par les apôtres dans les différentes villes où ils ont prêché l'Évangile. Ces Gentils, ces Samaritains, ces Juifs, sont autant de témoins des miracles de Jésus-Christ ou des apôtres; jamais, sans ces miracles, ils n'eussent renoncé à la religion de leurs pères, ne pouvant professer la foi chrétienne sans faire les plus grands sacrifices, sans s'exposer même au supplice de la mort.

223. Après cela, qu'avons-nous besoin du témoignage de ceux des Juifs et des païens qui n'ont pas eu le courage d'embrasser le christianisme? N'est-il pas contre toutes les règles du bon sens et de la critique d'opposer aux témoignages les plus positifs, les plus irréfragables que puisse offrir l'histoire, un silence qu'il est si facile d'expliquer par l'indifférence, les préjugés, la politique, l'orgueil, la haine, ou par d'autres passions, qui ont tant d'empire sur le cœur de l'homme? D'ailleurs, ce silence, du moins pour ce qui regarde les Juifs, est plutôt contre eux que contre les chrétiens; car si les miracles de Jésus-Christ et des apôtres n'étaient que des faits controuvés ou essentiellement dénaturés, pourquoi donc les Juifs n'ont-ils rien écrit pour réfuter l'histoire évangélique? Pourquoi, au lieu de ces accusations vagues de blasphème, d'impiété, de sédition, ne nous ont-ils pas laissé une relation authentique des informations faites concernant ces prodiges? Pourquoi les chrétiens sont-ils les seuls qui nous instruisent de la naissance et des prodiges de la foi en Jésus-Christ? Les Juifs ne devaient-ils pas démentir, à la face de l'univers, les calomnies atroces dont on chargeait la nation en l'accusant de déicide? Pourquoi n'employer que les ressources de l'erreur et de la mauvaise foi, la persécution, les prisons, les supplices, lorsqu'on peut accabler ses adversaires en les convainquant d'imposture? Vous voudriez entendre les Juifs : ils ne disent rien, mais leur silence les trahit et les condamne (1).

(1) Duvoisin, Démonstration évangélique, ch. v.

224. Cependant, nous ajouterons qu'il est faux que les Juifs n'aient point reconnu les miracles de Jésus-Christ. Ils reprochaient à Notre-Seigneur de guérir les malades le jour du sabbat, prétendant que cela était contraire à la loi, et attribuaient au prince des démons les merveilles dont ils étaient témoins, ainsi qu'on le voit dans l'Évangile. Ils avouent les faits, tout en cherchant à les expliquer à leur manière, afin d'en éluder les conséquences. Nous trouvons le même aveu dans plusieurs endroits du Talmud: tantôt on y accuse Jésus-Christ d'avoir opéré ses miracles par les secrets de la magie, qu'il avait apprise en Égypte; tantôt on les attribue à la prononciation du nom de Jéhovah, et on raconte par quel artifice il était venu à bout d'apprendre ce nom ineffable. Les plus célèbres d'entre les rabbins n'ont jamais nié les miracles de l'Évangile; ils ont prétendu seulement que l'on n'en pouvait rien conclure en faveur d'une mission divine, et que le pouvoir de faire des miracles n'était point un des caractères du Messie marqué par les prophètes (1). Quant à ceux des païens qui ont montré le plus d'acharnement contre le christianisme, tels que Celse, Julien, Porphyre, Hiéroclès, ils n'ont point contesté non plus les miracles de Jésus-Christ; ils avaient recours à la magie pour les expliquer, comme si on avait jamais vu des magiciens ressusciter des morts; ou ils en parlaient avec mépris, sans prendre la peine d'en examiner les caractères (2). Mais n'eût-il pas été plus simple pour eux d'arrêter les progrès de l'Évangile en prouvant que ces miracles étaient faux, que ce n'étaient que des fables inventées à plaisir par les auteurs du Nouveau Testament, et que tous ceux qui avaient embrassé le christianisme étaient des insensés? Nous verrons, dans

(1) Si nous n'avions craint de nous écarter de notre plan, nous prouverions l'authenticité du passage suivant, qui est de Flavius Josèphe, prêtre juif : « Ea « même temps parut Jésus, homme sage, si toutefois on peut l'appeler homme; « car il fit une infinité de prodiges, et il enseigna la vérité à tous ceux qui vou« lurent l'entendre. Il y eut plusieurs disciples qui embrassèrent sa doctrine, « tant parmi les Gentils que parmi les Juifs. Il était le Christ; et Pilate l'ayant « fait crucifier, sur les accusations de sa nation, cela n'empêcha pas ceux qui « lui avaient été attachés dès le commencement de lui demeurer fidèles. Il leur « apparut vivant trois jours après sa mort, les prophètes ayant prédit sa résur<rection et plusieurs autres choses qui le regardaient. Et jusqu'aujourd'hui la «secte des chrétiens subsiste, et porte son nom. » Antiquités judaïques, liv. xvi, ch. IV. Voyez la dissertation de Charles Daubuz pro Testimonio Flavii Josephi de Jesu Christo, à la suite des œuvres de Josèphe, édit. d'Amsterdam, 1726. - (2) Voyez l'Histoire de l'établissement du christianisme, tirée des auteurs juifs et païens, par l'abbé Bullet, etc.

le Traité de la Religion, que les miracles contenus dans les livres saints sont de vrais miracles, et qu'ils n'ont pu être opérés que par l'intervention de Dieu.

225. Il y a d'autres objections: les incrédules prétendent que saint Luc est en contradiction avec saint Matthieu, au sujet de la généalogie de Jésus-Christ; mais on n'y voit réellement qu'une preuve bien frappante de la confiance avec laquelle saint Luc écrivait son Évangile. On ne peut douter qu'il n'ait eu connaissance de l'Évangile de saint Matthieu ; il le fait entendre dans sa préface, et l'on remarque d'ailleurs qu'il s'attache à suppléer les omissions de ce premier évangéliste. Pourquoi donc n'a-t-il pas adopté sa généalogie? Pourquoi en propose-t-il une autre contraire en apparence, sans indiquer le moyen de les concilier? C'est parce que les deux généalogies sont différentes sans être contradictoires, l'une donnant les ancêtres de Joseph, l'autre ceux de Marie; et que, dans le temps où écrivait saint Luc, la chose était connue des Juifs. On peut voir, dans les commentateurs, la manière de les concilier; et s'il y restait encore quelque difficulté, il faudrait l'attribuer à l'ignorance où nous sommes de quelque circonstance propre à l'éclaircir, plutôt que de supposer dans les auteurs sacrés une contradiction si grossière, si capable de décrier leur histoire dès le début, et qu'il leur était si facile d'éviter.

226. On prétend aussi trouver des contradictions entre les évangélistes sur quelques circonstances de la résurrection de Jésus-Christ: ces prétentions n'ont pas d'autre fondement que l'ignorance des livres saints. Rien n'est plus facile que de concilier les auteurs sacrés, quand on prend la peine de les étudier. Mais, sans entrer dans les détails de la critique, on peut trancher la difficulté d'un seul mot si les contradictions qu'on objecte étaient réelles, elles n'auraient échappé ni aux apôtres, qui auraient su les faire disparaître, tant pour ne pas scandaliser les fidèles que pour ne point donner prise à leurs ennemis; ni aux premiers chrétiens, qui n'auraient certainement pas reçu les quatre Évangiles avec un égal respect, s'ils n'avaient pu les concilier entre eux sur les faits qui servent de base à la révélation chrétienne (1).

227. Nous ne nous arrêterons pas à réfuter le système des rationalistes, qui, n'admettant pas la possibilité des miracles, ne voient que des mythes dans les prodiges attribués à Jésus-Christ

(1) Voyez les Réponses critiques de l'abbé Bullet; la Sainte Bible vengée, par l'abbé Du Clot; la Bible de Vence ou d'Avignon, etc., etc.

« PreviousContinue »