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« au talon (1). » Ici, « sous la figure du serpent, dont le rampement

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était une vive image des dangereuses insinuations et des détours « fallacieux de l'esprit malin, Dieu fait voir à Ève notre mère son ⚫ ennemi vaincu, et lui montre cette semence bénite par laquelle son «< vainqueur devait avoir la tête écrasée, c'est-à dire, devait avoir « son orgueil dompté, et son empire abattu par toute la terre (2). › La promesse d'un libérateur intéressait tout le genre humain; aussi la tradition l'a-t-elle fait parvenir à la connaissance de tous les peuples; dans tous les temps, les Gentils comme les Juifs ont attendu un médiateur, avec la différence que ceux-ci en avaient une idée plus distincte que les premiers.

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585. Malgré l'ignorance et la dépravation introduites par l'idolatrie, dit l'abbé Mignot, la tradition de cette promesse s'est << encore assez conservée pour que l'on en aperçoive des traces ⚫ chez les anciens. L'opinion qui a régné parmi tous les peuples, <«<et a eu cours chez eux dès le commencement, de la nécessité « d'un médiateur, me parait en être la suite... Mais la révélation s'étant obscurcie chez eux, et les hommes ayant perdu de vue le seul médiateur qui leur avait été promis, ils lui ont substitué des « médiateurs de leur propre choix; de là est venu le culte des planètes et des étoiles, qu'ils ont regardées comme les tabernacles « et la demeure des intelligences qui en réglaient les mouve«ments. Prenant ces intelligences pour des êtres mitoyens en«tre Dieu et eux, ils se sont adressés à elles pour entretenir le «< commerce toujours nécessaire entre Dieu et sa créature; ils leur << ont offert leurs vœux et leurs prières, dans l'espérance- que, « par leur canal, ils obtiendraient de Dieu les biens qu'ils lui de« mandaient. Telles ont été les idées généralement reçues parmi << les peuples de tout pays et de tout temps. Mais ceux qui « étaient plus instruits des premières traditions du genre hu« main ont parfaitement senti l'insuffisance de tels médiateurs ; << ils ont non-seulement désiré d'être instruits de Dieu, ils ont « même espéré que l'Etre suprême viendrait un jour à leur se « cours, qu'il leur enverrait un docteur qui dissiperait les ténè« bres de leur ignorance, qui les éclairerait sur la nature du culte qu'il exige, et qu'il leur fournirait les moyens de réparer la nature corrompue (3). »

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(1) Et ait Dominus Deus ad serpentem: Inimicitias ponam inter te et mulie. rem, et semen tuum et semen illins; ipsa conteret caput tuum, et tu insidiaberis calcaneo ejus. Genes., c. 111, v. 14 et 15.—(2) Bossuet, Discours sur l'hist univ., part n. (3) Mémoires de l'Académie des inscriptions, tom. LXV.

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586. Suivant Prideaux, « la nécessité d'un médiateur entre Dieu et les hommes était, depuis le commencement, une opinion régnante parmi tous les peuples (1). » C'est aussi l'observation de Faber : « Nous trouvons, dit-il, qu'une vive attente d'un puis«sant libérateur et réparateur, vainqueur du serpent et fils du « Dieu suprême, attente dérivée en partie de la prophétie de Ba<< laam et en partie de la tradition plus ancienne d'Abraham et de « Noé, ne cessa jamais de prévaloir d'une manière plus ou moins précise et distincte dans toute l'étendue du monde païen, jus qu'à ce que les mages, guidés par un météore surnaturel, a vinrent d'Orient chercher l'étoile destinée à relever Israël et à « renverser l'idolâtrie (2). >> Maurice, autre auteur anglais, a prouvé que « des traditions immémoriales, dérivées des pa«<triarches et répandues dans tout l'Orient, touchant la chute « de l'homme et la promesse d'un futur médiateur, avaient appris « à tout le monde païen à attendre l'apparition d'un personnage « illustre et sacré, vers le temps de la venue de Jésus-Christ (3). »

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587. Les incrédules ont été forcés d'en convenir. Boulanger montre que l'attente de ce personnage extraordinaire était parta gée, non-seulement par les Hébreux, mais encore par les Grecs, les Egyptiens, les Chinois, les Japonais, les Siamois, les Américains, les Mexicains; et conclut qu'il n'y a eu aucun peuple qui n'ait eu son expectative de cette espèce (4). Voltaire atteste la même chose; voici ses paroles : « C'était, de temps immémorial, une maxime chez «<les Indiens et chez les Chinois, que le Sage viendrait de l'Oc«cident. L'Europe, au contraire, disait qu'il viendrait de l'Orient. . Toutes les nations ont toujours eu besoin d'un Sage (5). » Il faut remarquer que la Judée, d'où devait sortir le Sauveur du monde, est précisément à l'occident des Indiens et des Chinois et à l'orient de l'Europe. Le témoignage de Volney n'est pas moins exprès « Les traditions sacrées et mythologiques des temps an« térieurs (à l'ère chrétienne) avaient répandu dans toute l'Asie la croyance d'un grand médiateur qui devait venir, d'un juge a final, d'un sauveur futur, roi, dieu, conquérant et légis ⚫lateur, qui ramènerait l'àge d'or sur la terre, et délivrerait les « hommes du mal (6). »

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588. En effet, les Egyptiens enseignaient que le Dieu suprême

(1) Histoire des Juifs, liv. II. — (2) Hora Mosaicæ. (3) Histoire de l'Indoustan, tom. 11. — (4) Recherches sur l'origine du despotisme oriental, sect. x. -(5) Addition à l'histoire générale. (6) Les Ruines, pag. 226.

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avait établi un autre Dieu comme chef de tous les esprits célestes; que ce second Dieu, qu'ils appelaient conducteur, est une sagesse qui transforme et convertit en elle toutes les intelligences (1). « Il « est manifeste, dit Ramsay, que les Egyptiens admettaient un seul principe et un Dieu mitoyen, semblable au Mithra des Perses. L'idée d'un esprit préposé par la Divinité suprême pour être le chef et le conducteur de tous les esprits est très-ancienne (2). » Au rapport de Plutarque (3), le Mithra des Perses était le médiateur entre le bon principe auteur du bien, et le mauvais principe auteur du mal. Parmi les differents Hermès révérés en Égypte, il y en avait un que les Chaldéens appelaient le Sauveur des hommes (4). Les Sabéens, divisés en plusieurs sectes, reconnaissaient tous la nécessité de quelque médiateur entre l'homme et la Divinité (5). C'était aussi la croyance des Arabes : fondés sur une tradition antique, ils attendaient un libérateur qui devait venir pour sauver les peuples (6). Une ancienne croyance de la Chine était qu'au culte des idoles, qui avait corrompu la religion primitive, succéderait la dernfere religion, celle qui devait durer jusqu'à la destruction du monde (7). Il est parlé dans l'Edda, qui est la théologie des anciens peuples du Nord, d'un premier-né du Dieu suprême, comme d'une divinité moyenne, d'un médiateur entre Dieu et l'homme, qui devait combattre avec la mort, et écraser la tête du grand serpent (8). 589. Les Grecs et les Romains étaient dans la même attente. Dans le Second Alcibiade de Platon, Socrate, après avoir montré que Dieu n'a point d'égard à la multiplicité et à la magnificence des sacrifices, mais qu'il regarde uniquement la disposition du cœur de celui qui les offre, n'ose pas entreprendre d'expliquer quelles sont ces dispositions, et ce qu'il faut demander à Dieu. « Il serait à craindre, dit-il, qu'on se trompåt en demandant à Dieu de véri<< tables maux qu'on prendrait pour des biens. Il faut donc attendre, - jusqu'à ce que quelqu'un nous enseigne quels doivent être nog sentiments envers Dieu et envers les hommes. Alcibiade. Quel

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« sera ce maitre, et quand viendra-t-il ? Je verrai avec une grande joie cet homme, quel qu'il soit. Socrate. C'est celui à qui dès « à présent vous êtes cher; mais pour le connaitre il faut que les «< ténèbres qui offusquent votre esprit, et qui vous empêchent de dis

(1) Jamblique, De mysteriis Ægyptiorum. — (2) Discours sur la mythologie. - (3) Liv. sur Isis et Osiride. (4) Herbelot, Bibliothèque orientale, art. Hermès. (5) Brucker, Historia critica philosophiæ. - (6) Boulainvilliers, Vie de Mahomet, liv. 11. (7) De Guignes, Mémoires de l'Académie des inscriptions, tom. LXV. (8) Fabul. x1, xxv et xxvu.

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- cerner clairement le bien du mal, soient dissipées, de même que

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Minerve, dans Homère, ouvre les yeux de Diomède pour lui faire distinguer le dieu caché sous la figure d'un homme. Alcibiade.

Qu'il dissipe donc cette nuée épaisse; car je suis prêt à faire tout « ce qu'il m'ordonnera pour devenir meilleur. - - Socrate. Je vous « le dis encore, celui dont nous parlons désire infiniment votre ⚫ bien. Alcibiade. Alors il me semble que je ferai mieux de remettre mon sacrifice jusqu'au temps de sa venue. Socrate. Certainement cela est plus sûr que de vous exposer à déplaire à a Dieu. Alcibiade. Eh bien! nous offrirons des couronnes et les « dons que la loi prescrit, lorsque je verrai ce jour désiré; et j'es• père de la bonté des dieux qu'il ne tardera pas à venir. » On voit, par ce dialogue, que l'attente d'un docteur universel du genre humain était, au temps de Platon, un dogme reçu, qui ne souffrait point de contradiction (1).

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590. Virgile, rappelant les anciens oracles, célèbre le retour de la Vierge, la naissance du grand ordre que doit établir le fils de Dieu descendu du ciel. « La grande époque s'avance; tous les vestiges du crime étant effacés, la terre sera pour jamais délivrée de la crainte. L'enfant divin qui doit régner sur le monde paci« fié recevra pour premiers présents les simples fruits de la terre, « et le serpent expirera près de son berceau (2). » Quelque temps après, Suétone (3) et Tacite (4) nous montrent « tous les peuples de l'Orient les yeux fixés sur la Judée, d'où, disaient-ils, une anti« que et constante tradition annonçait que devait sortir en ce temps-là le dominateur du monde. »

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Une tradition aussi répandue tant en Occident qu'en Orient, et dont on ne peut d'ailleurs assigner l'origine, remonte nécessairement au temps où les hommes ne formaient qu'un peuple, une seule famille; l'attente du genre humain relativement à un libérateur est donc fondée sur la promesse que Dieu en a faite à nos premiers parents.

(1) Voyez l'abbé Faucher, Mémoires de l'Académie des inscriptions, tom. LXXI. (2) Eglog. IV. - · (3) In Vespasianum

- (4) Hist., lib. v, no xi.

CHAPITRE VII.

De la croyance générale sur l'existence d'une autre vie.

591. La croyance de l'immortalité de l'âme remonte jusqu'au` premier âge du monde; elle est aussi ancienne que la religion. Partout où l'on découvre un culte religieux, on trouve en mème temps le dogme de l'existence d'un Dieu vengeur du crime et rémunérateur de la vertu, avec l'existence d'une autre vie pour l'homme et l'immortalité de l'àme. Bolingbroke, autcur non sus pect, avoue que « la doctrine de l'immortalité de l'ame et d'un « état futur de récompenses et de châtiments paraît se perdre dans « les ténèbres de l'antiquité : elle précède, dit-il, tout ce que nous « savons de certain. Dès que nous commençons à débrouiller le «< chaos de l'histoire ancienne, nous trouvons cette croyance, de « la manière la plus solide, dans l'esprit des premieres nations que «< nous connaissions (1).

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En effet, l'immortalité de l'àme a toujours été un dogme fondamental de la religion chez les chrétiens, les Hébreux et les patriarches. On trouve la même croyance chez les autres peuples, même chez les peuples les plus barbares. Les Scythes, les Indies, les Gaulois, les Germains et les Bretons, aussi bien que les Grecs et les Romains, croyaient que les hommes passent de cette vie à une autre, et que les ames sont immortelles (2). Timée le pythagoricien félicite Homère d'avoir consacré dans ses poëmes le souvenir de cette croyance antique des nations (3).

592. Socrate, dans Platon, s'attache à prouver l'immortalité de l'âme par des raisonnements philosophiques; mais il ne prétend pas être l'inventeur de cette doctrine; il en parle comme d'une tradition ancienne et respectable; il dit dans le Phédon : « J'espère « qu'il y aura encore quelque chose après la mort, et que, comme << on le dit depuis longtemps, la vie future sera meilleure pour les hommes vertueux que pour les méchants (4). » Platon pensait comme son maitre : « On doit croire aux opinions anciennes et

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Voyez Leland, Nouv.démonstration — (2) Ibidem. — (3) Traité de l'âme du monde. –

(1) OEuvres de Bolingbroke, tom. v. évangélique, part. ш, c. I. (4) Phédon de Platon.

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