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CHAPITRE II.

La loi de Moyse était principalement pour les Israélites.

653. La loi mosaïque ne s'adressait qu'au peuple d'Israël. Avant de publier sa loi, le Seigneur appela Moyse, et lui dit : « Voici ce « que tu diras à la maison de Jacob, ce que tu annonceras aux en«fants d'Israël : Vous avez vu vous-mêmes ce que j'ai fait aux Égyptiens, et de quelle manière je vous ai portés, comme l'aigle « porte ses aiglons sur ses ailes; et je vous ai pris pour être à moi. « Si donc vous écoutez ma voix, et si vous gardez l'alliance que je « fais avec vous, vous serez le seul de tous les peuples que je posséderai comme mon bien propre: cependant tout la terre est à << moi. Vous serez pour moi un royaume sacerdotal et une nation << sainte. Voilà ce que tu diras aux enfants d'Israël (1). » Moyse rappelant au peuple les préceptes de la loi, lui dit : « Écoutez, enfants « d'Israël, les cérémonies et les ordonnances que je vous propose aujourd'hui : apprenez-les et observez-les. Le Seigneur notre • Dieu a fait alliance avec nous sur le mont Horeb. Il n'a point « fait cette alliance avec nos pères, mais avec nous, qui sommes « et qui vivons aujourd'hui (2). Observez donc et faites ce que le Seigneur notre Dieu nous a commandé. Vous ne vous détourne<«< rez ni à droite, ni à gauche; mais vous marcherez par la voie que « le Seigneur votre Dieu vous a prescrite, afin que vous soyez heu« reux, et que vos jours se multiplient dans le pays que vous allez posséder (3).

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654. Tout, dans la loi de Moyse, nous montre qu'elle n'était que pour les Juifs on ne trouve rien, ni dans les écrits de ce législateur, ni dans les autres livres de l'Ancien Testament, qui suppose qu'elle ait été obligatoire pour les étrangers. Ceux-ci pouvaient, il est vrai, observer, autant que possible, la loi mosaïque, mais ils n'y étaient point tenus; Dieu ne l'exigeait point. Ils avaient, pou se conduire, les lumières naturelles, conjointement avec les notions plus ou moins obscurcies de la révélation primitive. « Les Gentils,

(1) Eritis mihi in peculium de cunctis populis.... Et vos eritis mihi in regnum sacerdotale, et gens sancta. Hæc sunt verba quæ loqueris ad filios Israël. Exod. c. xix, v 3, elc - (2) Deutéron., c. v, v. 1. (3) Ibidem, v. 32 et 33.

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qui n'ont pas la loi (écrite), dit l'Apôtre, font naturellement les choses que la loi commande; n'ayant pas la loi, ils se tiennent à eux-mêmes lieu de loi. Ils font voir que ce qui est écrit par la loi « est écrit dans leur cœur, leur conscience leur rendant témoignage << par la diversité des réflexions et des pensées, qui les accusent ou qui les défendent (1). » Aussi, avec le secours intérieur de la grâce qui n'a jamais manqué à personne, pouvaient-ils, quoique plus difficilement que les Juifs, connaître et adorer le vrai Dieu, éviter les désordres du paganisme, et faire leur salut (2). « Dieu, dit saint << Paul, en laissant, dans les siècles passés, toutes les nations mar«cher dans leurs voies, n'a point cessé de rendre témoignage de ce

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qu'il est, en faisant du bien aux hommes, en dispensant les pluies « du ciel et les saisons favorables pour les biens de la terre, en nous « donnant la nourriture avec abondance, et remplissant nos cœurs « de joie (3). » La Providence s'étend à tous les hommes et à tous les peuples; elle pourvoit, quant au nécessaire, à nos besoins pour le spirituel comme pour le temporel; mais elle n'est point obligée d'accorder les mêmes secours, les mèmes faveurs à tous. Aussi, dans l'ordre naturel, nous voyons les bienfaits inégalement répartis entre les différents peuples, et entre les individus d'une même nation.

655. Nous avons dit que la loi de Moyse était principalement pour les Israelites; car elle n'a pas été inutile pour les autres peuples. La constitution mosaïque, en renouvelant la révélation primitive qui s'obscurcissait partout, était, suivant le langage des Pères, une vraie préparation évangélique, un nouveau développement de l'économie chrétienne, qui, ayant commencé dans le premier Adam, devait se completer dans le second, c'est-à-dire, en Jésus-Christ, l'attente, le désiré des nations, dont la doctrine et les lois sont pour tous les peuples de la terre. Si Dieu n'eût pas arraché les Israélites à la séduction de l'idolatrie, à laquelle ils n'étaient pas moins enclins que les autres peuples; s'il ne les eût pas attachés à son culte par des lois fixes, locales et particulières, l

(1) Cum enim gentes quæ legem non habent, naturaliter ea quæ legis su faciunt, ejusmodi legem non habentes, ipsi sibi sunt lex. Qui ostendunt opt. legis scriptum in cordibus suis, testimonium reddente illis conscientia ipsorum. et inter se invicem cogitationibus accusantibus, aut etiam defendentibus. Rom., c. II, v. 14, etc.—(2) Voyez, ci-dessus, le no 561, etc.—(3) Qui in præteritis generationibus dimisit omnes gentes ingredi vias suas. Et quidem non sine testimonio semetipsum reliquit, benefaciens de cœlo, dans pluvias et tempora fructi fera, implens cibo et lætitia corda nostra. Act., c. XIV, v 15 et 16.

vraie religion n'aurait conservé toute sa pureté nulle part, et le christianisme serait privé d'un titre qui justifie pleinement sa perpétuité depuis l'origine du monde jusqu'à nos jours. Il est donc vrai de dire que c'est autant dans l'intérêt du genre humain que dans celui des enfants d'Israëi que Dieu s'est choisi un peuple à part, en le rendant dépositaire de ses volontés et de ses promesses.

656. D'ailleurs, si nous remontons plus haut, nous voyons que plusieurs peuples ont dû profiter de la révélation mosaïque. Sans parler des philosophes de la Grèce, qui paraissent avoir connu les livres de Moyse et des prophètes, il est impossible que les Égyptiens n'aient pas conservé le souvenir des prodiges opérés au milieu d'eux, au nom de Jehovah, par le ministère de Moyse. « Je serai « glorifié, disait l'Éternel, dans Pharaon et dans toute son armée, et les Égyptiens sauront que je suis le Seigneur (1). » En effet, un grand nombre d'entre eux suivirent les Hébreux, vulgus innumerabile, porte le texte sacré. Après le passage de la mer Rouge, les Israélites répétaient : « Les peuples sont dans l'épouvante : ceux « qui habitent la Palestine sont saisis d'effroi; les princes d'Edom " sont dans le trouble, et les forts de Moab dans le tremblement, << tous les habitants de Chanaan sont sans vigueur (2).

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657. On ne peut supposer non plus que les Phéniciens, les Chaldéens, les Assyriens, tous assez voisins de la Judée, aient entièrement ignoré les lois de Moyse, et que plusieurs, frappés de la sainteté du culte israélite, n'aient pas imité l'exemple du roi Hiram, de la reine de Saba, de Naaman, d'Achior, qui ont reconnu le Dieu des Juifs comme étant le seul vrai Dieu, dont la connaissance d'ailleurs a dù se répandre dans l'Assyrie et dans la Chaldée, par la dispersion des différentes tribus des royaumes d'Israël et de Juda dans ces deux vastes empires. Nabuchodonosor, Darius, Cyrus, Assuérus, Alexandre le Grand, rendirent hommage au Tout-Puissant; et si on trouve chez les anciens peuples de l'Orient des notions de la Divinité plus pures que chez les Occidentaux, on doit sans doute attribuer cette différence au commerce que les premiers ont eu avec les Juifs. « Tandis que le genre humain était plongé dans l'idolatrie, la doctrine de Moyse était comme une lampe qui « luit dans un lieu obscur, jusqu'au lever de l'étoile du matin (3) :

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(1) Glorificabor in Pharaone, et in omni exercitu ejus, et in curribus atque in equitibus ejus. Exod., c. 14, v. 17. —(2) Ascenderunt populi, et irati sunt; dolores obtinuerunt habitatores Philistiim. Tunc conturbati sunt principes Edom, robustos Moab obtinuit tremor : obriguerunt omnes habitatores Chanaan, Ibidem, c. xп, v. 38. — (3) 1o épître de saint Pierre, c. 1, v. 19.

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et c'est à cette lampe que s'est allumé le flambeau qui nous · éclaire (1). »

CHAPITRE III.

De la sanction de la loi de Moyse.

658. On doit considérer la loi de Moyse sous deux rapports : c'était une constitution tout à la fois religieuse et politique. Sous le premier rapport, c'était la religion que les Hébreux avaient reçue des patriarches; nous y retrouvons les vérités et les promesses de la révélation primitive. Sous le second rapport, c'était une constitution civile et nationale propre au peuple d'Israël, que Dieu a voulu conduire comme par la main, par une providence spéciale, extraordinaire et surnaturelle; il en était lui-même le roi, le chef immédiat; c'était un gouvernement vraiment théocratique. La loi de Moyse devait donc avoir une double sanction: la sanction des peines et des récompenses spirituelles, et la sanction des peines et des récompenses temporelles. La première, se rapportant principalement à une autre vie, était pour les particuliers, les individus, les personnes; la seconde, qui se termine en cette vie, était pour la nation. Il y a un paradis et un enfer pour les rois et les sujets ; il n'y en a point pour les nations considérées comme telles; elles ne peuvent être punies ou récompensées qu'ici-bas.

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ARTICLE I.

De la sanction temporelle de la loi de Moyse, pour les Juifs en corps de nation.

659. Voici ce que dit Moyse au peuple d'Israël : « Si tu écoutes « la voix du Seigneur ton Dieu en gardant et en observant toutes les ordonnances que je te prescris aujourd'hui, le Seigneur ton Dieu t'élèvera au-dessus de toutes les nations qui sont sur la terre. Toutes ses bénédictions se répandront sur toi, et tu en seras comblé, pourvu néanmoins que tu obéisses à ses préceptes. Tu seras béni dans la ville, tu seras béni dans les champs; le fruit de tes entrailles, le fruit de la terre et le fruit de tes bestiaux sera béni;

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(1) Duvoisin, l'Autorité des livres de Moyse, part. m, c. 2.

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⚫tes troupeaux de bœufs et tes troupeaux de brebis seront bénis... . Le Seigneur fera tomber sous tes yeux les ennemis qui s'élèveront « contre toi; ils viendront t'attaquer par un chemin, et ils s'en-> fuiront par sept devant toi (1). »

« Mais si tu ne veux point écouter la voix du Seigneur ton Dieu, « et que tu ne gardes pas toutes les ordonnances et les cérémonies « que je te prescris aujourd'hui, toutes ces malédictions fondront • sur toi et t'accableront. Tu seras maudit dans la ville; tu seras « maudit dans les champs.... Le fruit de tes entrailles, le fruit de « la terre, le fruit de tes bestiaux sera maudit.... Le Seigneur te fera tomber devant tes ennemis; tu marcheras contre eux par un chemin, et tu fuiras par sept; et tu seras dispersé dans tous les « royaumes de la terre (2).

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660. Ces promesses et ces menaces souvent répétées dans le Pentateuque prouvent évidemment que la sanction de la loi de Moyse, considérée comme loi nationale, était renfermée dans les biens et les maux purement temporels; ce que l'on voit d'ailleurs dans l'histoire des Juifs. Les malheurs qu'éprouve cette nation sont toujours la suite et la peine de ses infidélités. Mais parce que cette sanction tombait sur le corps de la nation plutôt que sur les particuliers, il arrivait sans doute que, lorsque le peuple était dans la prospérité, certains prévaricateurs partageaient les fruits de la paix et de l'abondance publique, et que, lorsque les crimes du plus grand nombre provoquaient la vengeance divine, les justes étant confondus avec les coupables, souffraient comme eux les horreurs de la guerre et de la famine. Les calamités publiques étaient des châtiments pour les prévaricateurs et des épreuves pour les justes, qui attendaient, pour récompense de leurs vertus, la vie que Dieu réserve à ses élus. « Nous sommes les enfants des saints, disait To<< bie captif à Ninive, et nous attendons cette vie que Dieu doit don <«< ner à ceux qui lui seront demeurés fidèles. » Filii sanctorum sumus, et vitam illam expectamus quam Deus daturus est his qui fidem suam nunquam mutant ab eo (3).

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(1), Deutéron., c. xxvi, v. 1, etc. Voyez, ci-dessus, le n° 627. (2) Ibi dem, v. 19, etc. -Voyez, ci-dessus, le n° 628.-Voyez, sur cette question, Ber gier, Traité de la vraie religion, tom vi, ch. v, art. 1, § xix; Duvoisin, l'Au torité des livres de Moyse, part. ш, ch. vii, etc.

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(3) Tob., c. 11, v. 18.

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