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liques, continue-t-il, prouve également en faveur de ces Évangiles, puisque c'est par elles et suivant leur témoignage que nous « les avons; je parle des Évangiles de Jean, de Matthieu et de Marc. Pourquoi donc Marcion refuse-t-il de les reconnaître, " pour ne s'attacher qu'à celui de Luc? comme si ces Églises ne les avaient pas toujours eus dès leur origine, aussi bien que celui de Luc (1). Telles sont en abrégé, conclut-il, les preuves par lesquelles nous défendons l'autorité de l'Évangile contre les hérétiques. Nous leur opposons l'ordre des temps pour démontrer que « leurs exemplaires sont falsifiés, et par conséquent postérieurs « aux véritables, et le témoignage des Églises où la tradition s'est conservée; car on ne peut apprendre la vérité que de ceux qui « l'ont enseignée (2). » Tertullien eût-il pu tenir un semblable langage aux novateurs, s'il eût innové lui-même, ou s'il n'eût eu à présenter comme apostoliques que des Évangiles d'une origine récente, inconnus à la plupart des Eglises? Il faut donc reconnaitre qu'antérieurement au troisième siècle les quatre Évangiles passaient, dans le monde chrétien, pour être de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean. Le docteur Strauss en convient il avoue que les Évangiles avaient leur forme actuelle vers la fin du second siècle.

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98. Du temps de Tertullien, l'Église n'avait pas seulement les quatre Évangiles; elle avait en outre, parmi les livres du Nouveau Testament, les Epitres des apôtres, dont on conservait encore alors les originaux. C'est toujours le même docteur qui parle : - Eh bien, « vous qui désirez vous instruire de ce qui intéresse votre salut, << parcourez les Églises apostoliques, ces Églises où président encore « les chaires des apôtres, où l'on croit les voir eux-mêmes et en« tendre le son de leur voix en lisant leurs lettres authentiques, « authenticæ litteræ. Êtes-vous proche de l'Achaïe ou de la Ma• cédoine? vous avez Corinthe, Philippes, Thessalonique. Pou

(1) Eadem auctoritas Ecclesiarum apostolicarum cæteris quoque patrocinabitur Evangeliis, quæ proinde per illas et secundum illas habemus; Joannis dico et Matthæi, licet et Marcus quod edidit, Petri adfirmetur, cujus interpres Marcus... Itaque et de his Marcion flagitandus, quid, amissis eis, Lucæ potius institerit; quasi non et hæc apud Ecclesias a primordio fuerint, quemadmodum et Lucæ. Ibidem. — (2) His ferme compendiis utimur, cum de Evangelii fide adversus hæreticos experimur, defendentibus et temporum ordinem posteritati falsariorum præscribentem, et auctoritatem Ecclesiarum traditioni apostolorum patrocinantem; quia veritas falsum præcedat necesse est; et ab eis procedat, a quibus tradita est. Ibidem.

⚫vez-vous passer en Asie? vous avez Éphèse. Êtes-vous moius ◄ éloigné de l'Italie? vous avez Rome, qui peut aussi vous fournir ⚫ des preuves incontestables (1).

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99. Nous lisons dans les Actes des martyrs scillitains, qui ont souffert la mort l'an 200 de Jésus-Christ, que le proconsul Saturnin leur ayant fait cette demande, Quels sont les livres que l'on dit que vous adorez? Spérat répondit: Ce sont les quatre Évangiles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les Épîtres de l'apôtre saint Paul, et toute l'Écriture qui a été inspirée de Dieu (2). Ces livres étaient donc connus des chrétiens de l'Afrique sur la fin du second siècle. Et comment étaient-ils connus dans cette partie du monde, sinon parce qu'ils étaient reçus par toute la chrétienté? En effet, saint Irénée, évêque de Lyon en 177, enseigne, dans son ouvrage contre les hérésies, qu'il y a quatre Évangiles, et que ces Évangiles ont été écrits par saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean (3). Et pourquoi tient-il à ces quatre Évangiles? D'où savait-il qu'ils étaient authentiques? Il nous l'apprend lui-même, lorsqu'il dit qu'il a conversé avec saint Polycarpe; que cet évêque avait été instruit par les apôtres, et qu'il avait appris des apôtres ce qu'il a enseigné à son Église. Aussi rejette-t-il l'Évangile qu'avaient composé les Valentiniens, parce qu'il n'était point conforme aux Évangiles qu'ont transmis les apótres. De plus, il cite le livre des Actes, les lettres de saint Paul, même celle qui est adressée aux Hébreux, ainsi que la lettre de saint Jacques, celle de saint Jude, la seconde de saint Pierre, la seconde de saint Jean, qu'il attribue à cet apôtre, aussi bien que l'Apocalypse (4).

100. Saint Justin, philosophe chrétien, dans sa première apologie qui est de l'an 141, rapporte que, dans les assemblées des chrétiens, on lisait publiquement les Commentaires des Apôtres appelés Évangiles, quæ vocantur Evangelia (5). Aussi, les Évangiles de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean, sont cités en une infinité d'endroits des œuvres de saint

(1) Age, jam qui voles curiositatem melius exercere in negotio salutis tuæ, percurre Ecclesias apostolicas, apud quas ipsæ adhuc cathedræ apostolorum suis locis præsident; apud quas ipsæ authenticæ litteræ eorum recitantur, sonantes vocem et repræsentantes faciem uniuscujusque. Proxima est tibi Achaïa? habes Corínthum. Si non longe es a Macedonia, habes Philippos, habes Thessalonicenses. Si potes in Asiam tendere, habes Ephesum. Si autem Italiæ adjaces, habes Romam, unde nobis quoque auctoritas præsto est. De præscriptionibus, cap. xxxiv, — · (2) Acta Martyrum, par D. Ruinart, édit. de 1713, in-fol. - (3) Liv. In contre les hérésies, ch. 1. (4) Ibidem, ch. xx1; liv. IV, oh. xx, etc. ~ (5) Apologie 1.

Justin. Remarquez que l'usage de lire solennellement les livres des Apôtres dans les assemblées des fidèles, en 141, prouve, non seulement que ces livres existaient alors, mais encore qu'ils étaient reconnus pour authentiques avant le milieu du second siècle. Car s'ils n'eussent été composés que du temps de saint Justin ou peu de temps avant lui, ils n'auraient pas été aussi répandus dans l'Église; ils n'auraient pu, dans l'intervalle de quarante à soixante ans, s'accréditer au point que la lecture en devint comme une partie du culte divin. Saint Théophile, évêque d'Antioche en 168, nous parle aussi, dans ses livres à Autolyque, des Évangiles, dont les auteurs, dit-il, sont inspirés de Dieu (1). Et ces Évangiles, quels sont-ils ? ce sont ceux que nous reconnaissons nous-mêmes. Aussi le voyons-nous citer les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc, ainsi que plusieurs lettres de saint Paul.

101. Saint Papias, évêque d'Hiéraples, qui a vécu avec les disciples immédiats de Notre-Seigneur, nous dit avoir appris d'eux que saint Marc a écrit son Évangile avec le secours de saint Pierre dont il était l'interprète, et que saint Matthieu a composé le sien en hébreu (2). Enfin, saint Polycarpe, disciple de saint Jean (3), saint Ignace d'Antioche, martyr en 107 (4), le pape saint Clément, mort en 91 (5), Hermas, auteur du Pasteur, et contemporain de saint Clément (6), citent les différents Évangiles comme contenant les discours de Jésus-Christ. Il est donc prouvé, par le témoignage des auteurs des premiers siècles, que les Évangiles, et généralement les autres livres du Nouveau Testament, remontent au temps des apôtres dont ils portent et ont toujours porté les noms.

102. Si, malgré de si nombreux et de si graves témoignages, on prétend encore que les livres du Nouveau Testament ont été supposés, il faudra donc dire aussi que les écrits de saint Clément, de saint Ignace, de saint Polycarpe et de saint Papias, qui sont venus immédiatement après les apôtres et qui les citent, ont été fabriqués après coup. Les Pères qui ont remplacé les auteurs apostoliques, saint Justin, saint Théophile d'Antioche, saint Irénée, citent pareillement les Évangiles; il faudra donc dire encore que leurs ouvrages sont apocryphes. Descendons une génération. Tertullien, saint Hippolyte, Clément d'Alexandrie, Origène, se pré

(1) Liv. m, à la suite des œuvres de S. Justin, édit. des Bénédictins.—(2) Voy. Histoire eccl. d'Eusèbe, liv. III, ch. XXXIX. (3) Lettre aux Philippiens. (4) Lettres de S. Ignace, dans la collection des Pères apostoliques de Cotelier. 45) Lettres aux Corinthiens, ibidem. (6) Voyez le Pastor d'Hermas, ibidem.

sentent; il faudra donc soutenir que les écrits qu'on leur attribue ne sont pas d'eux. Dans toute la suite des siècles chrétiens, les auteurs ecclésiastiques se tiennent les uns aux autres; ils rapportent des passages des livres saints et de Pères qui les ont précédés; ils sont donc par là même garants de l'authenticité et de l'Écriture sacrée et des écrits de leurs prédécesseurs. Ils forment une chaîne de témoignages qui remonte jusqu'aux apôtres, et qui descend jusqu'à nous. Si donc le Nouveau Testament est supposé, tout ce qui existe d'ouvrages ecclésiastiques depuis l'origine du christianisme doit être regardé comme apocryphe, ou essentiellement altéré; ce qui n'est pas moins absurde.

§ III. Preuve tirée de l'aveu des anciens hérétiques.

103. Les anciens hérétiques, ceux même qui ont paru dès les premiers siècles, les disciples de Cérinthe et de Carpocrate, de Valentin et de Marcion, les Ébionites, les Encratites, les Sévériens et autres sectaires, reconnaissaient l'authenticité de nos Évangiles. Quelque intéressés qu'ils fussent à la révoquer en doute, ils ne l'ont point contestée. Cérinthe et Carpocrate admettaient même l'Évangile de saint Matthieu tout entier, au rapport de saint Épiphane; et les Ébionites n'en retranchaient que les deux premiers chapitres. Les Sévériens recevaient la loi, les prophètes et les évangélistes; mais ils les entendaient à leur manière. Valentin croyait aux quatre Évangiles; dans la suite, ses disciples en composèrent un cinquième. Théodote et les Aloges ne rejetaient que l'Évangile de saint Jean. Marcion, qui n'adoptait que celui de saint Luc, ne niait point que les autres ne fussent véritablement des trois auteurs dont ils portent les noms; mais il leur refusait toute autorité, parce qu'il prétendait que les apôtres qui les avaient écrits avaient corrompu la doctrine de Jésus-Christ (1).

104. Tatien, chef de secte, avait réuni les quatre Évangiles, qu'il regardait comme étant l'œuvre des apôtres, et en avait formé une harmonie, connue sous le nom de Diatesseron, à l'usage des Encratites. Quelques-uns de ces hérésiarques, tels qu'Ébion et Cérinthe, passent pour avoir vécu du temps même des apôtres, du moins avant la mort de saint Jean. L'authenticité des Évangiles

(1) Voyez les livres de S. Irénée contre les hérésies; ceux de Tertullien contre Marcion, et le livre des Prescriptions; l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe; les Hérésies, par S. Epiphane, etc.

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était donc bien affermie sur la fin du premier et au commencement du second siècle, puisqu'elle a été reconnue ou avouée même par les hérétiques de ce temps-là, qui trouvaient la condamnation de leurs erreurs dans les écrits des apôtres. « L'autorité de nos Évangiles est si bien établie, que les hérétiques eux-mêmes leur << rendent témoignage, et que chacun d'eux, en sortant de l'Église, «< cherche dans l'un ou dans l'autre de quoi appuyer sa doctrine. « Les Ébionites se servent de l'Évangile selon Matthieu, et cet Évangile suffit pour les réfuter. Marcion a corrompu l'Évangile « de Luc, et ce qu'il y a laissé détruit ses blasphèmes contre le « Dieu unique et souverain. Ceux qui, séparant Jésus d'avec le « Christ, prétendent que le Christ est demeuré impassible pendant « que Jésus souffrait, s'en tiennent à l'Évangile de Marc; et s'ils le « lisaient avec un amour sincère de la vérité, ils y trouveraient la « condamnation de leurs erreurs. Pour les Valentiniens, ils se fon«dent sur l'Évangile de Jean, qu'ils reçoivent tout entier; et c'est « aussi par l'autorité de cet Évangile que nous les avons combattus. « Notre doctrine est donc bien certaine, puisqu'elle est appuyée sur << les livres auxquels nos adversaires rendent témoignage (1). › Ainsi s'exprime saint Irénée, évêque de Lyon dès l'an 177.

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SIV. Preuve tirée de l'aveu des païens.

105. Celse, Porphyre et l'empereur Julien ont été les ennemis déclarés du christianisme, en même temps qu'ils se sont montrés défenseurs les plus zélés du paganisme. Cependant ils n'ont jamais élevé le moindre doute sur l'authenticité des livres du Nouveau Testament. D'abord, pour ce qui regarde Julien, toutes les fois qu'il

(1) Tanta est autem circa Evangelium firmitas, ut et ipsi hæretici testimonium reddant ei, et ex ipsis egrediens unusquisque eorum conetur suam confirmare doctrinam. Ebionæi etenim eo Evangelio quod est secundum Matthæum solo utentes, et illo ipso convincuntur, non recte præsumentes de Domino. Mar. cion autem id quod est secundum Lucam circumcidens, ex his quæ adhuc servantur penes eum blasphemus in solum existentem Deum ostenditur. Qui au tem Jesum separant a Christo, et impassibilem perseverasse Christum, passum vero Jesum dicunt, id quod secundum Marcum est præferentes Evangelium, cum amore veritatis legentes illud corrigi possunt. Hi autem qui a Valentino runt, eo quod est secundum Joannem plenissime utentes ad ostensionem conjugationum suarum, ex ipso deteguntur nihil recte dicentes, quemadmodum ostendimus in primo libro. Quando ergo hi qui contradicant nobis, testimonium perhibent et utuntur his, firma et vera est nostra de illis ostensio. Lib. I. contra hæreses. c. x.

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