Page images
PDF
EPUB

On voit, par ce passage, que celui qui ne persévère pas dans la doctrine de Jésus-Christ doit être regardé comme hérétique, et comme étant dans la voie de damnation; saint Jean défend expressément de le recevoir et de le saluer, c'est-à-dire, d'être en communion avec lui, sõus peine d'encourir le mème châtiment. Remarquez d'ailleurs que cet apôtre ne parle pas de tel ou tel article de la doctrine de Jésus-Christ, mais bien de la doctrine et de toute la doctrine de Jésus-Christ, de toutes les vérités enseignées par Jésus-Christ. Vouloir que saint Jean n'ait parlé que d'une partie de la doctrine chrétienne, n'est-ce pas violer toutes les règles du discours? Dira-t-on qu'un citoyen est fidèle aux lois du pays, parce qu'il ne les transgresse pas toutes; qu'un homme est fidèle aux lois de la morale, parce qu'il observe une partie de ces lois; qu'un chrétien est fidèle à l'Evangile, parce qu'il en suit les principaux préceptes? Non, ce n'est point là le langage des hommes, le langage des auteurs sacrés. Nous disons donc de la doctrine de Jésus-Chris ce que l'apôtre saint Jacques dit de la loi divine en général : qu'eu on gardé toute la loi, si on vient à la violer en un seul point, on est coupable comme si on l'avait violée tout entière; c'est-à-dire que la violation d'un seul précepte, en matière grave, suffit pour la damnation éternelle : quicumque totam legem servaverit, offendat autem in unò, factus est omnium reus (1).

Aussi, les Pères et les conciles de tous les temps, même des premiers siècles, nous représentent l'Église de Jésus-Christ comme professant invariablement une seule et mème foi ; ils excluent du salut toutes les sectes séparées de sa communion, sans distinction de celles qui errent ou qui n'errent pas sur les articles fonda

mentaux.

§ II. Preuve de l'unité de doctrine, tirée de l'enseignement des saints Pères.

877. Les protestants conviennent qu'à dater du cinquième siècle, tous les Pères de l'Église sont contraires à leur système ; qu'ils entendent l'unité de croyance comme nous l'entendons nousmêmes. Or ce que l'on croyait dans l'Église au cinquième siècle, on le croyait au quatrième; ce que l'on croyait au quatrième, on

non affert, nolite recipere eum in domum, nec ave ei dixeritis. Qui enim dicit illi ave, communicat operibus ejus malignis. 11 épître de saint Jean, v. 9, 10 et 11. (1) Epît. de saint Jacques, c. u, v. 10.

-

le croyait au troisième, au deuxième, au premier siècle. S'il s'était introduit dans les premiers temps quelque variation touchant la notion de l'Église quant à l'unité de doctrine, les anciens hérétiques n'auraient pas manqué de s'en prévaloir, et de confondre les évêques qui auraient eu la témérité de les condamner, sans distinguer les erreurs fondamentales de celles qui ne le sont pas. Cependant, de tous les monuments de l'antiquité ecclésiastique, il n'en est aucun qui ait trait aux difficultés de ce genre. Il est donc vrai de dire que, dans les quatre premiers siècles, on n'avait pas une autre idée de l'unité de l'Église que dans les siècles suivants, et que l'on doit, pour cela même, rejeter le système des protestants, comme contraire à la croyance de l'Église primitive.

878. Mais voyons plus particulièrement ce qu'enseignaient les Pères et les conciles des premiers siècles. Sans parler de saint Augustin, de saint Jérôme, de saint Jean Chrysostome, de saint Philastre, de saint Épiphane, de saint Éphrem, de Prudence et de Ruffin, qui appartiennent tous plus ou moins au quatrième et au cinquième siècle, et que nous pourrions citer en faveur du dogme catholique, nous avons le concile œcuménique de Constantinople, de l'an 381, dont les actes sont la condamnation du système des articles fondamentaux et non fondamentaux. En effet, les Pères de ce concile déclarent qu'ils reçoivent dans leur communion les hérétiques, savoir les ariens, les macédoniens, les novatiens les sabbatiens, les quartodécimants et les apollinaristes, s'ils donnent un acte d'abjuration, anathématisant toute hérésie qui ne s'accorde pas avec la doctrine de l'Église de Dieu : Omnem hæresim anathematizantes quæ non sentit ut sancta Dei catholica et apostolica Ecclesia (1). On voit que ce concile, dont les décrets ont été reçus sans réclamation de la part des catholiques, tant en Occident qu'en Orient, ne regardait point comme faisant partie de l'Église de Dieu les hérétiques que nous venons de nommer, puisqu'il ne les admet à la reconciliation qu'autant qu'ils abjurent toute hérésie contraire à l'enseignement de l'Église. Or, cependant, ni les novatiens, ni les sabbatiens, ni les quartodécimants, ne s'écartaient en rien des vérités que les protestants nous donnent pour fondamentales. Il était donc reçu dès le quatrième siècle, dans l'Église universelle, qu'il n'est pas nécessaire de nier les articles fondamentaux pour être hérétique, et, comme tel, exclu du salut éternel. Certainement, le second concile œcuménique n'eût point

(1) Labbe, Concil., tom. 11, col. 952

porté le décret dont il s'agit, s'il eût reconnu la distinction des vérités fondamentales et non fondamentales.

879. Saint Ambroise écrivait, dans le même temps, que la foi exclut toutes les hérésies; que l'Église en est souvent attaquée comme un navire par les flots, mais qu'elle doit prévaloir contre elles (1); qu'il n'y a de salut ni pour les hérétiques ni pour les schismatiques (2); que le règne de l'Église est éternel, parce que la foi, qui est indivisible, n'est qu'un seul corps (3). Parlant aux novatiens, il leur dit : « Est-il étonnant que vous refusiez le salut « aux autres, vous qui y renoncez pour vous-mêmes (4)? » Peut-on exclure plus formellement de l'Église et du salut, même ceux des hérétiques qui, comme les novatiens, ne rejetaient aucun des articles que les protestants appellent fondamentaux?

880. Saint Grégoire de Nazianze, mort en 390, n'est pas moins exprès : « Les hérétiques les plus dangereux, dit-il, sont ceux qui, « conservant sur tout le reste l'intégrité de la doctrine, tuent par « un seul mot, comme par une goutte de venin, la vraie foi, la foi catholique, reçue des apôtres par tradition (5). »

Suivant saint Pacien, évêque de Barcelone, contemporain de saint Grégoire de Nazianze, « l'Église est sans tache et sans ride, « c'est-à-dire, sans hérésie; elle ne reconnaît ni les valentiniens, ni les cataphryges, ni les novatiens (6). » Ce saint docteur exclut donc de l'Église catholique, de la véritable Église, tous les hérétiques de son temps, sans excepter les novatiens, dont l'hérésie ne tenait point au fondement du christianisme, de l'aveu des protestants.

881. Saint Basile, mort en 379: Ceux qui sont instruits dans ⚫ les saintes lettres ne souffrent pas que l'on abandonne une seule

[ocr errors]

(1) Fides est Ecclesiæ fundamentum; non enim de carne Petri, sed de fide dictum est: quia portæ mortis ei non prævalebunt. Sed confessio (Petri) vicit infernum. Et hæc confessio non unam bæresim exclusit; nam cum Ecclesia mul tis tanquam bona navis fluctibus sæpe fundatur, adversus onines hæreses debet valere Ecclesiæ fundamentum. Liv. de l'Incarnation. - (2) Omnes hæreticos et schismaticos a regno Dei et ab Ecclesia intellige separatos. Liv. và sur saint Luc. (3) Regnum Ecclesiæ manebit in æternum, quia individua fides corpus est nnum. Ibidem. — (4) Sed quid mirum, si salutem negatis aliis, qui vestram recusatis? Liv. 11, de la Pénitence. — (5) Nihil periculosius illis hæreticis esse potest qui, cum integre per omnia decurrant, uno tamen verbo, tanquam veneni gutta, veram illam et simplicem fidem catholicam, et exinde apostolicam traditionem inficiunt. Traité de la foi. — (6) Ecclesia est non habens maculam, neque rugam, hoc est, hæreses non habens, non valentinianos, non cataphrygas, non novatianos. Lettre me.

[ocr errors]

syllabe des dogmes divins: ils n'hésitent pas, s'il est nécessaire, de se livrer à tout genre de mort pour la défense de leur inté« grité (1). » Si c'est un devoir d'affronter la mort plutôt que d'abandonner une syllabe des dogmes divins, c'est évidemment une obligation d'admettre tous ces dogmes, sous peine de damnation.

[ocr errors]

Saint Optat, qui florissait dans le même temps : « Nous savons « que les Églises des différents hérétiques sont des prostituées, " étant étrangères à l'union mystérieuse de Jésus-Christ avec l'Église unique qui est son épouse, comme il l'affirme lui-même dans « le Cantique des Cantiques: n'en reconnaissant qu'une, il con« damne toutes les autres; car il n'y en a qu'une, qui est la vraie « Église, l'Église catholique; celles des hérétiques en prennent le «< nom, mais elles ne sont pas la vraie Église (2). L'Église, que Jésus-Christ appelle sa colombe unique, son épouse bien-aimée, « ne peut être ni chez les hérétiques, quels qu'ils soient, ni chez les « schismatiques (3). »

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

882. Saint Athanase, mort en 373: « La véritable doctrine est celle que les Pères nous ont transmise. La marque des véritables docteurs est de s'accorder tous entre eux et avec les anciens. En«< core que les saints, et ceux qui ont enseigné la vérité, aient vécu << en différents temps, ils ont toujours professé la même doctrine, << sans être opposés les uns aux autres (4). » Ainsi, selon saint Athanase, l'unité de doctrine, l'accord unanime et invariable sur la foi, est le caractère distinctif de la vérité. Il parle de la manière la plus absolue, sans distinguer les dissensions des erreurs fondamentales.

Lucifer de Cagliari, qui vivait du temps de saint Athanase, dit que l'Eglise du Seigneur a toujours eu la paix avec elle-même, parce qu'elle a mis dehors les hérétiques de toutes les sectes. Cet évêque est allé trop loin, en refusant de communiquer avec ceux qui, sans renoncer à la foi de Nicée, s'étaient laissé surprendre par les ariens au concile de Rimini; mais il n'a jamais été repris par

(1) Qui sunt in sacris litteris educati, ne unam quidem syllabam divinorum dogmatum prodi sinunt; sed pro illorum defensione, si opus est, nullum non mortis genus libenter amplectuntur. Hist. eccl. de Théodoret, liv. IV, c. 19. (2) Cum unam laudat Ecclesiam, cæteras damnat, quia præter unam, quæ est vera catholica, cæteræ apud hæreticos putantur esse, sed non sunt.... Præter unam altera non est. Liv. 1 du schisme des Donatistes. (3) Hanc unam columbam et dilectam sponsam suam Christus appellat. Hæc apud omnes hæreticos et schismaticos esse non potest. Ibidem, liv. 11. — (4) Siquidem vera illa doctrina est, ubi Patres tradidere; verumque doctorum indicium, cum omnes inter se consentiunt, non autem, vel secum, vel cum suis Patribus litigant. Des décrets du concile de Nicée, no 1v.

les orthodoxes pour avoir exclu de l'Église les ariens et tous les autres hérétiques sans distinction: Vos arianos et omnium hæreticorum hæreses foras abjicit (1).

:

883. Saint Hilaire de Poitiers, mort en 367, enseigne la même doctrine Encore qu'il n'y ait qu'une Église dans le monde, néanmoins chaque ville a son Église, et toutes les Églises ensem<< ble n'en font qu'une dans le grand nombre (2). » Une, non dans le sens des réformés, qui prétendent appartenir à l'Église universelle; mais en ce sens qu'elle exclut toutes les hérésies, comme ce saint évêque le suppose clairement lui-même, lorsqu'il dit : « Tous « les hérétiques se réunissent contre l'Église; mais tandis qu'ils l'emportent les uns sur les autres, leur victoire devient le triom« de l'Eglise contre tous (3). Tous sont contre elle; mais elle sur<< monte les impiétés et les erreurs de tous, par cela même qu'elle « est une (4).

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

884. Eusèbe de Césarée, mort en 340 : « L'Église catholique, répandue dans toutes les nations d'une extrémité du monde à « l'autre (5), est la maison de Dieu, qui est une (6). Les hérétiques « sont comme les soldats qui se sont partagé les vêtements de Jé« sus-Christ: ils corrompent ses paroles, c'est-à-dire, les divines Écritures, en les détournant chacun à leur sens, pour pouvoir « appuyer leurs opinions et leurs enseignements pervers (7). » En condamnant les hérétiques, qu'il compare à ceux qui ont pris part à la mort de Jésus-Christ, Eusèbe ne fait aucune distinction; il parle de tous ceux qui interprètent l'Écriture sainte contrairement à l'unité de la doctrine de l'Église.

[ocr errors]

Les Pères du concile d'Elvire, de l'an 303, et du concile de Laodicée, qui eut lieu quelques années après, défendent aux fidèles

-

(1) De non conveniendo cum hæreticis. (2) Etsi in orbe Ecclesia una sit, tamen unaquæque urbs Ecclesiam suam obtinet; et una in omnibus est, cum tamen plures sint, quia una habetur in pluribus. Sur le Psaume xiv. — (3) Liv. VII, de la Trinité. (4) Dum adversum unam eam omnes sunt, impiissimum tamen errorem omnium, per id quod sola est atque una, confutat. Ibidem. (5) Ecclesia catholica a terminis terræ usque ad terininos ejus ex universis gentibus congregata. Sur le Psaume XLIV. — (6) Hæc atria erunt per lotum orbem terrarum Christi Ecclesiæ, quæ unius domus Dei locum obtinet. Liv. iv, de la démonstration évangélique. (7) Tunc etiam dividunt ejus vestimenta sibi, et in vestem ejus sortem mittunt; cum ipsius verbi ornatum, hoc est divinarum Scripturarum voces alias aliter unusquisque corrumpit et lacerat; item, cum opiniones de illo perversis documentis excipiunt, cujusmodi sunt quæ nefarii hæretici facere solent. Ibidem, liv. x.

« PreviousContinue »