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parle des Évangiles et des autres livres qui nous viennent des apdtres, il les attribue à ceux dont ils portent les noms. Tantôt il cite des passages empruntés des Épitres de saint Paul, et il nous en avertit lui-même; tantôt il rapporte, d'après saint Matthieu et d'après saint Lue, des paroles de Jésus-Christ ou quelques traits de son histoire. Il dit que ni Paul, ni Matthieu, ni Luc, ni Marc, n'ont osé dire que Jésus-Christ fût Dieu, et que Jean est le premier qui l'ait enseigné. Ailleurs, il avoue que Jésus-Christ a guéri des boiteux, des sourds, des aveugles et des démoniaques dans quelques bourgades de la Judée. Enfin, lorsqu'il défendit aux chrétiens d'enseigner les belles-lettres et d'expliquer les poëtes, qu'ils aillent, disait-il, expliquer Luc et Matthieu dans les assemblées des Galiléens (1).

106. Porphyre, qui vivait un siècle avant l'empereur Julien, attaque la religion chrétienne dans un traité que les païens regardaient comme un livre divin. Or, la plupart des objections de ce philosophe étaient tirées des livres du Nouveau Testament (2). II prétendait que les textes des prophètes ne sont pas fidèlement cités dans les Évangiles, et reprochait à saint Pierre d'avoir fait mourir injustement Ananie et Saphire; par où l'on voit que les Évangiles et les Actes des Apôtres étaient connus de son temps, c'est-à-dire, vers le milieu du troisième siècle, et que leur authenticité n'éprouvait alors aucune contradiction. Celse, plus ancien que Porphyre, vivait sous l'empire d'Adrien. Or on voit, par l'ouvrage d'Origène contre Celse, que cet impie avait une parfaite connaissance de nos Évangiles, et que jamais il n'a soupçonné les chrétiens de les avoir supposés sous le nom des apôtres. Après avoir rapporté dans son livre contre le christianisme plusieurs traits de la vie de Notre-Scigneur, il déclare lui-même les avoir pris dans les livres des chrétiens. Il est donc vrai de dire que le témoignage, l'aveu des païens qui ont attaqué dans leurs écrits la divinité de la religion chré-tienne, confirmerait au besoin le témoignage des docteurs de l'Eglise et la croyance des premiers chrétiens touchant l'authenticité des livres du Nouveau Testament.

(1) Voyez les livres de S. Cyrille d'Alexandrie contre l'empereur Julien. (2) Voyez les discours de S. Grégoire de Nazianze contre Julien; les lettres de S. Jérôme à Ctésiphon et à Pammachius, et la LXXIV à S. Augustin.

§ V. Preuve tirée de l'inspection même des livres attribués aux apótres.

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107. « Lorsqu'à la fin du seizième siècle l'on découvrit dans une bibliothèque monastique le manuscrit de Phèdre, les savants ne

« doutaient pas que ce ne fût une production du siècle d'Auguste; et cependant les anciens n'ayant point cité cet ouvrage, « on ne pouvait en avoir d'autres preuves que le témoignage même « de l'auteur, et la pureté de son style. Mais le style du siècle apostolique n'est pas moins caractérisé que celui du siècle d'Auguste; << et l'on ne trouve pas dans les fables de Phèdre un aussi grand nombre de vestiges du règne de Tibère, qu'il en reste du temps où Jésus-Christ a vécu, dans les Évangiles, dans l'histoire des Actes, et dans les Lettres des apôtres. Quand on mettrait de côté « l'autorité de la tradition, pour ne voir dans le Nouveau Testa⚫ment qu'un livre jusqu'alors inconnu, dont aucun écrivain n'au<«< rait fait mention, et que le hasard nous ferait rencontrer pour la « première fois dans quelque coin d'une bibliothèque, un critique <«< judicieux ne pourrait s'empêcher de le regarder comme un monu<«<ment aussi ancien que le christianisme. Semblable à ces statues antiques où l'on reconnaît le ciseau des Grecs, le Nouveau Tes«tament nous offre une multitude de traits où l'on aperçoit distinc«tement la plume et la main des apôtres (1). »

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108. En effet, personne jusqu'ici n'a rien découvert, ni dans les Évangiles ni dans les autres livres du Nouveau Testament, qui ne convienne parfaitement à l'histoire, aux mœurs, aux usages des temps apostoliques, rien qui ne retrace les sentiments et le caractère des premiers disciples de Jésus-Christ. On y voit la religion et le gouvernement des Juifs, tels qu'ils étaient alors sous la domination des Romains tout s'y trouve d'accord avec les écrits de Josèphe, auteur juif et contemporain. La simplicité des récits, l'indication des lieux et des personnes, le peu d'art, le défaut d'ordre dans la narration, la manière de rapporter les mêmes faits, qui souvent varient dans les quatre évangélistes, les difficultés qui se rencontrent presque à chaque page de leurs écrits, annoncent évidemment des mémoires contemporains, rédigés sans précaution comme sans défiance, des ouvrages qui ne sauraient convenir à des imposteurs ni à des visionnaires.

(1) Duvoisin, l'Autorité des livres du Nouveau Testament. c. III.

S VI. Preuve tirée de l'impossibilité que les livres du Nouveau Testament aient été supposés.

109. Il n'y a pas de milieu: ou les livres du Nouveau Testament sont authentiques, ou ils sont supposés; en d'autres termes, ou ces livres sont sortis de la main de ceux dont ils portent les noms, ou ils ont été rédigés par d'autres sous ces mêmes noms. Or cette dernière hypothèse est inadmissible; elle est aussi absurde que l'hypothèse de ceux qui prétendraient que les livres les plus authentiques parmi les Grecs et les Romains, que les écrits de Démosthène, de Thucydide, de Xénophon, d'Aristote et de Platon, de Cicéron, de Tite-Live, de Tacite et de Sénèque, sont les ouvrages d'un ou de plusieurs imposteurs qui les auraient publiés sous de faux noms, pour en doter la république des lettres. En effet, à quelle époque ferait-on remonter la supposition de nos livres sacrés: Ce ne serait pas au quatrième siècle : on convient qu'alors ces livres étaient révérés comme authentiques dans toute la chrétienté, dans toutes les parties du monde où avait pénétré le christianisme. Ce serait donc au troisième, ou au deuxième, ou au premier siècle: mais comment expliquer la croyance générale des chrétiens de l'Orient et de l'Occident, au quatrième siècle, sur l'authenticité des livres évangéliques, à moins qu'ils n'aient été reçus partout comme authentiques au troisième siècle? En effet, le docteur Strauss reconnait que nos quatre Évangiles existaient déjà sous les mêmes noms qu'ils ont aujourd'hui, non-seulement au troisième, mais même sur la fin du second siècle. Or d'où sera venue cette croyance répandue dans l'Orient et dans l'Occident, si on ne la fait remonter d'abord au milieu, puis au commencement du deuxième siècle, puis à la fin du premier, à l'origine des Églises fondées par les apôtres ? Plus on approche des temps apostoliques, plus il eût été facile de découvrir la fraude et de confondre l'imposture; comme aussi plus on s'en éloigne, plus la croyance de toutes les Églises sur un point d'où dépend la foi, la morale et le culte des chrétiens, devient forte et puissante, plus elle rend impossible la supposition d'un livre sacré.

110. Direz-vous que ces livres ont été fabriqués du temps des apôtres ? Non; personne n'eût osé l'entreprendre, et, l'eût-on entrepris, c'eût été sans succès. On ne se persuadera point que les apôtres et leurs disciples aient toléré l'imposture; elle ne pouvait ni tromper leur vigilance, ni se dérober à leur zèle; un seul mot

de leur part eût suffi pour la démasquer, un simple désaveu l'eût fait rentrer dans les ténèbres. Ce sera donc après la mort des apôtres, au commencement ou vers le milieu du second siècle? Mais les disciples de l'apôtre saint Jean, mais les disciples des autres apôtres, vivaient encore à cette époque; mais les évêques qu'ils avaient laissés après eux, les chrétiens qui étaient déjà répandus partout, auraient-ils permis à un imposteur, à un homme quelconque, de publier, sous le nom des apôtres, des livres inconnus jusqu'alors dans l'Église? Ne lui aurait-on pas dit : Nous avons vu les apôtres ou leurs successeurs immédiats; nos Églises ont été fondées par eux, et jamais nous n'avons entendu parler des écrits que vous leur attribuez? Comment se fait-il que vous en soyez seul dépositaire? Qui êtes-vous ? d'où venez-vous? quels sont vos titres ? Ou prouvez que ces livres viennent des apôtres, ou souffrez que nous vous regardions comme un faussaire ou comme un fou. Et quel eût été alors le résultat de la fraude, sinon la honte et la confusion pour celui qui en aurait été l'auteur? Voulez-vous descendre au troisième siècle? vous rencontrerez les mêmes difficultés.

111. D'ailleurs, si on persiste à soutenir que nos livres saints ont été supposés, qu'on nous dise donc comment se nomme celui qui les a fabriqués, en quelle année et dans quel pays l'imposture a pris naissance; quelle a été sa marche, et par quels moyens elle a gagné tous les esprits: un imposteur ne veut pas être éternellement ignoré. Est-ce un Juif ou un païen qui serait l'auteur de l'entreprise? Cela est absurde. Serait-ce un de ces anciens hérétiques qui trouvent leur condamnation dans les écrits dont il s'agit? Cela est encore absurde. Et puis ces livres n'eussent-ils pas été rejetés par les catholiques? n'eussent-ils pas éprouvé le même sort que le prétendu Évangile de vérité qu'avaient composé les Valentiniens? Sera-ce enfin un catholique? Mais n'eût-il pas été aussitôt traité de fourbe ou de fanatique dans toute l'Église ? Et, dans le cas où il eût trouvé des partisans parmi les siens, cette fraude n'eût-elle pas été un sujet de triomphe pour les hérétiques et les ennemis du christianisme? Ils n'eussent pas manqué de s'en prévaloir contre les catholiques, qui leur reprochaient à eux-mêmes d'avoir innové en matière de religion. Donc les livres du Nouveau Testament ne sont pas l'ouvrage d'un faussaire; donc ils appartiennent aux apôtres et aux disciples de Jésus-Christ, dont ils portent les noms; donc ils sont authentiques.

S VII. Des difficultés contre l'authenticité des livres du Nouveau Testament.

112. La principale objection que l'on fait contre l'authenticité des livres apostoliques, se tire du grand nombre de livres apocryphes qui ont paru dès les premiers temps du christianisme. Il est constant, dit-on, qu'il y a eu au moins cinquante Évangiles apocryphes, sans compter les faux Actes des apôtres, ni les lettres qu'on leur a faussement attribuées. Ces livres ont été reçus avec le même respect et cités avec la même confiance que les livres qu'on appelle canoniques. Cependant, de l'aveu de tous, ces livres sont supposés : donc il est permis de croire que ceux qui portent les noms des apôtres, ou des disciples immédiats de Jésus-Christ, le sont également. Siles premiers chrétiens ont pu être trompés sur l'authenticité des uns, pourquoi n'auraient-ils pu l'être sur l'authenticité des autres ?

113. Cette objection renferme plusieurs assertions mille fois répétées, et réfutées victorieusement par les apologistes de la religion. Nous nous contenterons donc de faire quelques observations. D'abord, est-il bien vrai qu'il soit permis de révoquer en doute l'au thenticité de nos Évangiles, parce qu'il y a eu des Évangiles apocry phes, des livres supposés? Qu'on y fasse attention: ce serait vouloir révoquer en doute l'authenticité de tous les ouvrages de l'antiquité, de ceux même qui sont reçus partout comme incontestablement authentiques. L'histoire et la critique ne nous offriront-elles donc rien de certain, parce qu'il y a toujours eu des imposteurs, des faussaires? Les hommes ne pourront-ils donc s'assurer d'aucun fait, parce qu'il en est qui se sont laissé induire en erreur ? Nous l'avons vu, il n'est pas de livres profanes dont l'authenticité soit mieux établie que celle des livres évangéliques; il faut donc les reconnaître pour authentiques, ou se condamner au scepticisme le plus absolu en matière d'histoire.

114. Il y a plus la publication des faux Évangiles, loin d'être une difficulté contre l'authenticité de ceux que nous avons entre les mains, est une nouvelle raison d'y croire. Les anciens hérétiques ont fait leur possible pour faire admettre ceux des livres apocryphes qui étaient favorables à leurs erreurs, et ils n'ont point réussi ; ils ont tenté tous les moyens de les faire recevoir comme venant des apôtres, et leurs efforts ont été inutiles. De toutes les Églises primitives, il n'en est pas une qui ait rejeté ni l'Évangile de saint Matthieu, ni celui de saint Marc, ni celui de saint Luc,.

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