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dans la réunion de toutes les communions chrétiennes, qui ont conservé, suivant le système de Jurieu, les articles fondamentaux du christianisme. Ils ne se disent catholiques qu'en se confondant avec ceux que l'Église de tous les temps a séparés de sa communion, pour cela même qu'ils n'étaient point catholiques. Qu'on remonte aussi haut qu'on voudra, on verra toujours l'Eglise se montrant comme catholique, et opposant sa catholicité tant aux schismatiques qu'aux hérétiques, à ceux même dont les erreurs ne sont point regardées par les protestants comme des erreurs fondamentales (1). Ainsi donc, de l'aveu des protestants, le protestantisme n'est ni ne peut être exclusivement l'Église catholique. Il n'est point non plus une portion de cette Église, qui n'a qu'une seule et même doctrine, qu'un seul et même gouvernement. Donc, encore une fois, le protestantisme ne peut se glorifier, ni d'ètre l'Église de Jésus-Christ, ni d'appartenir à l'Église de JésusChrist.

975. Sixièmement : le protestantisme n'est point l'Église apostolique il n'a ni l'apostolicité de la doctrine, ni l'apostolicité du ministère. D'abord il n'a pas l'apostolicité de la doctrine; les apôtres ne nous ont transmis qu'un même ministère, qu'une même foi, que les mêmes sacrements, que le même culte: Unus Dominus, una fides, unum baptisma; condamnant les divisions, les schismes et les hérésies, qu'ils mettent au nombre des œuvres de la chair, qui excluent du royaume des cieux (2). Or, peut-on dire que les différentes sectes protestantes, qui n'ont de commun entre elles que la haine pour l'Église catholique, aient le même ministère, la même foi, les mêmes sacrements, le même culte? Si ceux des protestants qui admettent la hiérarchie ecclésiastique comme une institution divine sont, sous ce rapport, apostoliques, pourra-t-on dire que les autres, qui rejettent cette hiérarchie comme une invention des hommes, suivent également la doctrine des apôtres? Peut-on se vanter d'avoir pour soi l'enseignement apostolique, soit qu'on admette avec les luthériens la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, soit qu'on rejette ce dogme avec les calvinistes, comme contraire à l'Écriture et à la raison? Serait-il possible que tous les symboles des protestants, que toutes leurs confessions de foi, avec les différences et les contradictions qu'elles renferment, fussent vraiment apostoliques? Quoi! Jésus-Christ, en choisissant les apôtres pour ses exécuteurs

(1) Voyez, ci-dessus, le n° 930, etc.

(2) Voyez, ci-dessus, le n° 874, etc.

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testamentaires, nous aurait-il légué, au nom de son Père, le ouí et le non, la vérité et l'erreur? Un tel blasphème a-t-il pu jamais sortir de la bouche d'un homme? D'ailleurs, comment les protestants prouveraient-ils qu'ils se trouvent d'accord avec les apòtres ou les traditions apostoliques, en rejetant certains dogmes catholiques qu'ils regardent comme autant d'inventions de l'Église romaine? Comment démontreraient-ils que ces dogmes, qui étaient généralement reçus dans toutes les Églises de l'Orient et de l'Occident, au commencement du seizième siècle, ne sont que l'ouvrage des hommes? qu'après avoir été fabriqués par des catholiques, ou par des schismatiques, ou par des hérétiques, ils se sont répandus dans toute la chrétienté, triomphant de toutes les difficultés, de tous les obstacles que rencontre nécessairement toute innovation en matière de religion? Non, il n'est aucun dogme catholique dont on puisse expliquer l'origine sans remonter aux apôtres; il n'est aucun dogme catholique que le protestantisme puisse attaquer, sans cesser, par le fait, d'être apostolique.

976. Le protestantisme n'est point apostolique quant à la doctrine; il ne l'est point non plus quant au ministère. Nous l'avons vu: l'apostolicité du ministère consiste dans la succession non interrompue des évêques sur les siéges établis par les apôtres ou par leurs successeurs légitimes, c'est-à-dire, par les évêques institués suivant les règlements émanés du siége apostolique, ou sanctionnés par le chef de l'Église universelle. Or, évidemment, ni Luther, ni Calvin, ni Henri VIII, n'appartiennent à cette succession; ils ne succèdent à personne. Ce sont, pour nous servir des expressions de saint Optat, « des fils sans pères, des suivants sans guides, des disciples sans maîtres, des successeurs sans prédécesseurs, des « pasteurs sans troupeaux (1). » Nous pouvons donc leur adresser ces paroles, que Tertullien adressait aux novateurs de son temps: « Faites-nous voir l'origine de vos Églises, l'ordre et la succession « de vos évêques, en sorte que vous remontiez jusqu'aux apôtres, « ou jusqu'à l'un de ces hommes apostoliques qui ont persévéré jusqu'à la fin dans la communion des apôtres; car c'est ainsi que les Églises vraiment apostoliques justifient qu'elles le sont (2). Qui « êtes-vous ? peut leur dire l'Église. Depuis quand et d'où étes« vous venus? Que faites-vous chez moi, n'étant pas des miens? A ▪quel titre, Marcion, coupes-tu ma forêt? Qui t'a permis, Valen«tin, de détourner mes canaux? Qui t'autorise, Apelle, à ébranler

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(1) Voyez, ci-dessus, le n° 946. — (2) Voyez, ci-dessus, le no 942.

<< mes bornes? Comment osez-vous semer et recueillir ici à discré

« tion? C'est mon bien, c'est ma possession; je possède depuis long

a

temps, je possède avant vous, je succède à ceux qui ont possédé « les premiers je suis l'héritière des apôtres (1). »

977. Dira-t-on qu'à défaut d'une succession apostolique de l'ordination et de l'institution canonique, les chefs de la Réforme ont reçu immédiatement de Dieu la mission nécessaire pour réformer l'Eglise? Mais de deux choses l'une ou l'Église avait encore alors le ministère apostolique, ou ce ministère n'existait plus. Dans le premier cas, les auteurs de la réformation auraient dù se pourvoir auprès de l'Eglise pour en recevoir la mission ordinaire, ou se soumettre à son jugement; ce qu'ils n'ont pas fait. Dans le second cas, il faudra faire mentir Jesus-Christ, qui a promis d'être avec les apôtres et leurs successeurs jusqu'à la consommation des siècles. D'ailleurs, si on prétend que Luther, Calvin, Henri VIII, ont été envoyés de Dieu comme autrefois les prophètes et les apôtres, ne sommes-nous pas en droit d'exiger qu'ils nous présentent leurs lettres de créance, les titres de leur mission? Nous dirons donc ce que Tertullien disait de certains hérétiques de son temps : « Qu'ils « nous montrent de quelle autorité ils se produisent; qu'ils prou« vent qu'ils sont de nouveaux apôtres; que Jésus-Christ est des« cendu une seconde fois sur la terre, qu'il a enseigné de nouveau, « qu'il a été crucifié de nouveau, qu'il est mort de nouveau, qu'il « est ressuscité de nouveau, et qu'il leur a donné le pouvoir d'opé<< rer des miracles, comme il en a opéré lui-même : c'est à ces <«< traits que nous reconnaissons les vrais apôtres de Jésus-Christ. << Mais je ne dois pas taire les prodiges de ces nouveaux apôtres, « malheureux imitateurs des apôtres de Notre-Seigneur. Ceux-ci « rendaient la vie aux morts, et les autres donnent la mort aux vivants: Illi de mortuis vivos faciebant, isti de vivis mortuos fa« ciunt (2). »

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Concluons. Le protestantisme n'a ni l'apostolicité, ni la catholicité, ni la sainteté, ni l'unite, qui sont des marques positives de la véritable Église; i! n'a pas même la visibilité, ni la perpétuité, ni l'autorité de l'enseignement, qui en sont les marques négatives. donc le protestantisme n'est point l'Église de Jésus-Christ.

(1) Des Prescriptions, n° xxxvII. — (2) Des Prescriptions, no xxx.

ARTICLE II.

L'Église grecque n'a pas toutes les propriétés qui sont essentielies à la véritable Église.

978. On appelle Église grecque l'Église composée de chrétiens soumis au patriarche de Constantinople, et séparés de la communion de l'Eglise romaine. Le schisme des Grecs remonte à Photius, qui, après avoir usurpé le siége de Constantinople en 857, prit le titre de patriarche œcuménique ou universel, méconnaissant l'autorité du pape, qui s'était déclaré en faveur d'Ignace, le patriarche légitime. Mais ce schisme ne fut consommé que vers le milieu du onzième siècle, par Michel Cérularius, patriarche de la même ville. Les Grecs refusent au pape la suprématie de droit divin sur l'Église universelle, et reprochent a l'Église catholique l'addition du mot Filioque, qu'elle a faite au symbole de Nicée et de Constantinople, pour exprimer que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.

979. Or, évidemment, l'Église grecque ou photienne ne réunit pas tous les caractères qui distinguent l'Église de Jésus Christ. D'abord, elle n'a pas l'unité de doctrine, puisqu'elle n'admet plus les dogmes qu'elle admettait avant la révolte de Photius et de Michel Cerularius touchant la suprématie du pape et la procession du Saint-Esprit; ni l'unité de gouvernement, puisqu'elle n'est plus unie au chef de l'Église, qu'elle ne tient plus a la chaire de Pierre, d'où est sortie l'unité du ministère pastoral. Chez les Grecs, les uns reconnaissent pour chef de la religion le patriarche de Constantinople; les autres, le patriarche d'Antioche; ceux-ci, le patriarche d'Alexandrie; ceux-là, le patriarche de Jérusalem; d'autres enfin, comme les Russes ou Moscovites, ne dépendent plus que d'euxmêmes ou des souverains. L'état des Grecs sous la domination des Turcs est un véritable esclavage: ils peuvent, il est vrai, élire des patriarches et des évêques, mais ni les patriarches ni les évêques ne peuvent entrer en fonctions sans une commission expresse du Grand Seigneur. L'Église grecque n'a donc pas l'unité qui caractérise · l'Église de Jésus-Christ; elle n'a pas non plus la catholicité, car elle n'est point répandue dans toutes les parties du monde; et, fûtelle plus répandue qu'elle ne l'est, elle ne serait pas pour cela catholique; elle est beaucoup moins nombreuse que l'Église romaine, surtout si on considère qu'elle n'est pas en Orient ce qu'elle est en Russie. Quoique l'Église russe ait une grande affinité dans la doctrine et dans le culte avec les autres Eglises grecques, cependant

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