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Saint : « Celui qui met sa confiance en ses pensées, agit en impie : Qui confidit in cogitationibus suis, impie agit (1). »

1039. Quant à l'unanimité du corps épiscopal, on ne peut la révoquer en doute; il s'agit d'un jugement que l'on suppose avoir été souscrit par le plus grand nombre des évêques. Il ne s'agit pas de savoir quel est le sens ou la note que les évêques attachent aux différentes propositions, puisque ni le pape ni les évêques n'ont voulu nous faire connaître, par leur décret, que ce qu'il exprime; savoir, que toutes les propositions qu'il contient méritaient d'être condamnées, respectivement, comme hérétiques, erronées, téméraires, ou avec les autres qualifications qui y sont énoncées. Or, il suffit pour tout catholique de savoir qu'il n'est aucune des propositions proscrites qui ne soit hétérodoxe ou dangereuse, comme il suffit pour tout homme sensé qui est malade, de savoir que, de tous les médicaments qui lui sont interdits, il n'en est aucun qui ne soit plus ou moins nuisible à sa guérison, quoiqu'il ne puisse pas, à s'en tenir à l'ordonnance des docteurs, discerner ceux qui sont mortels de ceux qui ne le sont pas.

ARTICLE II.

Des notes ou qualifications en usage pour la condamnation des propositions contraires à la saine doctrine.

1040. Parmi les propositions qui méritent d'ètre condamnées, les unes peuvent être censurées comme hérétiques, voisines de l'hérésie, sentant l'hérésie, suspectes d'hérésie; les autres, comme erronées, voisines de l'erreur, sentant l'erreur, suspectes d'erreur; celles-ci, comme fausses, blasphématoires, impies, dangereuses, pernicieuses, scandaleuses; celles-là, comme captieuses, malsonnantes, offensives des oreilles pieuses; d'autres, comme téméraires, schismatiques, séditieuses. Voilà les principales censures ou qualifications que l'Église imprime aux différentes propositions qu'elle condamne, suivant qu'elles s'éloignent plus ou moins de l'enseignement et du langage catholique.

1041. On condamne comme hérétique toute proposition qui est directement, immédiatement contraire à la foi, c'est-à-dire, à une vérité que l'Église enseigne ou propose comme révélée de Dieu. Il est de foi, par exemple, qu'il y a trois personnes en Dieu, le Père,

(1, Proverbes, c. xn, v. 2.

le Fils et le Saint-Esprit. Il est de foi qu'il y a deux natures en Jésus-Christ, la nature divine et la nature humaine ; et que JésusChrist n'a cependant qu'une seule personne, la personne divine. Il est de foi que le Sauveur du monde est mort pour d'autres que les élus. Il est de foi que l'Église est infaillible dans son enseignement et ses décisions dogmatiques. Il est de foi qu'elle peut porter des lois dans l'ordre spirituel, établir des empêchements dirimants quant au contrat de mariage. Il est de foi que le pape est le chef de l'Église universelle, qu'il a une primauté non-seulement d'honneur, mais de juridiction dans toute l'Église. Ainsi, toutes les propositions contradictoires à ces différents articles et autres points définis par l'Église, sont hérétiques.

1042. Une proposition est voisine de l'hérésie, quand elle est regardée comme hérétique par le plus grand nombre des docteurs catholiques; les autres, qui passent pour être également orthodoxes, ne pensant pas que cette proposition, quoique erronée, mérite la qualification d'hérétique. On peut encore dire qu'une proposition est voisine de l'hérésie, qu'elle touche à l'hérésie, hæresi proxima, lorsque les conséquences qui en découlent naturellement conduisent à l'hérésie. Une proposition qui sent ou favorise l'hérésie, est celle qui, sans être formellement hérétique, donne lieu de juger, cu égard aux circonstances, que celui qui en est l'auteur ne reconnaît point tel ou tel article de foi, et qu'il pense comme les hérétiques. Elle est suspecte d'hérésie, si, sans être hérétique dans les termes dont elle est conçue, elle donne lieu, par certaines réticences, de soupçonner d'hérésie celui qui l'a avancée. Ainsi, du temps des ariens, ceux qui, tout en professant la divinité du Fils de Dieu, refusaient de l'appeler consubstantiel au Père, étaient suspects d'arianisme.

1043. Une proposition erronée est celle qui est directement contraire à une conclusion théologique immédiatement déduite, par le raisonnement, de deux propositions, dont l'une au moins est révélée; lorsque d'ailleurs l'Église s'abstient de nous donner cette conclusion comme un article de foi, encore que celle-ci soit fondée sur la pratique générale des fidèles, ou sur l'enseignement de tous les docteurs orthodoxes. On peut voir dans la bulle Auctorem fidei, du pape Pie VI, plusieurs propositions du synode de Pistoie, qui ont été condamnées comme erronées. Les propositions qui souchent à l'erreur, errori proximæ, qui sentent l'erreur, qui favorisent l'erreur, qui sont suspectes d'erreur, sont ainsi appelées parce qu'elles ont plus ou moins d'affinité avec l'erreur, ou

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qu'elles sont telles que, eu égard aux circonstances, on a plus ou moins de raison de juger ou de soupçonner celui qui en est l'auteur imbu de telle ou telle erreur.

1044. On entend par une proposition fausse celle qui nie un fait qu'on ne peut révoquer en doute: telle serait, par exemple, la proposition qui nierait que notre saint père le pape Pie IX fût le successeur de saint Pierre. Elle sentirait d'ailleurs l'hérésie ou serait suspecte d'hérésie, parce qu'elle tendrait à faire croire qu'un pape légitime ne serait point le vicaire de Jésus-Christ. Elle serait de plus schismatique, ou au moins suspecte de schisme; car elle nous représenterait le Saint-Père comme n'étant pas légitimement élu. Nous voyons dans la bulle d'Innocent X, de l'an 1653, que l'Église a condamné comme fausses la quatrième et la cinquième proposition de Jansénius : la quatrième, en tant qu'elle énonçait que les semi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce intérieure et prévenante pour chaque acte en particulier, même pour le commencement de la foi; la cinquième, en ce qu'elle affirmait que c'est semi-pélagien de dire que Jésus-Christ est mort absolument pour tous les hommes. Ainsi, l'on conçoit facilement la différence qu'il y a entre une proposition fausse et une proposition erronée. La première est contraire à un fait ; la seconde, à une vérité dogmatique. Cependant il n'est pas rare de rencontrer certaines propositions erronées condamnées comme fausses.

1045. On dit qu'une proposition est blasphématoire lorsqu'elle renferme quelque parole injurieuse à Dieu. Pour qu'il y ait blasphème, il n'est pas nécessaire que cette parole soit directement contre Dieu; il suffit qu'elle soit contre les saints, ou contre les choses sacrées, ou contre les créatures considérées comme œuvres de Dieu. On qualifie comme impie toute proposition qui tend à diminuer le culte que l'on doit à Dieu, ou à affaiblir en nous le sentiment de la piété chrétienne, de la confiance en la bonté divine. Ainsi le pape Innocent X a condamné comme impies les deux propositions de Jansénius, portant, la première, que quelques commandements de Dieu sont impossibles aux justes, faute de la grâce nécessaire pour les accomplir; la seconde, prise en ce sens que Jésus-Christ ne soit mort que pour le salut des prédestinés. Ces deux propositions, ne pouvant que jeter les fidèles dans le découragement, sont par là même évidemment contraires à la piété.

1046. Une proposition dangereuse est celle dont les hérétiques

peuvent abuser pour soutenir leurs erreurs. Mais ce qui est dangereux dans un temps peut ne l'être pas dans un autre; ainsi, par exemple, le mot consubstantiel fut rejeté par un concile d'Antioche, parce que les partisans de Sabellius en abusaient pour confondre les trois personnes divines, et les réduire à une seule. Mais lorsque ce danger n'exista plus, le concile de Nicée consacra ce même terme pour exprimer la divinité du Verbe, en le faisant tomber non sur les personnes, qui sont réellement distinctes, mais sur la substance, qui est numériquement une et même substance dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

1047. On qualifie encore de dangereuse ou de pernicieuse toute proposition qui tend à diminuer dans les fidèles le sentiment de la foi, l'horreur du péché, le respect pour les choses saintes, la soumission pour l'Église. Ainsi, par exemple, on doit regarder comme dangereuse la proposition par laquelle on affirme que l'Église a tort de ne pas permettre à tous les fidèles indistinctement de lire l'Écriture sainte en langue vulgaire; ou de défendre l'usage du gras en certains jours; ou d'obliger les fidèles à se confesser et à communier au moins une fois l'an. Toute proposition dangereuse ou pernicieuse est nécessairement scandaleuse, puisqu'une proposition scandaleuse est ainsi appelée parce qu'elle est de nature à porter les fidèles au péché, ou à les détourner de l'accomplissement de leurs devoirs, de la pratique de la piété ou de la vertu.

1048. On note comme captieuse toute proposition où, sous des termes que l'on peut prendre en bonne part, on cache le venin de l'erreur. Les ouvrages des jansénistes, tant sur le dogme que sur la morale, sont pleins d'expressions équivoques, de propositions captieuses. Aussi la lecture en est-elle dangereuse, même pour les ecclésiastiques qui n'ont pas une connaissance exacte des décrets du saint-siége sur les matières de la grâce, et des écrits de saint Augustin, dont les partisans de Jansenius et de Quesnel ont tant abusé.

1049. Une proposition malsonnante a beaucoup d'affinité avec une proposition captieuse; on l'appelle ainsi parce qu'elle est conçue en termes à double sens, de manière à ce que le sens hérétique ou erroné frappe plus que le sens orthodoxe dont elle est susceptible. Nous la distinguons de la proposition offensive des oreilles pieuses, qui, sans être impie ou contraire à la piété, renferme dans son énoncé quelque chose d'inconverant, qui blesse les oreilles des âmes pieuses. Telles seraient, par exemple, les propositions suivantes : « Saint Pierre, qui avez renié Jésus-Christ,

◄ priez pour nous; saint Paul, qui avez persécuté l'Église, priez « pour nous; saint Augustin, qui avez vécu plusieurs années dans ⚫ le libertinage, priez pour nous. »

1050. On censure comme téméraire toute proposition qui, hérétique ou non, est dénuée de fondement. Ainsi on qualifie de téméraire une opinion qui, s'écartant tout à la fois et de la doctrine généralement adoptée par les Pères et les théologiens, et de la croyance ou de la pratique commune de l'Église, n'a pour elle aucune autorité grave, ni aucune raison capable de faire impression, ou de contre-balancer les autorités et les raisons qui sont en faveur du sentiment contraire. Cette qualification s'encourrait par un écrivain qui attaquerait l'immaculée Conception de la sainte Vierge.

1051. Une proposition schismatique est celle qui tend à détourner les fidèles de l'obéissance ou de la soumission que l'on doit au pape, à l'évêque et autres supérieurs ecclésiastiques. Mais il ne faudrait pas mettre au nombre des schismatiques celui qui dirait que l'on doit obéir à l'évêque de préférence au curé, et au pape de préférence à l'évêque; car si les fidèles doivent être soumis à leur curé, le curé doit être soumis à l'évêque, comme l'évêque doit l'être au pape. Une proposition peut être favorable au schisme, sans être schismatique; alors on la censure comme favorisant le schisme.

1052. On donne le nom de séditieuse à une proposition qui porte à la révolte, soit contre l'autorité ecclésiastique, soit contre l'autorité civile.

Outre ces qualifications, nous en trouvons plusieurs autres dans la bulle Auctorem fidei, par laquelle certaines propositions ont été condamnées comme injurieuses aux papes, au saint-siége, à l'Église et à ses ministres, à la piété des fidèles; dérogeantes aux constitutions apostoliques; contraires à la pratique, aux lois, à l'autorité, à la puissance de l'Église; perturbatrices du repos des ames, subversives de l'ordre hiérarchique. Ces différentes notes ou censures n'ont pas besoin d'explication; il suffit de les énoncer pour en faire connaître le sens.

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