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tra (1); il regarde le pape comme le vicaire de Jésus-Christ sur la terre, Dei in terris vicarius (2); comme ayant une puissance suprême dans l'Église universelle, pro suprema potestate in universa Ecclesia (3); comme ayant l'administration de toute l'Église, universalis Ecclesiæ administratio (4); comme étant le souverain pontife qui doit, dans sa prudence et par son autorité, statuer ce qu'il juge utile à l'Église universelle, summus romanus pontifex cujus auctoritate et prudentia, quod universali Ecclesiæ expediet, statuatur (5). De là ce décret portant que tout patriarche, primat, archevêque ou évèque, observera tout ce qui a été décidé dans le concile, ajoutant la promesse et la profession d'une vraie obéissance au souverain pontife, necnon veram obedientiam summo romano pontifici spondeant et profiteantur (6).

1162. Cette foule d'autorités, que nous pourrions grossir encore, est certainement beaucoup plus que suffisante pour produire la conviction dans ceux qui cherchent sincèrement la vérité : « Néan<< moins il y a quelque chose peut-être plus frappant encore, c'est le « sentiment général qui résulte d'une lecture attentive de l'histoire « ecclésiastique. On y sent, s'il est permis de s'exprimer ainsi, je « ne sais quelle présence réelle du souverain pontife sur tous les points du monde chrétien. Il est partout, il se mêle de tout et regarde tout, comme de tous côtés on le regarde. Pascal a fort bien exprimé ce sentiment (7): Il ne faut pas, dit-il, juger de ce « qu'est le pape par quelques paroles des Pères..., mais par les actions de l'Église et des Pères, et par les canons. Le pape est a le premier, Quel autre est connu de tous? Quel autre est re« connu de tous, ayant pouvoir d'influer par tout le corps, parce qu'il est la maitresse branche qui influe partout (8)? »

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1163. Résumons: Il est prouvé par l'Écriture, par les écrits des saints Pères, par les décrets des souverains pontifes et des conciles, par la pratique générale et constante de l'Eglise, que le pape on l'évêque de Rome a reçu de Jésus-Christ, dans la personne de saint Pierre, prince des apôtres, la principauté sur l'Église universelle, avec le plein pouvoir de lier et de délier sur la terre; que Notre-Seigneur lui a donné les clefs du royaume céleste, qui sont l'emblème de l'autorité du gouvernement; qu'il en a fait le fondement de l'Église, contre laquelle les portes de l'enfer ne prévau

(1) Sess. vn, De baptismo, can. m, etc. — (2) Sess. vi, De reformatione, C. I. - (3) Sess. XIV, ch. vii. (4) Sess. xxv, De reformatione, c. I.

(5) Continuation de la dernière session. - (6) Sess. xxv, De reformatione, e. и. - (7) De Maistre, Du pape, liv. 1, C VIII.

(8) Pensées de Pascal.

dront point; qu'il lui a confié le soin de paître les agneaux et les brebis, les petits et les mères, les pasteurs eux-mêmes, et l'a chargé de confirmer ses frères dans la foi. Il est prouvé, par tous les monuments de l'antiquité ecclésiastique, que le pape est le prince, le pasteur, le père et le docteur de tous les chrétiens, le chef de toutes les Églises, le centre de l'unité chrétienne, dont on ne peut se séparer sans encourir les anathèmes de Jésus-Christ. Il n'a pas seulement une primauté d'honneur, comme l'ont prétendu quelques novateurs dans ces derniers temps, mais une primauté de juridiction et d'autorité, mais une suprématie, une principauté à laquelle tout est soumis dans l'ordre de la religion; tout, comme le dit Bossuet, rois et peuples, pasteurs et troupeaux (1). Qui ne s'écriera donc, avec ce grand évèque : « Sainte Église romaine, « mère des Églises et mère de tous les fideles, Église choisie de Dieu << pour unir ses enfants dans la même charité, nous tiendrons toujours à ton unité par le fond de nos entrailles. Si je t'oublie, Église romaine, puissé-je m'oublier moi-même! Que ma langue « se sèche et demeure immobile dans ma bouche, si tu n'es pas toujours la première dans mon souvenir; si je ne te mets pas au « commencement de tous mes cantiques de réjouissance: Adha«reat lingua mea faucibus meis, si non meminero tui; si non « proposuero Jerusalem in principio lætitiæ meæ (2). »

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CHAPITRE II.

Le siége apostolique est le centre de l'unité chrétienne.

1164. La primauté du pape une fois établie, nous avons à indiquer les principales prérogatives qui en découlent naturellement. Ces prérogatives sont: 1° que le saint-siége est le centre de l'unité chrétienne; 2o que le pape a la principale part aux décisions concernant la foi, et que l'on doit recevoir avec respect et soumission les décrets dogmatiques émanés de la chaire apostolique; 3° qu'il a le droit de porter, en matière de discipline, des lois qui obligent dans toute l'Église; 4° que l'institution des évêques appartient originairement au pape; 5o que le gouvernement du pape est un

(1) Sermon sur l'unité de l'Église. - (2) Psaume cxXXVI.

gouvernement monarchique. Nous ne parlerons ici que du pape considéré comme centre de l'unité, nous réservant de parler des autres prérogatives dans les chapitres suivants.

1165. Nous l'avons vu, saint Pierre est le fondement de l'Église de Jésus-Christ; c'est Pierre qui a reçu les clefs, c'est-à-dire le gouvernement du royaume de Dieu; c'est lui qui a été chargé de paître les agneaux et les brebis, le troupeau tout entier. Or l'Église de Jésus-Christ est une, le royaume de Dieu est un, le bercail de Notre-Seigneur est un, unum ovile et unus pastor. On ne peut donc appartenir à l'Église de Jésus-Christ, au royaume de Dieu, au bercail de Notre-Seigneur, à moins qu'on ne fasse partie de l'édifice fondé sur Pierre, du royaume dont le gouvernement a été donné à Pierre, du bercail dont la conduite a été confiée à Pierre, à moins par conséquent qu'on ne soit dans la communion du pape, successeur et héritier de Pierre. « L'autorité ecclésiastique, dit Bossuet • d'après saint Césaire d'Arles, premièrement établie en la personne « d'un seul, ne s'est répandue qu'à condition d'être toujours ramenée ⚫ au principe de son unité, et que tous ceux qui auront à l'exercer se << doivent tenir inséparablement unis à la même chaire. C'est cette << chaire romaine tant célébrée par les Pères, où ils ont exalté comme « à l'envi la principauté de la chaire apostolique; la principauté • principale, la source de l'unité, et dans la place de Pierre l'é« minent degré de la chaire sacerdotale; l'Église mère, qui tient « en sa main la conduite de toutes les autres Églises; le chef de « l'épiscopat, d'où part le rayon du gouvernement; la chaire principale; la chaire unique, en laquelle seule tous gardent « l'unité. Vous entendez, dans ces mots, saint Optat, saint Augustin, saint Cyprien, saint Irénée, saint Prosper, saint Avit, << saint Théodoret, le concile de Chalcédoine et les autres; l'Afrique, les Gaules, la Grèce, l'Asie, l'Orient et l'Occident unis en« semble (1). »

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1166. Mais, pour être véritablement uni au souverain pontife, il ne suffit pas de reconnaître que tel ou tel pape régnant est le successeur de saint Pierre; ce n'est pas assez de dire qu'on est et qu'on veut vivre dans la communion du saint-siége; il faut de plus être soumis aux décrets de la chaire apostolique, se conformer en tout à l'enseignement de l'Église romaine, la mère et la maîtresse de toutes les Églises. Ainsi, par exemple, un évêque institué contrairement aux règles canoniques n'en serait pas moins schis

(1) Sermon sur l'unité de l'Eglise.

matique, lors même que, à l'exemple des évêques partisans de la constitution dite civile du clergé de France, de l'an 1790, il écrirait au pape comme au chef visible de l'Eglise universelle, en témoignage de l'unité de foi et de la communion qu'il doit entretenir avec lui. Comment, en effet, peut-on dire que l'on conserve et que l'on entretient la communion avec le chef de l'Église, lorsqu'on se borne à lui donner avis d'une élection irrégulière, en même temps qu'on résiste aux décrets du saint-siége, ou qu'on viole les règles canoniques?« Puisque le souverain pontife est le « chef de l'Église, tous ses membres ne lui doivent-ils pas, comme « le dit Pie VI, la promesse solennelle de l'obéissance, seule capable de conserver l'unité dans l'Église, et d'empêcher que ce corps mystique établi par Jésus-Christ ne soit déchiré par des " schismes (1)?»

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Aux termes de la profession de foi dictée par Hormisdas et approuvée par le huitième concile général, on n'est dans la communion du pape qu'autant qu'on suit en tout le siége apostolique, ayant en tout les mêmes sentiments que le siége apostolique (2).

CHAPITRE III.

C'est au pape principalement qu'il appartient de prononcer sur les questions relatives à la foi.

1167. Quoique tous les évêques soient juges de la foi, néanmoins ils sont tous subordonnés, dans leurs jugements, à l'autorité du vicaire de Jésus-Christ, du successeur de saint Pierre, qui a reçu de Notre-Seigneur l'ordre de paître les agneaux et les brebis, les petits et les mères, les pasteurs eux-mêmes, et d'affermir ses frères, c'est-à-dire les apôtres et les évêques leurs successeurs. Il doit toujours y avoir un Pierre dans l'Église, pour confirmer ses frères dans la foi. C'est le moyen de conserver l'unité de sentiments, que le Sauveur du monde désirait avant toutes choses; et cette autorité est d'autant plus nécessaire pour les évêques, que leur foi est moins affermie que celle des apôtres (3).

1168. D'ailleurs, en faisant de saint Pierre le fondement de son

(1) Bref du 10 mars 1791, aux évêques de l'assemblée nationale de France.. (2) Voyez, ci-dessus, le no 1150. — (3) Bossuet, Méditations sur l'Évangile.

Église, Jésus-Christ lui a promis que les portes de l'enfer ne prévaudraient point contre elle; promesse divine, qui nous offre la plus grande garantie possible de l'orthodoxie des enseignements de saint Pierre et de son successeur. Le pape ne peut enseigner à tous les fidèles une erreur contre la foi, sans que l'erreur ne prévale contre le fondement de l'Église, sans qu'elle ne prévale par conséquent contre l'Église elle-même. Il en est des promesses faites à Pierre, le prince des apôtres, comme de celles qui ont été faites au college apostolique; elles sont non seulement pour tous les temps, mais pour tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles. « Il ⚫ est plus clair que le jour, dit Fénelon, que le saint-siége ne serait « point le fondement éternel, le chef et le centre de la communion «< catholique, s'il pouvait définir quelque chose d'hérétique dans ce « qu'il ordonne à toute l'Église de croire (1). »

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1169. C'est bien là le sens de la profession de foi dictée aux Orientaux par le pape Hormisdas, et approuvée de toute l'Église catholique. « On ne peut, porte-t-elle, déroger à la parole de NotreSeigneur Jésus-Christ, qui a dit : Tu es Pierre, et sur cette « Pierre je batirai mon Eglise. La vérité de cette parole est « prouvée par le fait même; car la religion a toujours été con« servée pure et sans tache dans le siege apostolique. C'est pourquoi, suivant en tout le siége apostolique et souscrivant à « tous ses décrets, j'espère mériter toujours de demeurer dans une « même communion avec vous, qui est celle du siége apostolique, « dans lequel réside l'entière et vraie solidité de la religion chré« tienne; promettant de ne point nommer, dans les sacres mys• tères, ceux qui sont séparés de la communion de l'Église catholique, c'est-a-dire qui n'ont pas en tout les mêmes sentiments que le siege apostolique (2). Ainsi, ajoute Fénelon, quiconque « contredit la foi romaine, qui est le centre de la tradition com« mune, contredit celle de l'Eglise entière. Au contraire, quiconque « demeure uni à la doctrine de cette Église toujours vierge ne ha<< sarde rien pour sa foi. Cette promesse, quoique générale, quoique «< absolue dans une profession de foi, n'a rien de téméraire ni d'ex«< cessif pour les évèques mêmes qu'on oblige de la signer. Gar« dez-vous donc bien d'écouter ceux qui oseraient vous dire que le « formulaire du pape Hormisdas, fait il y a douze cents ans pour

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(1) Instruction pastorale pour l'acceptation de la bulle Unigenitus. — Voyez, dans le chapitre précédent, les textes du second concile de Nicée et du quatrième concile de Constantinople. — (2) Voyez, ci-dessus, le n° 1150.

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