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remédier au schisme d'Acace, n'était qu'une entreprise passagère « du siége de Rome. Cette décision de foi, si décisive pour l'unité, « fut renouvelée par Adrien II plus de trois cents ans après, pour « finir le schisme de Photius; et elle fut universellement approuvée « dans le huitième concile œcuménique... Chaque évêque y promet « de ne se séparer ni de la foi ni de la doctrine du siége aposto« lique, mais de suivre en tout les décisions de ce siège (1). » Un évêque ne peut promettre de suivre l'erreur en quoi que ce soit. Il ne peut donc souscrire à tous les décrets du siége apostolique, ni promettre de suivre en tout ses décisions, qu'autant que tous les décrets ou décisions dogmatiques de la chaire apostolique sont infailliblement conformes à la doctrine de Jésus-Christ. Nous dirons donc, avec les Pères du second concile général de Lyon, que « le pontife romain étant tenu, plus que tout autre, de défendre la « vérité de la foi, c'est par l'autorité de son jugement que doivent « être définies les questions qui s'élèvent touchant la foi; que toutes ⚫ les Églises lui sont soumises, et que tous les évêques lui doivent « respect et obéissance (2). »

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1170. Aussi, l'assemblée du clergé de France, qui se tint à Melun en 1579, propose à tous les fidèles, « pour règle de leur ⚫ croyance, ce que croit et professe la sainte Église de Rome, qui « est la maîtresse, la colonne et l'appui de la vérité; parce que, ajoute cette assemblée, toute autre Église doit s'accorder avec « celle-là, à cause de sa principauté. » L'assemblée générale du clergé, de l'an 1625, s'exprimait dans le même sens. Écrivant aux archevêques et aux évêques du royaume : « Les évêques, ditelle, seront exhortés à honorer le siége apostolique et l'Église << romaine, fondée sur la promesse infaillible de Dieu, sur le sang des apôtres et des martyrs, la mère des Églises, et laquelle, pour parler avec saint Athanase, est comme la tète sacrée par laquelle « les autres Églises, qui ne sont que ses membres, se relèvent, se << maintiennent et se conservent. Ils respecteront aussi notre saint père le pape, chef visible de l'Église universelle, vicaire de Dieu « en terre, évêque des évêques et patriarches, auquel l'apostolat « et l'épiscopat ont eu commencement, et sur lequel Jésus-Christ « a fondé son Église, en lui baillant (donnant) les clefs du ciel « avec l'infaillibilité de la foi, que l'on a vue miraculeusement « demeurer immuable dans ses successeurs jusqu'aujourd'hui. Et ayant obligé tous les fidèles orthodoxes à leur rendre toutes

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(1) Instruction pastorale sur la bulle Unigenitus.

(2) Voyez le n° 1158.

« sortes d'obéissances, et à vivre en déférence à leurs saints dé« crets et ordonnances, les évêques seront exhortés à faire la même « chose, et à réprimer, autant qu'il leur sera possible, les esprits « libertins qui veulent révoquer en doute et mettre en compromis «< cette sainte et sacrée autorité, confirmée par tant de lois divines « et positives; et, pour montrer le chemin aux autres, ils y défé«reront les premiers. »

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1171. Nous trouvons les mêmes sentiments dans la lettre que trente et un évêques français écrivaient au pape Innocent X en 1653, au sujet de la condamnation des cinq propositions de Jansénius. Voici ce qu'ils disaient : « Dès les premiers temps, l'Église « catholique, appuyée sur la communion et l'autorité seule de Pierre, souscrivit sans hésitation et sans délai aucun, omni seposita hæsitatione vel cunctatione, à la condamnation de « l'hérésie pélagienne, prononcée par Innocent dans son décret « adressé aux évêques d'Afrique, et qui fut suivie d'une autre lettre du pape Zozime, adressée à tous les évêques de l'univers. . Elle savait, non-seulement par la promesse de Notre-Seigneur Jésus-Christ faite à Pierre, mais encore par les actes des anciens pontifes, et par les anathèmes dont le pape Damase avait frappé - récemment Apollinaire et Macédonius, avant qu'aucun concile « œcuménique les eût condamnés; elle savait que les jugements portés par les souverains pontifes, en réponse aux consultations ⚫ des évêques pour établir une règle de foi, jouissent également (soit que les évêques aient cru devoir exprimer leur sentiment « dans leur consultation, soit qu'ils aient omis de le faire) d'une « divine et souveraine autorité dans l'Église universelle; autorité

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à laquelle tous les chrétiens sont obligés de soumettre leur esprit « même. Nous donc aussi, pénétrés des mêmes sentiments et de la • même foi, nous aurons soin que la constitution donnée d'après ⚫ l'assistance du Saint-Esprit, par votre sainteté,.... soit promulguée dans nos Églises et diocèses, et nous en presserons même • l'exécution à l'égard du peuple fidèle. Ceux qui auront la témé« rité de la violer ne manqueront pas d'être punis suivant les ter« mes de la constitution même, et du bref que votre sainteté nous « a écrit ; en sorte qu'ils subiront les peines portées contre les héré⚫tiques (1). »

1172. Telle a toujours été la pratique des évêques de France,

(1) Voyez l'ouvrage intitulé De suprema romani Pontificis auctoritate hodierna Ecclesiæ gallicanæ doctrina, etc.

distin

même de ceux qui depuis la célèbre déclaration de 1682, guant la chaire de Pierre de celui qui l'occupe comme successeur de Pierre, reconnaissent avec tous les orthodoxes l'indéfectibilité du siége apostolique pour l'enseignement de la foi, sans reconnaître, en théorie, l'infaillibilité du souverain pontife. Soit inconséquence, soit instinct catholique, ils ont toujours reçu avec respect et soumission les constitutions dogmatiques des papes (1); condamnant sans hésitation et sans délai, omni seposita hæsitatione, vel cunctatione, tout ce qui avait été condamné solennellement par les papes. Nous en avons un exemple bien frappant dans la conduite de l'épiscopat français, au sujet de la constitution civile du clergé de l'an 1790. Les évêques députés à l'assemblée nationale dénoncèrent cette constitution à Pie VI, ajoutant, dans une de leurs lettres, que les fidèles attendaient une décision du souverain pontife, comme le témoignage vénérable de la foi de toutes les Églises (2) : et le pape ayant condamné la susdite constitution par un bref du 13 avril 1791, tous les évêques de France, à l'exception de quatre, souscrivirent à cette condamnation, et confessèrent la foi.

CHAPITRE IV.

Le pape peut porter des lois qui soient obligatoires pour toutes les Églises.

1173. Nous le répétons: le pape a reçu de Jésus-Christ, dans la personne de Pierre, prince des apôtres, les clefs du royaume des cieux, avec le pouvoir de lier et de délier sur la terre; avec la puissance pleine et entière de pattre, régir et gouverner l'Église universelle (3). Il peut donc porter des lois qui obligent tous les chrétiens; il n'y a pas de gouvernement sans pouvoir législatif; aussi, les Pères nous représentent le pape comme chef de toute l'Église, comme ayant une principauté qui s'étend sur tout le monde chrétien, comme le pasteur de tous, même des évêques ; expressions qui ne peuvent convenir qu'à celui qui a droit de com

(1) Voyez le même ouvrage. (2) Voyez la Collection des brefs de Pie VI, par M. Guillon, tom. 1, etc. — (3) Concile de Florence. Voyez, ci-dessus, le

n° 1159.

mander à tous. Aussi, tout évêque, à son sacre, promet-il de recevoir avec respect et d'observer les saintes décrétales et constitutions du siège apostolique (1).

1174. Il en est d'une loi pontificale comme de toute autre loi; elle n'oblige que par la promulgation qui en est faite : on demande donc quand les constitutions du souverain pontife seront censées suffisamment promulguées pour sortir leur effet. Les canonistes ne sont pas d'accord; les uns pensent qu'il suffit qu'une constitution du pape soit publiée à Rome, pour obliger tous ceux qu'elle concerne aussitôt qu'ils en auront une connaissance certaine. C'est le sentiment le plus commun; les autres veulent qu'elles n'aient force de loi que dans les provinces où elle a été publiée. Quoi qu'il en soit, comme il n'y a aucune formalité particulière qui soit essentielle à la promulgation, et qu'il appartient essentiellement au législateur de déterminer le mode dont une loi sera promulguée, il faut admettre qu'une constitution du chef de l'Église oblige tous ceux qui la connaissent, de quelque manière que leur soit venue cette connaissance, lorsque le pape en la publiant déclare expressément qu'il l'entend ainsi, nonobstant toute coutume ou tout usage contraire. Cependant, comme il peut arriver qu'une loi, quelque sage qu'elle soit, ne convienne pas également partout, et qu'elle offre des inconvénients particuliers pour certaines provinces, alors un évèque peut en suspendre l'exécution dans son diocèse, à charge par lui toutefois de soumettre ses motifs au souverain pontife, avec la disposition de s'en rapporter à sa décision. « Jamais « dans l'Église, dit Barruel, le droit d'éclairer Pierre n'effaça le « devoir d'être soumis à Pierre (2). »

1175. Mais n'avons-nous pas en France un droit particulier? Ne lit-on pas, dans les articles organiques ajoutés par le gouvernement au concordat de 1801: « Aucune bulle, bref, rescrit, décret, a mandat, provision, signature de provision, ni autres expéditions « de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, « ne pourront être reçues, publiées, imprimées, ni autrement « mises à exécution, sans l'autorisation du gouvernement? » Ne lit-on pas dans les mêmes articles, pour ce qui concerne les conciles : « Les décrets des synodes étrangers, même ceux des « conciles généraux, ne pourront être publiés en France avant « que le gouvernement en ait examiné la forme, leur conformité

(1) Voyez le Pontifical romain.

(2) Du pape et de ses droits, rve partie,

avec les lois, droits et franchises de la république française, et « tout ce qui, dans leur publication, pourrait altérer ou intéresser << la tranquillité publique, ou troubler arbitrairement la conscience « des citoyens? »

Pour ne pas nous écarter de notre sujet, nous nous dispense rons d'examiner s'il est possible de concilier, parmi nous, ces articles de la république française avec la liberté de la presse et la liberté des cultes, qui nous sont garanties par les lois du pays; si ce serait un délit, de la part de nos journalistes, de faire imprimer et de publier les encycliques de Pie IX, les bulles de jubilé, les constitutions apostoliques pour l'abolition de l'esclavage. Sous ce point de vue, la question n'appartient qu'indirectement à la théologie. Il ne s'agit pas non plus de savoir si une bulle du pape devient une loi de l'Etat, avant que la publication en ait été autorisée par le gouvernement; nous conviendrons qu'elle ne peut avoir le caractère d'une loi civile, qu'en vertu de l'acceptation qu'en ferait la puissance temporelle.

1176. Mais les décrets du pape et des conciles généraux sont-ils obligatoires dans l'ordre spirituel, indépendamment de l'autorisation du conseil d'Etat? En chargeant saint Pierre, le prince des apôtres, de gouverner le royaume de Dieu, c'est-à-dire l'Église, Jésus-Christ a-t-il soumis les actes de son gouvernement au bon plaisir de la synagogue ou des magistrats romains, au placet des consuls, des rois, de ceux qui sont à la tête d'une république? N'a-t-il pas, au contraire, annoncé à ses disciples qu'ils seraient traduits devant les tribunaux, pour lui rendre témoignage en présence des rois? Quoi! le souverain pontife est le père et le docteur de tous les chrétiens; il est le chef de l'Église universelle; il a reçu du Sauveur du monde l'ordre de paitre les agneaux et les brebis, de confirmer ses frères dans la foi; et il ne pourrait faire entendre sa voix à tous les chrétiens ! et il lui serait défendu de communiquer avec les catholiques! et ses décrets n'auraient d'effet sur les consciences qu'avec le permis des gouvernements! Si, sous le vain prétexte que les décrets et rescrits du saint-siége peuvent n'être pas d'accord avec les maximes et les droits du pays, le gouvernement a droit de blåmer ou de punir un évêque pour avoir correspondu avec le pape, le centre de l'unité catholique, ou pour avoir fait part à ses ouailles des grâces spirituelles qu'il a obtenues du vicaire de Jésus-Christ, ou pour avoir publié les enseignements

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