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Que saint Marc a t écrit ou omis l'histoire de la résurrection du Sauveur, qu'importe? Le fait n'est-il pas constaté par le témoignage des autres évangélistes, par le témoignage de tous les apôtres qui l'ont prêché de vive voix, par le témoignage de saint Marc luimême, qu'on sait avoir partagé les travaux apostoliques de saint Pierre? Quant à l'histoire de la femme adultère, elle n'entraîne aucune conséquence, ni pour le dogme, ni pour la morale, ni pour la mission de notre divin Maître. Quel dogme établissons-nous sur ce récit? Qu'est-ce que les fidèles peuvent en conclure? Ils en tirent pour leur édification des moralités utiles, il est vrai; mais ces moralités sont suppléées par mille autres textes qui nous offrent les mêmes conséquences. Enfin le texte de saint Jean n'est ni le scul ni le principal fondement du dogme de la Trinité. Jésus-Christ n'ordonne-t-il pas à ses apôtres, dans saint Matthieu, de baptiser les nations au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (1)? Ne dit-il pas, dans l'évangile de saint Jean, que son Père et lui ne sont qu'une substance: Ego et Pater unum sumus (2)? Et cet évangéliste ne dit-il pas lui-même qu'au commencement était le Verbe, et que le Verbe était Dieu: et Deus erat Verbum (3)? Le texte de saint Jean n'est donc pas plus essentiel à la religion chrétienne que l'histoire de la femme adultère et le dernier chapitre de saint Marc. Ainsi donc, lors même qu'on accorderait aux incrédules que l'authenticité de ces trois passages fût douteuse (ce que nous n'admettons certainement pas), on n'en pourrait rien conclure contre l'intégrité substantielle des livres du Nouveau Testament (4).

CHAPITRE IV.

De la véracité des livres saints.

154. Après avoir prouvé que les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament sont authentiques, et qu'ils sont parvenus jusqu'à nous exempts de toute altération substantielle, il nous reste à démontrer que les faits qu'ils contiennent sont vrais ; que les prodiges que nous y lisons sont incontestables; qu'on ne peut les révoquer en doute

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(1) S. Matth. c. XXVIII. v. 19. (2) S. Jean, c. x. v. 30. (3) Ibid. c. 1. V. I. — (4) Voyez Duvoisin, l'Autorité des livres du Nouv. Test., c. xix, art. 1; Houtteville, la Religion chrétienne prouvée par les faits, liv. 1, etc.

sans ébranler les fondements de la certitude historique. Or, il n'est pas difficile de prouver que les faits, même surnaturels, rapportés dans les Écritures, sont véritables. De l'aveu de tous, si on excepte les sceptiques, on peut connaître les faits dont on est témoin, et il existe des marques de vérité, des règles de critique, à l'aide desquelles le témoignage des hommes peut nous faire arriver au plus haut degré de certitude pour les faits qu'ils attestent. La tradition orale, l'histoire et les monuments, revêtus de certaines conditions, sont autant de moyens de transmettre à la postérité la connaissance des faits les plus reculés, sans en altérer la vérité ; et ces moyens de connaître le passé, qui nous rendent présents les événements les plus reculés pour les temps comme pour les lieux, s'appliquent aux miracles aussi bien qu'aux faits naturels.

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155. Laissons parler un philosophe non suspect, un encyclopédiste du dix-huitième siècle : « Prétendez-vous, me dit-on, vous << servir de ces marques de vérité pour les miracles comme pour les << faits naturels? Cette question m'a toujours surpris. Je réponds à « mon tour: Est-ce qu'un miracle n'est pas un fait? Si c'est un fait, pourquoi ne puis-je pas me servir des mêmes marques de vérité << pour les uns comme pour les autres? Serait-ce parce que le mi<< racle ne serait pas compris dans l'enchaînement du cours ordi<< naire des choses? Il faudrait que ce en quoi les miracles diffèrent << des faits naturels ne leur permit pas d'être susceptibles des mêmes marques de vérité, ou que du moins elles ne pussent pas faire « la même impression. En quoi different-ils donc ? Les uns sont produits par des agents naturels tant libres que nécessaires; les autres, par une force qui n'est point renfermée dans l'ordre de la «< nature. Je vois donc que Dieu produit l'un, et que la création produit l'autre. Qui ne voit que cette différence dans les causes « ne suffit pas pour que les mêmes caractères de vérité ne puissent leur convenir également? La règle invariable que nous avons pour « nous assurer des faits ne regarde ni leur nature, ni les causes " qui les produisent. Quelque différence que vous trouviez donc de ◄ ce côté-là, elle ne saurait s'étendre jusqu'à la règle, qui n'y touche point. Une simple supposition fera sentir que ce que je dis « est vrai : Qu'on se représente un monde où tous les événements « miraculeux qu'on voit dans celui-ci ne soient que les suites de « l'ordre établi dans celui-là; fixons nos regards sur le cours du soleil, pour nous servir d'exemple; supposons que dans ce monde imaginaire le soleil, suspendant sa course au commencement des quatre différentes saisons de l'année, le premier jour en soit qua

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⚫ tre fois plus long qu'à l'ordinaire; transportez dans ce monde les ⚫ hommes tels qu'ils sont ; ils seront témoins de ce spectacle, bien nouveau pour eux. Peut-on nier que, sans changer leurs organes, ils fussent en état de s'assurer de la longueur de ces jours? Il ne • s'agit encore, comme on voit, que des témoins oculaires, c'està-dire, si un homme peut voir aussi facilement un miracle qu'un « fait naturel; il tombe également sous les sens. La difficulté est donc levée quant aux témoins oculaires.

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156. « Or, ces témoins, qui nous rapportent un fait miraculeux, ont-ils plus de facilité pour nous en imposer que sur << tout autre fait? Et les marques de vérité que nous avons assignées ne reviennent-elles point avec toute leur force? Je pour

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« rai combiner également les témoins ensemble, je pourrai reconnaître si quelque passion ou quelque intérêt commun les fait agir; il ne faudra, en un mot, qu'examiner l'homme, et consul<< ter les lois générales qu'il suit : tout est égal de part et d'autre. Vous allez trop loin, me dira-t-on, tout n'est pas égal. Je sais que les marques de vérité ne sont point inutiles pour les faits miracu«<leux ; mais elles ne sauraient faire la même impression sur notre esprit. Elles ont la même force pour les faits naturels et pour les faits surnaturels; mais dans l'un il y a un obstacle à surmonter, « dans l'autre il n'y en a point. Dans le fait surnaturel, je vois l'impossibilité qui s'oppose à l'impression que feraient sur moi ces

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« marques de vérité; elle agit si fortement sur mon esprit, qu'elle le laisse en suspens et m'empêche de croire.

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157. « Ce raisonnement frappera sans doute tout homme qui le << lira rapidement sans l'approfondir, mais le plus léger examen << suffit pour en apercevoir tout le faux; semblable à ces fantômes « qui paraissent durant la nuit, et se dissipent à notre approche. Descendez jusque dans les abîmes du néant, vous y verrez les « faits naturels et surnaturels, confondus ensemble, ne tenir pas plus à l'être les uns que les autres; leur degré de possibilité pour sor"tir de ce gouffre et paraître au jour est précisément le même; car «< il est aussi facile à Dieu de rendre la vie à un mort que de la con« server à un vivant. Profitons maintenant de ce qu'on nous accorde les marques de vérité que nous avons pour les faits natu«rels peuvent convenir aux faits surnaturels ; de sorte que, s'il n'y « avait aucun obstacle à surmonter, point de raisons à combattre, « nous serions aussi assurés d'un fait miraculeux que d'un fait na« turel. Or, j'ose avancer qu'il en est précisément de même d'un ◄ fait surnaturel que d'un fait naturel; c'est à tort qu'on s'imagine

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a toujours voir l'impossibilité physique d'un fait miraculeux com<<< battre toutes les raisons qui concourent à nous en démontrer la « réalité. Car qu'est-ce que l'impossibilité physique? C'est l'impuissance des causes naturelles à produire un tel effet; cette im<< possibilité ne vient point du fait même, qui n'est pas plus im« possible que le fait naturel le plus simple. Lorsqu'on vient « vous apprendre un fait miraculeux, on ne prétend pas vous dire « qu'il a été produit par les seules forces des causes naturelles : « j'avoue qu'alors les raisons qui prouveraient ce fait seraient non<< seulement combattues, mais même détruites, non par une impossibilité physique, mais par une impossibilité absolue; car «< il est absolument impossible qu'une cause naturelle, avec ses << seules forces, produise un fait surnaturel. Vous devez donc, lors«qu'on vous apprend un fait miraculeux, joindre la cause qui peut « le produire avec le même fait; et alors l'impossibilité physique « ne pourra nullement s'opposer aux raisons que vous aurez de « croire ce fait.... Je ne vois d'autres raisons que celles qui naissent « d'une impossibilité métaphysique ou absolue, qui puissent s'op« poser à la preuve d'un fait. Ce raisonnement sera toujours invin«< cible. Le fait que je vous propose à croire ne présente rien à l'esprit d'absurde et de contradictoire : cessez donc de parler avec « moi de sa possibilité ou de son impossibilité....

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158. Pour ce qui regarde la certitude, il n'y a qu'une différence « entre les faits naturels et les miracles: pour ceux-ci on pousse les «< choses à la rigueur, et on demande qu'ils puissent soutenir l'exa« men le plus sévère; pour ceux-là, au contraire, ou ne va pas, à beaucoup près, si loin. Cela est fondé en raison, parce qu'un miracle est toujours un fait intéressant: mais cela n'empêche nulle«ment que la règle des faits ne puisse servir pour les miracles aussi « bien que pour les faits naturels; et si on veut examiner la diffi« culté présente de bien près, on verra qu'elle n'est fondée que sur «< ce qu'on se sert de la règle des faits pour examiner un miracle, et qu'on ne s'en sert pas ordinairement pour un fait naturel. S'il était arrivé un miracle dans les champs de Fontenoy le jour que « se donna la bataille de ce nom; si les deux armées avaient pu « l'apercevoir aisément; si en conséquence les mêmes bouches qui publièrent la nouvelle bataille l'avaient publié; s'il avait été accompagné des mêmes circonstances que cette bataille, et qu'il eût

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«< eu des suites, quel serait celui qui ajouterait foi à la nouvelle

<< de cette bataille, et qui douterait du miracle? Ici les deux faits

<< marchent de niveau; ils sont arrivés tous les deux à la certi

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tude (1). » L'incrédule ne peut donc se dispenser d'examiner et de croire, après examen, des faits rapportés dans le Pentateuque, dans les livres de Josué, des Juges, des Rois et des Prophètes, dans les Évangiles, les Actes des Apôtres, sous prétexte que ces faits sont, en grand nombre, des faits miraculeux, des prodiges opérés par l'intervention immédiate du Tout-Puissant.

ARTICLE I.

De la vérité des faits contenus dans le Pentateuque.

159. Nous divisons le Pentateuque en deux parties: la première, renfermée dans la Genèse et le premier chapitre de l'Exode, comprend en abrégé ce qui s'est passé depuis la création du monde jusqu'à la naissance de Moyse; la seconde contient l'histoire des Hébreux, depuis la naissance jusqu'à la mort de ce législateur. Les Hébreux s'étant prodigieusement multipliés en Égypte, les Égyptiens en conçoivent de la jalousie et les persécutent impitoyablement. Alors Dieu fait naître Moyse leur libérateur, le délivre des eaux du Nil, où il avait été exposé, et le fait tomber entre les mains de la fille du roi appelé Pharaon : celle-ci l'adopte pour son fils. Moyse tue un Égyptien qui avait maltraité un Hébreu, et s'enfuit dans la terre de Madian, où il paît les troupeaux de son beau-père Jéthro pendant quarante ans. Là, il entend la voix du Dieu de ses pères, qui le renvoie en Égypte pour tirer ses frères de la servitude. Il se présente donc, accompagné d'Aaron son frère, devant Pharaon, et lui intime les ordres du Seigneur. Le prince les méprise, et, au lieu de laisser sortir les Israélites, il appesantit encore leur joug. L'Égypte est frappée coup sur coup de dix plaies épouvantables; mais le cœur de Pharaon s'endurcit. Enfin les Hébreux, au nombre de six cent mille, non compris les femmes et les enfants, se rassemblent sous la conduite de Moyse, sortent de l'Égypte, prennent leur route du côté de la mer Rouge, et la passent à pied sec. Pharaon, que la fureur aveugle, veut les suivre; mais son armée est engloutie dans les flots. Depuis ce moment, l'histoire des Hébreux n'est, pour ainsi dire, qu'une suite continuelle de prodiges. Durant quarante ans, un pain céleste les nourrit dans les déserts arides et brûlants de l'Arabie; une colonne de feu éclaire leur marche pendant la nuit, et les préserve en même temps des ardeurs du soleil pendant le jour.

(1) Encyclopédie du xvme siècle, art. Certitude

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