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Au point du jour, le 13 Brumaire, (4 Novembre) les vents de la partie du sud-est, petit-frais, on s'aperçut qui l'ennemi beaucoup approché. Trois vaisseaux n'étaient plus qu'à trois portées de canon, et dès 7 heures une frégate avoit commencé à tirer, quoique d'un peu loin.

Il est fâcheux qu'en ce moment le contre-amiral Dumanoir n'ait pas suivi sa première pensée, celle de virer de bord, qu'il communiqua à la voix au capitaine du vaisseau le Mont-Blanc et que ce capitaine approuva.

Le contre-amiral Dumanoir annulla cette manœuvre peu de tems après l'avoir ordonnée, lorsque au contraire il eût dû la faire exécuter sur le champ, non par la contre-marche, comme il l'avait signalée, parce que ce mouvement est lent, et aurait donné le tems à l'ennemi de se rallier, mais vent devant, tousà-la-fois, pour combattre isolément les vaisseaux et frégates dispersés par la chasse.

Au lieu de prendre ce parti, le contre-amiral Dumanoir s'est occupé de différentes manoeuvres qui montraient son indécision et rallentissaient sa marche, telles que celle de laisser culer des vaisseaux pour tirer en retraite, celle de se former en ligne de bataille, et ensuite celle de se mettre en échiquier; cette dernière surtout occasionne beaucoup de retards, parce que les vaisseaux sont continuellement obligés de se relever mutuellement dans la ligne du plus près; et forcés en conséquence d'augmenter ou de diminuer de voiles pour s'y maintenir.

Pendant ce tems, les frégates tiraient des bordées sur le groupe de nos vaisseaux et sur la poupe de ceux de la queue, qui n'avaient à opposer que quelques coups de canon de leur sabords de poupe.

Ils ont du nécessairement à la longue, perdre de leur grée ment et de leur voilure, et conséquemment de leur vitesse.

Enfin, le contre-amiral Dumanoir, à onze heures trois quarts, sur la réprésentation du capitaine du vaisseau le Mont-Blanc, se décide de virer de bord, et se trouve forcé par sou retard, de faire cette manoeuvre sous le feu de l'ennemi: un des trois vaisseaux qui l'attaquaient avait déjà doublé le travers de son vaisseau de queue.

Comment le contre-amiral Dumanoir pouvait-il s'imaginer que les ennemis eussent prolongé sa ligne et rendu l'action générale ?

Il devait penser, au contraire, qu'il était de leur intérêt d'écraser ses vaissaux de queue et da la combattre en détail, pour éprouver moins de perte et le réduire plus facilement. Le contre-amiral Dumanoir a été fortheureux que, dans ce virement de bord, sous le feu de l'ennemi, des avaries dans le gréement ou la mâture n'avient pas fait manquer l'évolution à quelqu'un de ses vaisseaux. Il eût été plus sûr d'exécuter cette manœuvre avant d'être aussi près l'ennemi.

Ce contré-amiral peut objecter "que s'il avait viré plutô, ies bâtimens anglais auraient eux-mêmes réviré pour se rallier. Il y a effectivement apparence qu'ils se seraient repliés; néanmoius, du moment où il était décidé que l'ennemi l'au rait joint et forcé au combat, il n'y avait plus à balancer; il fallait que le contre-amiral Dumanoir montrât à son escadre et aux Anglais, de la résolution et de l'audace: si l'ennemi avait eu la présomption d'attendre, la chance pouvait être heureuse.

En résumé, le conseil d'enquête estime que le contre-amiral Dumanoir a eu tort.

1o. De n'avoir pas viré de bord dès sept heures et demie du matin; au moment où lui-même l'a proposé au capitaine du vaisseau le Mont Blanc, qui acquiesça à cette manœuvre et l'appuya de son avis, et d'en avoir annullé l'exécution peu de tems après l'avoir ordonnée;

2o. De s'être laissé, pendant plus de quatre heures, chasser et canonner par les frégates de force qui attaquaient ses vaisseaux avec trop d'avantages par la poupe, au lieu de faire combattre ces mêmes frégates bord à bord par les meilleurs marcheurs de son escadre;

3o. De n'avoir viré de bord que sous le feu des vaisseaux ennemis, lorsqu'ils avaient déjà attaqué sa queue.

Enfin le contre-amiral Dumanois a marqué trop d'indécision

dans toutes manœuvres.

Quant à la défense des vaisseaux, le conseil estime, qu'on n'a que des éloges à donner à la bravoure constante des capitaines, officiers et équipages.

L'état où étaient les vaisseaux dès avant le combat, exigeait constamment une partie des hommes pour le service des pom pes. Dans cette situation, la division ne pouvait avoir l'espoir de résister à des forces supérieures qui se composaient de quatre vaisseaux et de quatre frégates de premier rang, et qui ne sortaient point, comme elle, d'essuyer un combat. On voit qu'elle a soutenu cette nouvelle action, pendant quatre heures et demie, presque toujours à portée de fusil, et ne s'est rendue que démâtée de ses principaux mâts.

Fait à Paris, le 29 Décembre, 1809.

(Signé)

Le comte BOUGAINVILLE.

Le comte de FLEURIEU,

Le vice-amiral THEVENARD,
Le vice-amiral ROSILY.

Renvoyé au ministre de la marine, pour faire exécuter les lois de l'empire.

Au palais des Thuileries, ce 3 Janvier, 1810.

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CORPS LÉGISLATIF.

Séance du 4 Janvier.

Auprès la lecture du procès-verbal, on introduit MM. les conseillers-d'états comtes Defermon, Jaubert et Bérenger, orateurs chargés par S. M. l'empereur et roi de présenter au corps législatif le budget ou loi de finances de l'état pour l'année 1810.

M. le ministre d'état, comte Defermon. Messieurs, lorsque nous vous présentâmes la dernière loi sur les finances, nous étions loin de prévoir une nouvelle guerre; mais elle a été si promptement et si heureusement terminée, que nous n'avons point à faire des demandes pour couvrir les dépenses extraordinaires qu'elle a nécessitées.

La loi que l'empereur nous a chargés de mettre sous vos yeux, avec les comptes des ministres des finances et du trésor, prouve la constante sollicitude de S. M. à maintenir l'ordre dans l'administration des finances.

Les titres 1, 2 et 3 de la loi ont pour objet de régler définitivement, et de faire solder et apurer les exercices an 14, 1806 et 1807.

Pour faciliter le service et la tenue des écritures du trésor, il faut clore successivement les divers exercices, et de même que nous n'avons plus à vous entretenir des exercice antérieurs à l'an 14, parce que les ressources qui leur ont été assignées, ont suffi pour les solder; nous n'aurons plus à vous entretenir de ceux de 1806 et 1807, lesquels, en trouvant dans les affections que nous vous proposons, les ressources nécessaires pour leur solde, laissent disponibles pour l'exercice de 1808, 4,500,000 fr.·

Vous remarquerez, Messieurs, dans les chapitres du compte, relatifs à ces exercices, de quel secours ont été pour le trésor les contributions de guerre, perçues en numéraire ou en naturé dans les pays occupés par les armées française.

Nous devons ces ressources de l'empereur, dont le génie embrasse toutes les parties. Nos armées ne sont plus exposées au denuement et aux privations, dont le défaut d'ordre et de prévoyance les rendit victimes. En même temps que des récompenses honorables sont assurées à ceux qui les méritent, le trésor reçoit les supplémens qui lui sont nécessaires.

Ainsi, en l'an 14, 1806, tandis que les dépenses de la guerre s'élevaient à 495,000,000, le trésor public ne contribuait à leur acquittement que jusqu'à concurrence des crédits ouverts par la loi, c'est-à-dire, pour une somme de 428,796,320, le surplus était soldé par les coutributions militaires, en numé

raire ou en nature.

En 1807, portées à 486,000,000; 337,195,747 fr. étaient acquittés sur les crédits législatifs, et les surplus également

soldé par ces mêmes contributions militaires, numéraire, ou en

nature.

En 1808, ces dépenses ont absorbé les 342,529,000 qui formaient la somme totale du crédit ouvert par la loi, en montant à 475,000,000 et le solde du surplus a encore été pris sur les contributions militaires.

Et en 1809, pendant que toutes les dépenses que la guerre commandait sur la rive droite du Rhin étaient soldées par la caisse des contributious militaires, cette caisse remboursait au trésor les avances qu'il avait faites pour ouverture de la campagne; de sorte que les dépenses extraordinaires nécessitées par la dernière guerre ne couteront rien au trésor public.

Le titre 4, en portant à 740,000,000 le crédit ouvert pour les dépenses de 1808, tend à couvrir, par un crédit de 80,000,000 en domaines, la différence entre les recettes présumées et celles effectives de cet exercice.

C'est la première fois, Messieurs, qu'il s'est présenté une différence marquée entre les recettes effectives et celles présumées chaque année, au contraire, des diverses parties du revenu public, éprouvaient quelques améliorations.

Ce n'est aussi qu'aux circonstances du moment que l'on doit la diminuition du produit des douanes. L'intérêt politique a commandé les mesures qui causent cette diminution, et nous devons en attendre avec confiance le résultat.

Le titre 5 règle les recettes et les dépenses de l'exercice 1809.

Les recettes présumées sont portées à 730 millions, et l'on ne saurait avoir à craindre du diminution sur cette évaluation, dans laquelle les douanes ne sont plus comprises que pour un produit basé sur les circonstances actuelles.

Le titre 6 renferme des dispositions dont nous devons vous développer les motifs.

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D'abord, pour ce qui concerne la dette du Piémont et de la Ligurie, si l'on se reporte à l'époque de la réunion de ces pays à l'empire, et que l'on se demande, quel était l'état de leur dette publique? tous les renseignemens apprennent qu'elle était tombée dans le dernier discrédit, et que les créanciers mal payés de rentes annuelles, ne trouvaient qu'une très-faible valeur du capital.

S. M. s'occupa du sort de ees créanciers: les paiemens des arrérages furent d'abord ordonnés.

Les domaines nationaux qui formaient le gage naturel des capitaux de cette dette ont été mis en vente, et les créances admises dans le prix des adjudications.

Mais ces mesures provisoires laissent encore à décider quel parti il convient à prendre définitivement sur cette dette. L'amortira-t-on ? ou en ordonnera-t-on l'inscription au grand livre de la dette publique française ?

L'unité de l'empire ne permet pas de perpétuer une dette

particulière à l'ancien Piémout ou à la Ligurie. Nous ne pouvons avoir que des dettes communales, départementales ou nationales: les anciennes dettes de ces pays doivent être rangées dans une de ces trois classes.

En les mettant au nombre des dettes nationales, et en les inscrivant au grand livre de la dette publique française, on leur donnait tout d'un coup une augmentation de valeur de plus de trente à quarante pour cent, et l'on s'exposait au danger de your les possesseurs de ces nouvelles inscriptions s'empresser de les réaliser par des ventes, et par là, porter atteinte au crédit du tiers consolidé.

Un autre inconvénient qui en serait résulté, c'est que les domaines nationaux qui ont le gage naturel de ces dettes, seraient restés entre les mains de l'administration, dans les quelles ils depérissent lorsque le paiement des arrages aurait continué de gréver le trésor public. Il a donc paru convenable de faire inscrire sur le g and livre de la dette publique française la moitié seulement de ces dettes, et d'amortir le surplus, en lui donnant son écoulement en acquisitions de domaines nationaux.

La mesure prise pour la dette de Toscane a été plus générale. Ou a affecté à son amortissement une masse de domaiues nationaux de valeur égale, Tout le pays a applaudi à

cette mesure.

En second lieu, la liquidation générale de la dette publique, est un de ces établissemens nécessités par les circonstances produites par la révolution. De sa nature il ne pouvait être que temporaire, et les lois de déchéance, successivement prononcées, avaient eu pour but d'en accélérer le terme.

Cependant, depuis 20 ans, cet établissement existe; et quel qu'ait été le zèle de ceux qui ont été appelés à la diriger, il leur a été impossible d'en terminer tous les travaux.

Pendant le tems du papier-monnaie, et surtout à l'époque de sou discredit, la plupart des créanciers, loin de presser leurs liquidations, cherchaient à les retarder, et s'exposaient plutôt aux dangers de la déchéance, que de recevoir en paiement des valeurs presques nulles.

Les véntications du service de quelques compagnies de fournisseurs, ayant fait reconnaître que ces derniers avaient grossi leur productions, de plusieurs millions de pièces fausses, on a dû porter dans l'exainien des autres services, l'attention la plus severe; et lorsque les entrepreneurs ont eu à redouter I on demasquât leur brigandage, ils ont aussi cherché les moyens de ralentir la marche des travaux de la liquidation.

que

Un grand nombre de créances plus ou moins incertaines, ou assez modiques, pour que les créanciers ne voulussent pas se donner la peine d'en suivre la liquidation, restaient dans les bureaux, sans qu'il pût être fait de rapports, et pris de décision définitives.

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