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Si le premier titre du sénatus-consulte contient aujourd'hui les dispositions pour le remplacement des pertes éprouvées par la couronne, c'est parce que S. M. s'est arrêtée sur une idée nouvelle née de sa prévoyance, de son désir de fixité, et si je puis m'exprimer ainsi, de cet instinct de stabilité qui l'inspire toujours.

Elle a remarqué que l'acte des constitutions du 28 Floréal constitue la liste civile, telle qu'elle fut fondée en 1791, et qu'elle a pourtant subi depuis cette époque des diminutions notables. S. M. dès-lors a craint que dans l'avenir on ne cherchât dans ces pertes, un prétexte pour des indemnités excessives; elle a voulu en les réglant, dès aujourd'hui, interdire tout retour, fermer tout accès aux réclamations des administrateurs futurs du domaine de la couronne.

Je n'ajouterai rien, Messieurs, au rapport clair et précis de M. l'intendant-général. Sa texture a suffi pour vous convaincre que les domaines nouveaux assignés à la couronne, sont un remplacement, sans être une compensation.

Nous vous remettons, Messieurs, un état des domaines dont la réunion est proposée. Ils sont de telle nature, que les indiquer, c'est aller au-devant des vœux de la nation, et de vos désirs; ce sont ou des parties de bois enclavées dans les forêts de la couronne, ou des forêts voisines de la capitale, dans lesquelles S. M. pourra, plus près de ses sujets, avides de la voir, et moins éloignée de son cabinet où le travail l'enchaîne, prendant quelques jours plus aisément dérober aux soins de l'empire, un exercice indispensable à la conservation d'une tête si chère à la France et si précieuse à l'Europe.

Mais le domaine de la couronne ne se compose pas seulement d'immeubles; elle a aussi un domaine mobilier.

La révolution a englouti presque entièrement celui dont l'assemblée constituante avait ordonné les inventaires. A l'avenement de l'empereur au trône, il en restait à peine quelques débris.

Aujourd'hui, sans qu'il en est rien coûté au trésor de l'état, l'éclat qui environne le trône est digne de la grandeur du monarque et de son empire. Les habitations des rois sont sorties de leurs ruines par une création soudaine dont la rapidité n'a jamais exclu l'ordre et l'économie.

Dans ces riches décorations, la reconnaissance des Français et l'admiration des étrangers distinguent ces chefs-d'œuvre du ciseau et du pinceau des anciens qui peuplent les musées, les galeries, les jardins impériaux: offrandes réservées et consacrées par le vainqueur, au génie des arts, comme autrefois les triomphateurs offraient aux dieux, une partie des dépouilles des nations vaincues.

S. M. Messieurs, met un soin si religieux à la conservation, à l'accroissement de ses trésors, qu'en les déclarant inaliénables,

elle veut que le domaine privé, dont nous vous entretiendrons bientôt, se dessaississe et fasse à la couronne l'hommage nécessaire de toute statue, médaille, manuscrit antique, de tout tableau dont l'auteur aura subi, depuis un siècle, le jugement impartial de la postérité.

Pour que le sénatus-consulte qui vous est présenté ne laissât rien à chercher dans vos actes précédens, S. M. a jugé convenable d'y rappeler les dispositions qui concernent ses palais au-delà des Alpes, et de les mettre en harmonie avec celles qui concernent, la dotation générale de la couronne.

A cet égard, Messieurs, je ne vous rappelerai pas ce que les orateurs de S. M. vous ont exposé, lorsqu'ils présentèrent à votre sanction l'utile institution des gouvernemens généraux à Turin et à Florence, mais je vous dirai que déjà toutes les espérances que S. M. en avait conçues, ne sont réalisées.

Les capitales de ces anciens royaumes, à présent réunis au grand empire, ont vu leurs regrets se changer en reconnaissance, leurs pertes réparées par des avantages plus qu'équivalens. Toujours présent au milieu de ses nouveaux sujets par les augustes représentans qu'il s'est choisis, l'empereur y verse les bienfaits, par la même main qui exerce sa puissance. Le bien s'opère saus effort, le mal est prévenu sans violence, et l'unité d'intérêts, l'unité d'affections se prépare par l'unité dans la législation, le gouvernement et l'administration.

Si donc ces institutions exigent une affectation spéciale de revenus, c'est le sacrifice le plus juste à la fois et le plus utile: itous les avantages en reviennent à l'état qui a une garantie de sa tranquillité, aux sujets qui s'affectionnent à leur nouvelle patrie. Et S. M. ne recevant rien pour son trésor, consacrant la dotation entière au traitement des princes qu'elle a investis de sa -confiance, aux gages des officiers, au mobilier, à l'entretien de ses palais, n'intervient que comme une Providence qui dispense des biens confiés à sa sagesse.

Ces dotations sont prises sur les biens domaniaux des pays même où elles sont fondées; elles pourront augmenter de prix lorsque les propriétés se seront relevées à leur valeur effective par le classement graduel qui doit s'opérer: alors S. M., pourra, avec les formalités garantes de la perpétuité des institutions, changer, si les circonstances le conseillent, les domaines contre des rentes sur l'état: remettre ainsi de nouvelles propriétés dans le commerce, attacher les peuples plus étroitement à la fortune publique, et accroître les revenus assignés pour tenir les cours de Turin et de florence.

J'ai dit avec les formalités garautes de la perpetuité des in-stitutions: car la dotation de la couronne est un domaine inaliénable, qui doit suivre à jamais sa destination, qui ne peut en aucun tems être diminué, dont la conservation nous est confiée, Messieurs, comme celle des autres droits du trône et de la na

tion, et qui ne peut changer de nature, ni s'accroître, même des libéralités impériales, sans l'assentiment du sénat; l'impôt ne doit jamais atteindre ce domaine, nulle hypothèque, nulle créance ne peut le gréver, nul échange, nul bail emphyteotique ne peut en altérer la nature ou la valeur sans votre intervention éclairée.

Enfin, c'est le gage inviolable de la grandeur de la nation, de la splendeur du trône, de l'indépendance du monarque.

Pour assurer mieux cette inaliénabilité du domaine de la couronne impériale. S. M. a voulu le séparer de tous les autres biens qui appartiennent, à d'autres titres, à la couronne, ou à la personne même du monarque.

De là la distinction que nous allons établir entre le domaine extraordinaire et le domaine privé, séparés tous deux de la dotation de la couronne, dont nous venons de vous entretenir,

DEUXIÈME PARTIE.

Du domaine extraordinaire.

"Le domaine extraordinaire se compose des domaines et biens mobiliers et immobiliers que l'empereur, exerçant le droit de paix et de guerre, acquiert par des conquêtes ou des traités" (art. 20, du projet du sénatus-consulte.)

Le compte du ministre des finances pour 1809, a appelé la reconnaissance publique et la vôtre, sur cette habileté prévoyante, sur cet ordre admirable qui a fait d'une conquête, d'une victoire, l'instrument et le gage d'une autre conquête et d'une autre victoire; qui a fait du laurier un arbre fécond, dont les fruits ont nourri les braves que ses branches avaient couronnés.

Mais non-seulement la providence française a pourvu ainsi aux besoins de l'armée; elle a pu encore faire de riches réserves et indépendamment des contributions réalisées, conserver de vastes domaines dans les pays où les aigles impériales ont été plautées.

Il faut remonter bien haut dans l'histoire pour trouver des exemples d'aussi immenses conquêtes; les fastes des Romains, vainqueurs du monde, pourraient seuls nous en fournir.

Leurs empereurs, et depuis les monarques auxquels les terres de leur domination ont fourni des royaumes, ont toujours réuni les conquêtes au domaine de leur couronne: toujours ils en ont disposé à des titres variés, selon que les lois romaines régnaient chez les princes conquérans, qu sur les provinces conquises.

Les monarchies d'Europe et la monarchie française en particulier, nous ont constamment offert cette législation politique, consacrée par l'assentiment des peuples et par les actes des souverains.

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A la suprême force appartient la suprême modération.

L'empereur n'a pas voulu qu'à la dotation de sa couronne, que S. M. trouve suffisante, fussent réunis les produits de ses conquêtes.

Il ne veut être que le conservateur, l'administrateur, le dispensateur des fruits de la victoire.

Les faire tourner entièrement au profit de l'état, en enrichir exclusivement son trésor, ce serait trop faire pour la nation prise collectivement, et trop refuser aux légions de braves qui ont marché pour elle aux combats.

Les victoires maritimes donnent à ceux qui les remportent, un droit de partage sur la conquête.

Peut-être l'étendue des sacrifices et des dangers qui prépaparent et assurent les triomphes sur mer, ont-ils consacré cet usage universellement suivi.

Nos guerres contimentales modernes n'offrent pas aujourd'hui moins de périls à affronter, moins de sacrifices à faire, que les combats les plus acharnés dont l'océan ait jamais été témoin.

Et par ce motif seul il faudrait peut-être étendre aux guerriers de nos légions, immortelles comme leur chef le droit accordé aux marins sur les dépouilles des vaincus.

D'autres considératious ne permettant pas de verser tous les produits des conquêtes au trésor public.

S'il est vrai qu'il ne soit pas dans la justice, il est certain aussi qu'il n'est pas dans la sagesse d'un souverain qui connaît le cœur humain, de laisser ses compagnons d'armes sans intérêts dans les résultats utiles de leurs triomphes.

En assurant la part de l'armée dans les fruits de ses victoires, on intéresse chaque soldat à la conservation du bien de

tous.

Guerriers ou administrateurs, tous s'établissent les gardiens de la fortune commune; tous s'arment de vigilance contre les abus, les dilapidations.

C'est ainsi, Messieurs, que dans ses campagnes, l'empereur à créé pour ses armées un nouveau genre de gloire; tout ce qui a été conquis a été mis sous la sauve-garde d'une discipline sévère, rien n'a porté atteinte à la dignité des soldats français. Ils étaient súrs de la justice du prince, ils n'out pas songé à se la faire eux-mêmes; ils ont attendu le prix de leurs services; ils l'ont reçu solennel et glorieux; ils en jouissent avec sécurité et avec orgueil.

Toutefois, de ces faits et de ces principes, S. M. n'a pas tiré cette conséquence extrême que tout le produit des conquêtes dût appartenir à l'armée.

De même que dans l'intérieur de l'empire une portion de capitaux doit appartenir à la réproduction; de même, comme je l'ai déjà dit, le général triomphant doit trouver dans une

victoire, la sémence d'une victoire nouvelle, dans une conquête le moyen d'en garantir la conservation.

C'est ainsi que le matériel et le personnel de l'armée, out été, non-seulement maintenus, mais améliorés à l'aide des contributions et des revenus de tous genres perçus dans les pays envahis par nos armées.

Nous avons vu nos trains d'artillerie revenir plus nombreux et mieux équipés, nos escadrons et nos bataillons rentrer mieux montés, mieux vêtus qu'à l'ouverture de la campagne.

Nos nouvelles frontières ont vu d'autres Vauban élever des fortifications imposantes, boulevards inattaquables du grand empire.

Les fleuves du territoire ennemi ont vu leurs lits ou leurs rivages domptés par des travaux inouïs, ouvrir l'accès dans les camps autrichiens, fermer l'accès des camps français, et les peuples partager leur étonnement entre l'audace, l'immensité, et la rapidité de ces constructions inconnues, même du tems des soldats de César.

La conquête a fourni les moyens d'assurer ces grands résultats; elle a pourvu à tout. Les soldats français ont reçu de nobles et justes récompenses: les services civils ont été associés à ces honorables distinctions; les travaux littéraires ont été appelés à les partager; de nouveaux monumens s'élèvent pour fournir des palais aux monarques, des temples aux arts, des trophées à la victoire.

Et ce vaste systême conçu, exécuté par S. M., pendant sa campagne, va être consacré, éternisé par la législation politique de l'empire.

Ce que l'empereur a exécuté, vous allez l'écrire, vous allez le transmettre à ses successeurs comme la règle de leur justice, comme le gage de leurs succès, comme le garant de leur gloire. Le domaine de leur couronne constitué pour toujours, sera immortel comme elle; assigné au plus noble emploi; le domaine extraordinaire, justement distribué, entourera leur trône d'une splendeur honorable, d'un luxe glorieux; enfin un autre domaine possédé au même titre que toutes les propriétés de l'empire assurera encore au souverain les jouissances personnelles de l'homme privé; c'est la matière du troisième titre,

TROISIÈME PARTIE.

Du domaine privé de l'Empereur.

Cette couronne si brillante, si honorablement dotée de revenus inaltérables; ce domaine extraordinaire, source renaissante d'une générosité inépuisable au moyen des reversions; tous ces biens affectés aux besoins, aux jouissances, consacrés aux libéralitiés ou aux projets créateures d'un monarque puissant, doivent suffire sans doute aux désirs de la sagesse, et combler même les vœux de l'ambition,

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