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les tableaux annexés aux lois sur les finances, la différence que vous avez remarquée entre les départemens au-delà des Alpes et les autres départemens de la France. L'impôt additionnel s'élevait dans quelques départemens de l'Italie, beaucoup audessus de la quotité légale; le projet le fixe pour eux comme pour le reste de l'empire, à dix-sept centimes par franc. Enfin, suivant ce projet les centimes autorisés par des lois spéciales et ceux qui auront été imposés pour les besoins des départemens, conformément à l'article 68 de la loi du 24 Avril 1806, seront perçus pour l'année 1811.

Mais une circonstance imprévue a forcé en 1809 quelques départemens à des dépenses extraordinaires qui ne peuvent être acquittées que par de nouveaux centimes additionnels. Les insulaires dont le gouvernement regarde les horreurs de la guerre comme un moyen de prospérité pour leur commerce descendent sur le sol de la Hollande. L'ile de Walcheren est en leur pouvoir; ils menacent les côtes de la France, ils menacent la ville d'Anvers étonnée d'avoir reçu nos vaisseaux dans son port.

L'empereur des Français à la tête de ses légions victorieuses, est à trois cents lieues de sa capitale; mais il connaît son peuple; il connaît cette armée innombrable toujours prête à quitter les occupations sédentaires des villes et les travaux de la campagne pour voler à la défense de la patrie. L'attente du chef de l'état n'est point trompée. De toutes parts arrivent des bataillons nombreux, levés et équipés aux frais des départemens. L'ennemi perd toute espérance de ravage et d'incendie.

Il abandonne l'ile hollandaise, et le territoire français est respecté.

Tandis que le gouvernement anglais cherche à rejeter la honte de cette expédition sur les chefs qui l'ont conduite, le nôtre s'occupe des moyens de ramener à la régularité administrative des mesures que l'ardeur du patriotisme en avait écartées. Le projet de loi ordonne "aux préfets des départemens qui ont concouru à la défense des côtes en 1809, de remettre le compte des dépenses extraordinaires qui ont eu lieu dans cette circonstance aux conseils-généraux, lesquels détermineront le nombre de centimes qui devra être imposé en une ou deux années pour y subvenir."

Les dispositions que nous venons d'examiner et que nous vous proposons d'adopter concernant les contributions directes et les centimes additionnels ne sont point applicables aux départemens de Rome et du Trasimène. Trop récemment unis à l'empire, ils conservent leurs anciennes impositions, et le taux en est fixé par le décret impérial du 3 Janvier dernier, L'impôt sur les terres et les maisons de ces deux départemens, les taxes sur les vignes de l'Agro-Romano, sur les chevaux de luxe de la ville de Rome et pour l'entretien des toutes, ne

figurent donc dans le projet que comme des exceptions à la loi générale sur les contributions. Ces deux nouveaux départe mens ont leur budget particulier, et leurs recettes ainsi que leurs dépenses ne sont point encore comprises dans celui de l'empire.

Mais il est indispensable de les assujettir au droit commun pour une taxe dont le produit fait partie de celui de nos contributions indirectes, et la réunion de cette contrée à la France, en reculant les limites de notre territoire, exige un changement dans la législation sur le port des lettres.

Le maximum de cette taxe a été fixé par la loi du 24 Avril 1806, à 12 décimes au-delà de 1200 kilomètres indéfiment. Aujourd'hui les dépêches peuvent parcourir des distances beaucoup plus considérables, et si le port des lettres qui vont au-delà de 1800 kilomètres n'était payé que 12 décimes, les frais de cette augmentation de service seraient entièrement à la charge de l'administration. Le projet de loi supprime donc le maximum fixé par la loi de 1806, et il ordonne qu'à dater de la publication de la loi nouvelle, il sera perçu pour le port des lettres au-delà de douze cents et jusqu'à quatorze cents et jusqu'à seize cents kilomètres, 13 décimes: au-delà de seize cents et jusqu'à dix huit cents kilomètres, 14 décimes, et ensuite 1 décime de plus pour chaque nouvelle distance de deux cents kilomètres.

Cette nouvelle progression d'un décime par deux cents kilomètres pour les pays nouvellement réunis à l'empire n'est que le supplément du tarif décrété par la loi du 24 Avril 1806. Elle ne peut être considérée comme un changement avantageux au trésor public dans une des branches des contributions indirectes qui sont toutes prorogées par le projet de loi pour l'année 1811, sans aucune augmentation, mais avec une modification également favorable aux contribuables, et à l'agriculture.

L'impôt indirect a l'avantage de se confondre avec le prix de l'objet sur lequel il est établi d'être presque toujours accompagné d'une jouissance pour le cousommateur qui l'acquitte, et de déguiser ainsi à ses yeux le sacrifice que le propriétaire voit tout entier dans la contribution. Mais sa principale utilité, ou plutot son unique objet, est de diminuer la portion du revenu foncier réclamée par les besoins publics, et de favoriser l'agriculture, en laissaut au propriétaire les moyens d'entreprendre les améliorations qui lui sont conseillées pour son intérêt, et qui augmentent la vraie richesse de l'état. Ainsi, lorsque dans le mode de sa perception, un impot indirect nuit à l'agriculture, il produit un effet contraire à celui que la loi vouloit obtenir, et le gouvernement s'empresse de le ramener à son véritable but aux dépens même du trésor public. Tel est, Messieurs, le motif de la disposition du projet de loi qui mo

difie le droit sur la fabrication des eaux-de-vie de grains, de pommes de terre, et autres substances farineuses.

Pour sentir combien la fabrication de cette espèce d'eau-devie intéresse l'agriculture dans les départemens du nord, il suffit de savoir que la drêche, ou le résidu des substances mises en distillation, nourrit et engraisse les bestiaux, et que les petites distilleries ont le double avantage de procurer à l'habitant de la campagne le moins aisé une liqueur nécessaire dans ces contrées, et de lui fournir les moyens d'augmenter la fertilité du champ qu'il cultive,

La loi du 5 Ventose, an 12, assujétissait les distillateurs de toute espèce de graine à un droit de 40 cent, par hectolitre de substance mise en distillation.

Etablir ainsi un droit unique et une perception uniforme sur le volume des substances avant la fabrication, c'était supposer qu'elles étaient constamment les mêmes, et qu'avec la même quantité de substances on obtenait dans toutes les distilleries la même mesure et le même degré de produit spiritueux; mais il existe une grande variété dans le choix comme dans le mélange des substances farineuses employées à la fabrication des eaux-de-vie. Les grandes distilleries prefèrent celles qui, sous un moindre voluine, produisent une plus grande quantité d'esprit; les petites celles qui donnent un résidu plus abon dant pour la nourriture du bétail. Une variété plus grande encore se fait remarquer dans les procédés de la distillation; et cette variété, en supposaut même les substances exactement pareilles, donne à leurs produits une valeur inégale. Ainsi le droit imposé sur les matières avant la fabrication frappait sur des élémens dissemblables. Il était en raison inverse de la valeur des boissons qu'il devait atteindre. Il pesait plus particulièrement sur le genre de distillation la plus utile à l'agri culture, et menaçait l'existence d'une industrie si nécessaire à la classe laborieuse des habitans de la campagne.

Votre commission des finances, dans son rapport du 25 Novembre 1808, vous a rendu compte des nombreuses réclamations qui s'étoient élevées contre le mode uniforme de proportionner l'impôt à la mesure des substances; mais en vous proposant d'adopter la loi actuellement en vigueur, elle ne vous a point dissimulé que l'expérience seule pouvait en démontrer les avantages ou les inconvéniens; "que cette loi laisserait "sans doute apercevoir de nouvelles imperfections, et de"viendrait l'objet d'un nouveau travail."

La loi du 25 Novembre 1808 substitue au mode de perception établi par celle de l'an douze, un droit de vingt francs par mois, par hectolitre de la contenance des chaudières.

Les distillateurs dont les chaudières réunies n'excèdent pas seize hectolitres, peuvent exprimer dans leurs déclarations qu'ils n'entendent distiller que pendant le tiers ou les deux

tiers du mois. Alors ils ne doivent que le tiers ou les deux tiers du droit fixé pour le mois entier.

Nous n'examinerons point en détail les reproches que les distillateurs de grains fout à la législation actuelle. Pour déterminer le gouvernement à la modifier, il suffit qu'elle n'ait point remédié aux inconvéniens de la loi du 5 Ventôse, an douze, que le nombre des petites distilleries soit considérablement diminué dans les plusieurs départemens du nord, et que la classe intéressante des petits distillateurs se plaigne de la disposition qui les astreint à travailler pendant le tiers du mois, ou du moins de payer le droit comme s'ils distillaient pendant dix jours, quoiqu'ils en employent souvent beaucoup moins pour se procurer la drèche nécessaire à la nourriture de leurs bestiaux.

Le projet de loi supprime le mode de perception établi par la loi de 1808, et le remplace par un droit d'un franc, cinquante centimes par hectolitre d'eau-de-vie fabriquée à 17 degrés et au-dessous, de deux francs par hectolitre au-dessus de 17 degrés jusqu'à 21, et de trois fr. par hectolitre au-delà de 21 degrés. Ce droit sera remis sur les eaux-de-vie de grains exportées à l'étranger.

Le projet laisse à tous les distillateurs de substances farineuses la liberté de travailler pendant le tems qu'ils jugeront convenable, et la seule obligation qu'il leur impose, c'est d'exprimer dans leurs déclarations le nombre de jours pendant lequel ils se proposent de distiller.

Par ce nouveau mode, Messieurs, la perception est plus ex posée, sans doute, aux surprises de la fraude. Pour l'en gas rantir, le projet donne aux préposés de la régie le droit d'assister même pendant la nuit, à toutes les opérations de la distillation. Il défend à tout distillateur de changer, modifier ou altérer la contenance et le jaugeage de ses ustensiles, sans en avoir fait la déclaration préalable au bureau le plus voisin de sa distillerie. Enfin, il punit d'une amende de 300 fr. et de la confiscation des objets saisis en fraude, toutes les contraventions aux dispositious du titre dont nous terminons l'examen. Nous vous proposons avec confiance d'adopter la modification bienfaisante qu'il apporte aux contributions indirectes, et les mesures qui défendront le nouveau droit contre les dangers de la fraude.

La substitution de ce droit à celui qui se perçoit, aujourd'hui diminuera le produit de la régie des droits réunies mais cette considération ne peut jamais suspendre une décision de S. M. Jorsqu'une portion nombreuse de ses sujets en attend les plus grands avantages.

A la fin de votre dernière session, Messieurs, votre commission des finances vous annonçait un changement heureux dans une des branches de l'impôt indirect. Le gouvernement

remplit aujourd'hui notre attente et la vôtre. Il nous est permis d'espérer que pendant votre session prochaine il vous proposera une nouvelle modification qui intéresse encore les habitans des départemens du nord, et que nous avons sollicitée

avec eux.

Ainsi disparaîtront du systême de nos finances toutes les imperfections dévoilées par le tems, toutes les erreurs dénoncées par l'expérience. La paix que promet au monde Palliance de deux grands peuples garantie par les affections les plus chères de notre auguste souverain, la paix hâtera sand doute le moment où ce vaste systême doit atteindre à sa perfection. Mais quand le seul ennemi qui reste à la France voudrait perpétuer la guerre pour jouir da privilége exclusif de vendre au continent des productions étrangères le calme du reste de l'Europe permettra au gouvernement de réduire les dépenses publiques, d'améliorer toutes les parties de nos finances; l'ordre établi dans leur administration sera la source de tous les genres de prospérité, et le monarque le plus puis sant sera aussi le plus heureux. Uni à la jeune prineesse qui par les éminentes qualités méritait de monter sur le premier trône de l'univers, il jouira du bonheur de ses peuples, it jouira du bonheur que donnent les plus doux sentimens de la nature; double récompense accordée rarement aux vertus des plus grands princes, et due au souverain qui ne désire de vivre que pour servir ses sujets.

Votre commission des finances, Messieurs, vous propose d'adopter le projet de loi qui proroge pour 1811 toutes les contributions et les centimes additionnels imposés pour 1810 ouvrent pour 1811, un crédit provisoire de 720 millious; régularise les dépenses des départemens, qui ont concouru à la défense des côtes, établi sur la taxe des lettres au-delà de douze cents kilomètres une progression d'un décime par deux cents kilomètres, et substitue à l'impôt existant sur les distilleries de grains un droit proportionnel sur la qualité des eaux-de-vie.

On introduit MM. les conseillers d'état comtes Régnaud de Saint-Jean-d'Angely, Bergouen et Molé, chargé par un décret spécial de S. M. de se rendre aujourd'hui à la séance du corps législatif pour y porter la parole en son nom.

M. le comte de Régnaud de Saint-Jean-d'Angely, conseiller d'état.-Messieurs, les travaux de votre double session, les événemens qui l'ont précédée et accompagnée laisseront à la nation de grands souvenirs et de hautes espérances.

La législation civile et financière a suivi la marche non-interrompue depuis dix ans, qui tend à perfectionner les principes, à compléter le système de la première, à alléger le poids des contributions établies par la seconde.

L'organisation intérieure s'est améliorée; l'industrie a suivi

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