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de Bellune le fut sur la rive gauche; l'armée prit les armes. Le duc d'Elchingen se porta à la suite du duc de Reggio, et le duc de Trévise derrière le duc d'Elchingen. Le combat devint vif; l'ennemi voulut déborder notre droite; le général Doumerc, commandant la 5e division de cuirassiers, et qui faisait partie du 2e corps resté sur la Dwina, ordonna une charge de cavalerie aux 4e et 5e régimens de cuirassiers, au moment où la légion de la Vistule s'engageait dans des bois pour percer le centre de l'ennemi qui fut culbuté et mis en déroute. Ces braves curaissiers enfoucèront successivement six carrés d'infanterie et mirent en déroute la cavalerie ennemie qui venait au secours de son infanterie: 6 mille prisonniers, deux drapeaux et 6 pièces de canon tombèrent en notre pou

voir.

De son côté, le duc de Bellune fit charger vigoureusement l'ennemi, le battit, lui fit 5 à 600 prisonniers et le tint hors la portée du canon du pont. Le général Fournier fit une belle charge de cavalerie.

Dans le combat de la Beresina, l'armée de Volhynie a beaucoup souffert. Le duc de Reggio a été blessé; sa blessure n'est pas dangereuse; é'est une balle qu'il a reçu dans le côté.

Le lendemain 29, nous restâmes sur le champ de bataille. Nous avions à choisir entre deux routes: celle de Minsk et celle de Wilna. La route de Minsk passe au milieu d'une forêt et de marais incultes, et il eût été impossible à l'armée de s'y nourrir. La route de Wilna, au contraire, passe dans de très-bons pays. L'armée sans cavallerie, faible en munitions, horriblement fatiguée de cinquante jours de marche, traînant, à sa suite ses malades et les blessés de tant de combats, avait besoin d'arriver à ses magasins.

Le 30, le quartier-général fut à Phlecnistsi; leler Décembre à Slaiki, et le 3 à Molodetchno, où l'armée a reçu les premiers convois de Wilna.

Tous les officiers et soldats blessés, et tout ce qui est embar- ́ ras, haggages, &c. ont été dirigés sur Wilna.

Dire que l'armée a besoin de rétablir sa discipline, de se refaire, de remonter sa cavalerie, son artillerie et son matériel, c'est le résultat de l'exposé qui vient d'être fait. Le repos est son premier besoin. Le matériel et les chevaux arrivent.

Le général Bourcier a déjà plus de 20,000 chevaux de remonte dans différens dépôts. L'artillerie a déjà réparé ses pertes. Les généraux, les officiers et les soldats ont beaucoup souffert de la fatigue et de la disette. Beaucoup ont perdu leurs bagages par suite de la perte de leurs chevaux; quelqes-uns par le fait des embuscades des Cosaques. Les Cosaques ont pris nombre d'hommes isolés, d'ingénieurs géographes qui levaient les positions, et d'officiers blessés qui marchaient sans

précaution, préferant courir des risques, plutôt que de mar cher posément et dans des convois.

Les rapports des officiers-généraux commandans les corps feront connaître les officiers et soldats qui se sont les plus dis tingués, et les détails de tous ces mémorables événemens.

Dans tous ces mouvemens, l'empereur a toujours marché au milieu de sa garde; la cavalerie, commandée par le maréchal duc d'Istrie, et l'infanterie, commandée par le duc de Dantzick. M. S. a été satisfaite du bon esprit que sa garde a montré; elle a toujours été prête à se porter partout où les circonstances l'auroient exigé, mais les circonstances ont tou jours été telles que sa simple présence a suffi, et qu'elle n'a pas été dans le cas de donner.

Le prince de Neufchâtel, le grand-maréchal, le grandécuyer et tous les aides-de-camp et les officiers militaires de la maison de l'empereur, ont toujours accompagné S. M..

Notre cavalerie était tellement démontée, que l'on a pu réunir les officiers auxquels il restait un cheval, pour en former quatre compagnies de 150 hommes chacune. Les généraux y faisaient les fonctions de capitaines, et les colonels celles de sous officiers. Cet escadron sacré, commandé par le général Grouchy, et sous les ordres du roi de Naples, ne perdoit pas de vu l'empereur dans tous les mouvemens,

19 Décembre.

Le 5 Décembre, l'empereur réunit au quartier-général de Smorgony, le roi de Naples, le vice-roi, le prince de Neuf châtel et les maréchaux ducs d'Elchingen, de Dantzick, de Trévise, le prince d'Eckmuhl, le duc d'Istrie, et leur fit connaître qu'elle avait nommé le roi de Naples son lieutenant-général, pour commander l'armée pendant la rigoureuse saison. S. M. passant à Wilna, accorda un travail de plusieurs heures à M. le duc de Bassano.

S. M. voyagea incognito dans un seul traîneau, avec et sous. le nom du duc de Vincenze. Elle visita les fortifications de Praga, parcourut Varsovie, et y passa plusieurs heures inconnue. Deux heures avant son départ elle fit chercher le comte Potocki et le ministre des finances du grand-duché, qu'elle entretint long-tems.

S. M. arriva le 14, à une heure après minuit, à Dresde, et descendit chez le comte Serra son ministre. Elle s'entretint long-tems avec le roi de Saxe et repartit immédiatement, prenant la route de Leipsick et de Mayence.

20 Décembre.

Sa majesté l'empereur est arrivée à Paris, hier à onze heures et demie du soir. Elle a reçu les princes grands-dignitaires, les ministres et les grands officiers.

Le duc de Cadore a prêté serment entre les mains de S. M. en qualité de ministre secrétaire d'état par interim, à la place du comte Daru, qui reste jusqu'à nouvel ordre à l'armee, faisant les fonctions d'intendant-général.

S. M. a chargé l'évêque de Nantes, un de ses aumoniers, de l'administration de sa chapelle en l'absence du grand

aumonier.

21 Décembre.

Aujourd'hui, dimanche, 20 Décembre 1812, à midi, l'empereur étant sur son trône, entouré des princes grands digaitaires, des cardinaux, des ministres, des grands officiers, des grands afgles de la légion d'honneur et des officiers' de service près S. M., a reçu le sénat, qui a été conduit à cette audience par un maître et un aide des cérémonies, introduit par S. Exc. le grand-maître, et présenté par S. A. S. le prince vice grand électeur S. Exc. M. le comte de Lacépède, président, a porté la parole en ces termes :

"Sire,

Le sénat s'empresse de présenter au pied du trône de V. M. I. et R., l'hommage de ses félicitations sur l'heureuse arrivée de V. M. au milieu de ses peuples.

"L'absence de V. M. sire, est toujours une calamité nationale, sa présence est un bienfait qui remplit de joie et de. confiance tout le peuple français.

"V. M. I. et R. a posé toutes les bases de l'organisation de son vaste empire; mais il lui reste encore bien des objets à consolider ou à terminer, et le moindre retard dans le complé ment de nos institutions est un malheur national.

"Pendant que V. M. sire, était à 800 lieues de sa capitale, à la tête de ses armées victorieuses, des hommes échappés des prisons où votre clémence impériale les avait soustraits à la mort, méritée par leurs crimes passés, ont voulu troubler l'ordre public dans cette grande cité. Ils ont porté la peine de leurs nouveaux attentats.

"Heurense la France, sire, que sa constitution mo narchique met à l'abri des effets funestes des discordes civiles, des haines sanglantes que les partis enfantent, et des désordres horribles que les révolutions entraînent !

"Le sénat, premier conseil de l'empereur, et dont l'autorité n'existe que lorsque le monarque la réclame et la met en

mouvement, est établi pour la conservation de cette monarchie, et de l'hérédité de votre trône dans notre quatrième dynastie. "La France et la postérité le trouveront dans toutes les citconstances fidèle à ce devoir sacré, et tous ses membres seront toujours prêts à périr pour la défense de ce palladium de la sûreté et de la prospérité nationales.

"Dans les commencemens de nos anciennes dynasties, sire, on vit plus d'une fois le monarque ordonner qu'un serment soJennel liât d'avance les Français de tous les rangs à l'héritier du trône; et quelquefois, lorsque l'âge du jeune prince le permit, une couronne fut placée sur sa tête, comme le gage de son autorité future et le symbole de la perpétuité du gouverne

meut.

"L'affection que toute la nation a pour le roi de Rome, prouve, sire, et l'attachement des Français pour le sang de V. M. et ce sentiment intérieur qui rassure chaque citoyen, et qui lui montre dans cet auguste enfant la sûreté des siens, la sauve-garde de sa fortune, et un obstacle invincible à ces divisions intestines, ces agitations civiles et ces bouleversemens politiques, les plus grands des fléaux qui puissent affliger les peuples,

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Sire, V. M. a arboré les aigles françaises sur les tours de Moscou. L'ennemi n'a pu arrêter ses succès et contrarier ses projets, qu'en ayant recours aux affreuses ressources des gouvernemens despotiques, en créant des déserts sur toutes ses frontières, en portant l'incendie dans ses provinces, en livrant aux flammes sa capitale, le centre de ses richesses et le produit de tant de siècles.

"Ils connaissaient mal le cœur de V. M., sire, ceux qui ont renouvelé cette tactique barbare de leurs sauvages ancêtres. Elle eût volontiers renoncé à des trophées qui devaient coûter tant de sang et de maux à l'humanité.

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L'empressement avec lequel on voit arriver de tous les départemens de l'empire, sous les drapeaux de V. M., les nombreux soldats appelés par le sénatus-consulte de Septem bre dernier, est un exemple de tout ce que V. M. doit attendre du zèle, du patriotisme et de l'ardeur belliqueuse des Français, pour arracher à l'influence de nos ennemis les diverses portions du continent, et pour conquérir une paix honorable et solide.

"Que V. M. I. et R., sire, agrée le tribut de la reconnoissance, de l'amour et de l'inviolable fidélité du sénat et du peuple français.

S. M. a répondu en ces termes :

"Sénateurs,

"Ce que vous me dites m'est fort agréable. J'ai à cœur la gloire et la puissance de la France: mais mes premières pensées sont pour tout ce qui peut perpétuer la tranquillité intérieure, et mettre à jamais mes peuples à l'abri des dé

chiremens des factions et des horreurs de l'anarchie. C'est sur ces ennemies du bonheur des peuples que j'ai fondé, avec la volonté et l'amour des Français, ce trône auquel sont attachées désormais les destinées de la patrie.

"Des soldats timides et lâches perdent l'indépendance des nations, mais des magistrats pusillanimes détruisent l'empire des lois, les droits du trône et l'ordre social lui-même.

La plus belle mort serait celle d'un soldat qui périt au champ d'honneur, si la mort d'un magistrat périssant en défendant le souverain, le trône et les lois n'était plus glorieuse

encore.

"Lorsque j'ai entrepris la régénération de la France, j'ai demandé à la Providence un nombre d'années déterminé. On détruit dans un moment, mais on ne peut réédifier sans le secours du tems. Le plus grand besoin de l'état est celui de magistrats courageux.

Nos pères avaient pour cri de ralliement: Le roi est mort, vive le roi! Ce peu de mots contient les principaux avantages de la monarchie. Je crois avoir bien étudié l'esprit que mes peuples ont montré dans les différens siècles; j'ai réfléchi à ce qui a été fait aux différentes époques de notre histoire; j'y penserai encore.

"La guerre que je soutiens contre la Russie est une guerre politique. Le l'ai faite sans animosité; j'eusse voulu lui éparguer les maux qu'elle-même s'est faits. J'aurais pu armer la plus grande partie de sa population contre elle-même, en proclamant la liberté des esclaves; un grand nombre de villages me l'ont demande, mais lorsque j'ai connu l'abrutissement de cette classe nombreuse du peuple russe, je me suis refusé à cette mesure qui aurait voué à la mort et aux plus horribles supplices bien des familles. Mon armée a essuyé des pertes, mais c'est par la rigueur prématurée de la saison.

"J'agrée les sentimens que vous m'exprimez."

Après cette audience, le conseil d'état, produit et introduit dans les mêmes formes, a été présenté à S. M. par S. A. S. le prince archi-chancelier de l'empire.

S. Ex. M. Le comte de Fermont, ministre d'état, président de la section des finances, a parlé en ces termes :

"Sire,

Le premier besoin qu'éprouvent avec tous vos fidèles sujets les membres de votre couseil d'état est d'apporter aux pieds du trône de V. M. leurs félicitations sur son heureux retour, et de lui exprimer les sentimeus de reconnaissance dont ils ont été pénétrés en apprenant que V. M. venait combler par sa présence les vœux et les espérances de ses peuples.

"Tandis que, pendant l'absence de V. M., nous nous occupions des travaux qu'elle a daigné nous confier, et que Sasas

TOME III.

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