Page images
PDF
EPUB

Le 1er. frimaire an 8 (22 novembre 1799), TalleyrandPérigord est nommé au ministère des relations extérieures, en remplacement de Reinhard, démissionnaire; et Forfait, ingénieur - constructeur de la marine, au ministère de la marine et des colonies. Les consuls, dans cette journée, nomment vingt-cinq commissaires, chargés d'aller dans les départements pour observer l'esprit public. Ces commissaires, choisis parmi les députés qui ne font point partie des commissions législatives, se rendent bientôt à leur destination; ils étaient revêtus du pouvoir de révoquer ceux des fonctionnaires publics, dont les principes et la conduite paraîtraient opposés au gouvernement consulaire.

L'archiduc Charles, ayant été informé de l'échec qu'avaient essuyé les troupes autrichiennes sur le Bas-Rhin, et qui avait amené lé quatrième blocus de Philisbourg, leur envoya des renforts en cavalerie et en infanterie. Le général Gorger, qui les commandait en chef, fut cassé, et remplacé par le comte de Starray. Les Autrichiens reprirent alors l'offensive. Le 2 frimaire (23 novembre), ils essaient de déborder les deux ailes de l'armée française. Les postes que Lecourbe avait placés entre le Necker et le Mein, sont forcés de se replier. Cette circonstance détermine le général français à concentrer ses forces. Il porte le centre de sa ligne le plus près possible de Sintzheim; et, pour être maître des deux rivières, la Kraich et l'Eltzbach, il se fortifie à Muntzingen et à Weyer.

[ocr errors]

Le 3 frimaire (24 novembre), les consuls ordonnent la réunion des armées du Rhin et du Danube sous le nom d'armée du Rhin : elle devra s'étendre depuis Genève jusqu'à Oppenheim. Moreau reçoit le commandement en chef de cette armée. Masséna est en même temps appelé à celui de l'armée d'Italie. On verra bientôt avec quel éclat ces deux généraux illustres ont su justifier le choix du gouver

nement.

Dans la même journée, Hédouville, général en chef de l'armée d'Angleterre, (on appelait ainsi l'armée destinée à agir contre les émigrés et les Anglais qui les soutenaient dans l'ouest de la France), conclut une suspension d'hostilités avec les principaux chefs des royalistes, MM. de Bourmont, de Châtillon et d'Autichamp, dont les troupes occupaient les départements de l'ouest. Cet armistice est aussitôt annoncé aux chefs royalistes de la Normandie et de la Bretagne, afin que les stipulations en soient communes à ces

provinces. L'intrépide Frotté y donne son adhésion, promettant de faire respecter les personnes et les propriétés par ses subordonnés. Une pareille suspension d'armes est, peu de temps après, conclue entre les royalistes de la rive droite de la Loire et les républicains. C'est alors que le général Hédouville, adressant une proclamation à ses soldats et aux départements de l'ouest, pour leur faire connaître l'existence de la suspension d'armes et le changement qui s'est opéré dans le gouvernement de la république, les invite à se rapprocher, à se réunir et à se persuader que c'est là le seul moyen d'établir une paix solide dans l'intérieur.

Le même jour, 3 frimaire (24 novembre), la commission législative du conseil des cinq-cents fait rendre une loi relative au recouvrement des impositions directes. Cette loi supprime l'agence des contributions, créée par la loi du 22 brumaire an 6 (12 novembre 1797), et établit, dans chaque département, une direction du recouvrement de ces contributions, composée d'un directeur, d'un inspecteur et d'un nombre de contrôleurs proportionné à l'étendue des départements.

Le 5 frimaire ( 26 novembre), les consuls de la république, informés par le ministre de la justice que le décret du 18 et la loi du 19 brumaire précédent, ont été accueillis dans toute la France avec une satisfaction générale, et n'ont trouvé de l'opposition que chez quelques hommes prévenus, exagérés ou mal intentionnés, révoquent l'arrêté du 26 brumaire, par lequel ils condamnaient les députés exclus, les uns à sortir du territoire continental de la république, les autres à se rendre dans le département de la Charente-Inférieure ; ils en rendent un nouveau, beaucoup moins rigoureux, qui place ces députés sous la surveillance du ministre de la pofice, et leur ordonne de se retirer dans telle commune qu'il leur désignera.

Le directoire exécutif avait appliqué l'article XXIV de la loi du 19 fructidor an 6 (5 septembre 1797), à des prêtres qui avaient prêté tous les serments prescrits par les lois, et ne les avaient point rétractés, même contre ceux qui s'étaient mariés. Le 8 frimaire (29 novembre), les consuls révoquent ces arrêtés, et ordonnent que ceux des prêtres qui se trouvent dans la situation de ceux dont nous venons de parler, et qui seraient actuellement détenus soit à l'île de Rhé, soit à l'île d'Oléron, seront mis sur-le-champ en liberté, après avoir justifié de leur droit. Cette dispo

sition est étendue aux prêtres qui se seraient soustraits à la déportation.

Dans cette journée du 8 frimaire, à une heure du matin, trois frégates anglaises débarquent sur la côte de Penulan, à Billier, quatre pièces de canon, deux obusiers, plusieurs barils pleins d'argent et une grande quantité de fusils neufs. Plusieurs milliers de chouans protégent ce débarquement; 2,000 hommes de marine, qui venaient d'arriver à Vannes, instruits d'un tel événement, partent soudain avec deux pièces d'artillerie légère pour aller surprendre le convoi. L'avant-garde rencontre les chouans près d'une vaste lande sur la route d'Elven, à une demi-lieue de Saint-Nolf. A midi, on est en présence : le combat dure jusqu'à quatre heures. Les soldats royalistes, au nombre de 4 à 500, avec un drapeau blanc, sont débusqués et mis en déroute. Ils se retirent sur Elven. Pendant le combat, leur convoi avait filé vers Plendren. La nuit et le défaut de munitions obligent les républicains de rentrer à Vannes.

Malgré la suspension d'armes conclue avec les soldats de la république, les chouans continuent leurs hostilités ordinaires, et viennent même de jour dans les faubourgs et aux portes d'Angers. Dans la nuit du 11 au 12 frimaire ( 2 au 3 décembre), ils pillent les habitants de la Motte, département des Côtes-du-Nord. La nuit suivante, ils enlèvent les rôles de Saint-Aaron. Un ordre de leur commandant porte que tout individu de 18 à 40 ans, refusant de marcher, sera fusillé; que la même peine sera infligée à ceux qui auront marché dans les colonnes mobiles, et à tout fonctionnaire qui aura marié un individu au-dessous de 40 ans. Cet ordre porte encore annullation de tout mariage postérieur aux fêtes de Pâques. En vertu d'un tel ordre, les chouans fusillent tous les hommes âgés de 18 à 40 ans, qui refusent de les suivre. Instruit de cette violation du traité, le général Hédouville, commandant en chef l'armée d'Angleterre, charge les commandants militaires de regarder comme actes d'hostilités de la part des chouans, et de repousser par la force des armes, tous enrôlements forcés et toutes réquisitions. Il envoie un bataillon dans le département de Loiret-Cher pour soutenir l'exécution de ces mesures.

D'agrès les ordres du général comte de Starray, le prince de Hohenlohe et le prince de Lorraine avaient réuni leurs troupes sur les hauteurs qui se trouvent entre Bretten et Eppingen; l'ancien général en chef, Gorger, s'était porté

en même temps sur Goësheim, et une réserve à Bretten. Le 1 frimaire an 8 (2 décembre 1799) la ligne française est partout attaquée; tous ses avant-postes se replient à la hâte. Sintzheim, Weyer, Muntzingen sont successivement évacués par les Français, après des combats vifs et meurtriers. Ils se retirent sur Vissloch et s'arrêtent en avant de ce poste. La nuit vient: les deux partis bivouaquent en présence. Le lendemain, les Autrichiens recommencent leur attaque, chassent les Français de Vissloch, et débloquent ainsi Philisbourg. Lecourbe opère sa retraite sur Schwetzingen; le général Starray continue vivement ses manœuvres pour le resserrer de plus en plus.

L'armée autrichienne, après avoir chassé les Français des environs de Coni, mit aussitôt le siége devant cette ville, et en poursuivit les travaux avec tant d'activité, qu'au bout de huit jours la tranchée fut ouverte. La garnison française, qui défendait Coni, était forte de 2,500 hommes. Elle essaya quelques sorties qui furent sans résultat. Pendant dixsept jours, elle soutint les efforts des assiégeants, dont le nombre était considérable. Cependant les Autrichiens jetèrent dans la ville tant de bombes et de boulets, que le feu prit presque partout. Les habitants, épouvantés de tant de désastres, s'adressèrent au général autrichien pour le prier de faire cesser un feu si meurtrier, attendu qu'ils ne prenaient aucune part à la résistance qu'il éprouvait. Celui-ci répondit qu'il se conformait aux usages de la guerre, et que, tant que les Français ne se seraient pas rendus, il continuerait le siége avec la même ardeur. Les malheureux habitants de Coni s'adressèrent alors aux Français. Le commandant de la garnison, n'espérant point de renfort, et ne pouvant par conséquent défendre la place de Coni, céda aux prières qui lui furent faites. Le 14 frimaire ( 5 décembre), il fait proposer au comte de Lichtenstein, commandant des travaux du siége, de lui livrer Coni. Sa proposition ayant été agréée, une capitulation est signée le même jour. La garnison française, en vertu de ce traité, sort de la place avec les honneurs de la guerre; seulement, elle ne peut rentrer en France qu'après avoir été échangée.

La saison s'avançait et devenait chaque jour plus rude. Ies vivres commençaient à manquer à l'armée d'Allemagne. Les renforts, attendus de Hollande, n'arrivaient pas. Le général Lecourbe se décida à demander un armistice au général comte de Starray, Celui-ci l'accorda, le 14 frimaire,

[ocr errors]

(5 décembre). D'après cet armistice, la ligne occupée par les troupes françaises, s'appuya au Rhin, et s'arrêta au Necker. Quant à l'armée autrichienne, elle prit ses positions en arrière du Golgemberg, sur la rive droite du Necker, sans qu'elle pût élever aucune fortification sur le Golgemberg. Cet armistice est aussitôt porté au prince Charles, commandant en chef l'armée autrichienne; mais, comme il ne lui était point avantageux, ce prince lui refuse son approbation. Cependant le général Lecourbe, ayant pressenti le refus du général autrichien, a ordonné à ses troupes de se retirer; et, pendant le temps de la négociation, cette retraite a pu se faire sans désordre et sans perte. Le 20 fri-maire suivant (11 décembre), Manheim et les retranchements du Neckerau sont abandonnés aux Autrichiens sans combat. Bientôt les Francais sont parvenus sur la rive gauche du Rhin; là, ils n'ont plus rien à craindre de l'ennemi, et de chaque côté l'on entre en quartiers d'hiver.

Des émigrés, jetés par un naufrage sur les côtes de Calais, le 22 brumaire (12 novembre), avaient été conduits au château du Ham. Les consuls, informés de leur détention, et considérant qu'ils ne sont dans aucun des cas prévus par les lois sur les émigrés, et qu'il est hors du droit des nations policées de profiter de l'accident d'un naufrage pour livrer, même au juste courroux des lois, des malheureux échappés aux flots, arrêtent, le 18 frimaire (9 décembre), que ces émigrés seront déportés hors du territoire de la république.

Le général Gouvion- Saint-Cyr avait été chargé de défendre le territoire de la Ligurie contre les généraux Kray et Klenau; il s'acquitta de cette tâche avec beaucoup d'habileté. Nous sommes obligés d'interrompre un moment l'ordre chronologique, et de revenir sur des faits militaires d'un trop grand intérêt, pour être passés sous silence. Les troupes du général Saint-Cyr étaient poursuivies avec ardeur par un ennemi supérieur en nombre; elles s'arrêtèrent sur les hauteurs de Novi, y prirent position, et, quoiqu'elles n'eussent que quatre pièces d'artillerie, qui même étaient sans attelage, elles attendirent de pied ferme les Autrichiens. Le 14 frimaire (5 décembre), le général Kray, étonné de voir un si petit nombre d'hommes préparés à livrer un combat, attaque les Français sur quatre colonnes. Ceux-ci d'abord, d'après les ordres de Saint-Cyr, rétrogradent un peu; mais, lorsqu'ils sont parvenus sur le terrain où ils peuvent combattre avantageusement, Saint-Cyr se

« PreviousContinue »