Page images
PDF
EPUB

ce nom, roy de Franche. En son temps femme du conte Baudeon le débonnaire, conte de Flandres. Laquelle fonda l'esglise et monastère, l'an mil lx, et trespassa en chest monastère, l'an mil lxxix, le viije jour de janvier.

Priés Dieu pour son ame.

Nous venons de voir que l'église et l'abbaye de Messines furent fondées vers l'an 1060 par Baudouin V, dit le Débonnaire ou de Lille, comte de Flandre, et sa femme Adèle, fille de Robert, roi de France.

L'existence de Messines remonte du reste aux temps les plus reculés comme localité sise dans l'ancienne forêt du Sart, où se tenaient de grandes foires annuelles aussi célèbres que celles de Champagne ('). Elle était connue alors sous le nom de Mistich ().

Une dizaine d'années après sa fondation, l'abbaye ainsi que la ville furent réduites en cendres par l'implacable Richilde, comtesse de Hainaut. En 1127 elles subirent le même sort pendant les démêlés de Guillaume de Normandie, dit Cliton, avec Guillaume de Loo. En 1195 elles furent incendiées par les Français, en 1380 par les Anglais; en 1541 et 1552 la ville fut brûlée par feu de méchef. En 1566 les iconoclastes dévastèrent l'abbaye et incendièrent l'église. En 1596 et 1597 tout fut de nouveau livré à l'incendie. En 1648, pendant la guerre entre la France et l'Espagne, l'abbaye fut de nouveau dévastée; enfin « les guerres de 1673 » dit le frère Barnabé, témoin oculaire, « ont enchéry sur les calamités précédentes » car aujourd'huy elle (l'abbesse) se trouve sans autre bien » que Messines, tout le reste étant confisqué. »>

L'abbaye de Messines a été le séjour de plusieurs personnes de grande distinction. Pour ne pas parler de la comtesse Adèle, qui y prit le voile après la mort de son époux et y

(1) Gramaye. Misseniacum f. 181.

(2) Frère Barnabé et Manuscrit de Messines.

mourut en 1067, nous y voyons quatre abbesses du sang royal de France, Ogine, Natalie, Alix ou Adélaide et Agnès; ensuite Ogine la fille de Robert le Frison, comte de Flandre ; Isabelle ou Elisabeth, fille de Thierry d'Alsace. Les autres abbesses appartiennent aux familles les plus illustres de la Flandre et de l'Artois telles que de S' Omer, de Créquy, d'Aussy, de Morbecque, d'Oultre, de Dannebruch, de Louvigny, de Steeland, de Craon, de Ghistelles etc., etc.

Parmi les personnes de grande naissance qui se retirèrent dans l'abbaye il faut citer la sœur de Philippe d'Alsace, Gertrude, comtesse de Moriane en Savoye, qui aima mieux se retirer dans l'abbaye de Messines que d'accepter la succession du comté de Flandre; il faut mentionner surtout l'astucieuse et hautaine Richilde, comtesse de Hainaut, qui, après avoir fait décapiter à Messines soixante nobles Yprois qu'elle avait mandés vers elle, et avoir détruit par l'incendie la ville et l'abbaye fondées par son beau père et sa belle mère, voulant se soustraire aux agitations de la vie politique. et livrée aux remords de sa conscience, alla se refugier dans cette même abbaye qu'elle fit réparer alors d'une manière somptueuse, et où elle alla finir dans le recueillement et la prière une existence jusque-là pleine d'intrigues et d'ambition. <«< Les historiens flamands » dit Mr. Edw. Le Glay dans son Histoire des comtes de Flandre (') « qui jamais n'avaient proféré » à l'égard de Richilde que des paroles amères et flétrissantes, >> racontent avec une admiration mêlée d'attendrissement, cette » pénitence que Richilde s'était infligée au sein d'un pays où » elle avait allumé la guerre civile, dans un monastère qu'elle » même avait, peu d'années auparavant, réduit en cendres. S'il >> faut les en croire, la comtesse de Hainaut se livrait à des >> austérités et à des mortifications telles qu'aujourd'hui la plus pieuse imagination n'en saurait inventer de pareilles, telles >> enfin que la plume répugne à les décrire (). »

[ocr errors]

(1) Tome I, pag. 216.

(2) Tous dis jeunoit et tous dis estoit en orisons, et siervoit cascun jour as » povres et as mésiaus (lépreux) par son cors meismens, si que maintesfois estoit

Avant de commencer la série des abbesses, il nous reste à dire un mot d'un manuscrit appartenant aux archives de l'abbaye et que nous citons souvent. C'est un in-quarto, sur papier. Ce registre a été fait en 1685 par ordre de l'abbesse Madame Marie-Louise-Victoire de Créquy. Il porte pour titre: Registre de ce qu'il s'est passé de plus mémorable dans l'abbaye de Messines depuis sa fondation en l'an 1060, ensuitte des recherches qu'en at fait Madame Marie-Louise-Victoire de Créquy, abbesse et comtesse dudit Messines dans les livres et mémoires de l'abbay l'an 1685. Il se compose de 132 feuillets ou 264 pages, et n'offre rien de bien important pour les premières abbesses. Pour le seizième et le dix-septième siècle il est plus précieux. Il s'arrête à l'année 1708, sous le gouvernement de Suzanne Françoise de Ghistelles, 29me abbesse. On y a ajouté sur le dernier feuillet l'annotation suivante: le 18 de jullette 1729 il y at eux quatre vinct dousse meson brulé dans Mesine. L'abbay at esté conservé. Ce manuscrit, pas plus que Sanderus et le Frère Barnabé, ne parle de la 10me abbesse, Marie de Torchi (').

Un mot aussi concernant le tableau des armoiries des abbesses, qui se trouve aux mêmes archives. C'est un beau travail, fait en 1684, sous l'administration de la même abbesse MarieLouise-Victoire de Créquy, par un nommé Ferminus Musset, Il est sur parchemin; en tête se trouvent les armoiries de l'abbaye, puis sur plusieurs lignes celles des abbesses avec indication de leur n° d'ordre et de la date de leur installation. C'est d'après ce tableau que nous reproduisons les écussons qui figurent en tête de ce chapitre et de ceux qui vont suivre. La 10me abbesse, Marie de Torchi, est exclue également de ce tableau.

elle endaubée de leur sanc et de leur liepre: et les lavoit et baignoit; et » quant il estoient baigniet, elle se baignoit en ces bains mesme. » Li estore des comtes de Flandre fo 54 vo. Voir aussi d'OUDEGHERST Annales de Flandre, édition Lebroussart, tome I, pag. 326.

(1) Voir pour cette abbesse, pag. xxxi.

II

LES ABBESSES DE MESSINES.

FAISILLIS, 1re Abbesse.

La première abbesse fut Faisillis. La comtesse Adèle la choisit elle-même parmi les religieuses de Denain. Elle était de sang royal, si l'on peut en croire un tableau représentant les armoiries de toutes les abbesses et peint en 1684 par Firminus Musset, d'après les ordres de l'abbesse MarieLouise-Victoire de Créquy.

Faisillis fut revêtue de la dignité abbatiale et installée par Drogon, évêque de la Morinie. Elle établit dans la nouvelle fondation la vie monastique, gouverna l'abbaye pendant dix années et y mourut en 1075.

Au moment de la fondation de la nouvelle abbaye, l'évèque Drogon accorda à celle-ci les mêmes droits, libertés et

priviléges que Betfried, évêque d'Amiens avait, à la demande du roi Clotaire et de sa femme Bathilde, accordés jadis à l'église de Corbie.

L'année suivante, 1066, Philippe I, roi de France, pupille du comte Baudouin et neveu de la comtesse Adèle, approuva et confirma toutes les donations faites par son oncle et sa tante à l'abbaye de Messines. Le jeune roi se trouvait alors à Furnes et n'était âgé que de quatorze ans. Si, dès le principe, la nouvelle abbaye fut favorisée par le comte et la comtesse de Flandre et par le roi de France, elle eut par contre beaucoup à souffrir par les guerres intestines. En 1071, Robert le Frison s'était emparé de Messines qui lui etait disputée par Richilde. Les habitants de cette ville. ayant pris fait et cause pour Robert, la comtesse, belle-fille de la fondatrice, s'en vengea en faisant réduire en cendres la ville et l'abbaye fondée par sa belle-mère. Ceci ne l'empêcha pas, plus tard, de se retirer à Messines, où elle mourut en 1086.

Quant à la comtesse Adèle, fondatrice de l'abbaye, après avoir perdu son mari qui mourut en 1067, elle entra comme religieuse dans l'abbaye qu'elle avait fondée. Elle y fit copier, par le clerc Garin, la vie de l'impératrice sainte Adélaide, composée par Odilon, abbé de Cluny ('), y finit ses jours le 8 Janvier 1079, et fut enterrée dans un caveau devant le maître-autel.

(1) Kervyn de Lettenhove. Histoire de Flandre, t. I, p. 275.

« PreviousContinue »