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La discussion a porté sur des points de démarcation qui n'ont rien de politique. On est ici disposé à céder, et l'on croit que l'armistice sera signé aujourd'hui.

3375. Drouyn de LHUYS À NAPOLÉON III, À SAINT-CLOUD. (Télégr. Minute. Autriche, 492.)

Paris, 11 août 1866, 6h 20 soir.

M. Malaret m'écrit (1) et M. Nigra me dit que l'armistice sera très probablement signé ce soir.

3376. LEFEBVRE DE BÉHAINE, CHARGÉ D'AFFAIRES À BERLIN, À DROUYN DE LHUYS. (Télégr. Déchiffrement. Prusse,359.)

Berlin, 11 août 1866, 3b soir. (Reçu à 730 soir.)

Le 29 juillet dernier, une ordonnance ministérielle avait suspendu les travaux de la commission chargée du recrutement des dépôts. Le Moniteur prussien publie hier soir une autre ordonnance, en date du 7 août, qui prescrit à cette commission la reprise immédiate et aussi rapide que possible de ses travaux (2).

3377. LEFEBVRE DE BÉHAINE, CHARGÉ D'AFFAIRES À BERLIN, À DROUYN DE LHUYS. (Orig. Prusse, 359, n° 181.)

Berlin, 11 août 1866.

(Cabinet, 13 août 1866; Dir. pol., 20 avril 1867.)

Le Staats Anzeiger publie aujourd'hui l'ordonnance suivante : Nous référant à notre arrêté du 29 du mois passé, nous ordonnons que l'affaire du recrutement de la seconde réserve de cette année soit

(1) Cf. le télégramme précédent de Malaret, 11 août, reçu à 4 1/2 soir. (2) Cf. la dépêche ci-après.

aussitôt reprise et poursuivie avec toute la rapidité possible. Quant au terme à fixer pour l'appel des hommes demandés, il Ꭹ sera pourvu en

son temps.

Berlin, le 7 août 1866.

(Signé :) Le Ministre de la Guerre, de Roon.

Le Ministre de l'Intérieur, Comte EULENBOURG.

Tous les journaux reproduisent ce matin le texte de cette ordonnance. Le public y voit une confirmation des bruits que le Gouvernement a laissé se propager depuis quelques jours (1), obéissant, on peut le supposer, à un calcul dont les paroles dites à M. Benedetti concernant l'utilité du concours des passions révolutionnaires révèlent toute la portée (2). Chaque matin, on annonce le passage par Berlin ou le départ déjà effectué de bataillons de dépôt qui ont reçu l'ordre de se rendre des provinces orientales dans le Hancvre. Ces troupes s'y arrêtent-elles ?

3378. LEFEBVRE DE BÉHAINE, CHARGÉ D'AFFAIRES À BERLIN, À DROUYN DE LHUYS. (Orig. Prusse, 359, no 182.)

Berlin, 11 août 1866.

(Cabinet, 13 août 1866; Dir. pol., 20 avril 1867.)

Je vous ai fait connaître hier par le télégraphe (3) la substance des renseignements que M. le Baron von der Pfordten a tenu à me donner sur la situation qui lui est faite à Berlin. Dans le cours de l'entretien qu'il a eu avec moi, j'ai constamment évité de répondre aux arguments employés par mon interlocuteur pour me démontrer et les dangers que la chute ou la quasi médiatisation des États secondaires du Sud entraînerait pour la France, et les avantages que nous trouverions à étendre sans retard une main protectrice sur les dynasties qui sont aujourd'hui à la merci de la Prusse.

Des quatre États situés au sud du Mein, c'est la Bavière qui se trouve aux prises avec les exigences les plus cruelles. M. de Bismarck

(1) Cf. ci-dessus p. 25, note 1.

(2) Cf. Benedetti, confidentielle, 6 août, no 178 bis. (3) Cf. Lefebvre de Béhaine, télégramme, 10 août.

a déclaré à M. de Pfordten qu'il lui demandait vingt millions de thalers (autant qu'à l'Autriche) et huit cent mille habitants, dont trois cent mille environ à prendre dans le Palatinat pour dédommager le Grand-Duché de Hesse de la perte de la province située au nord de Francfort. La Prusse ne prétend point garder Bayreuth, que ses troupes occupent, mais elle veut s'arrondir et se fortifier sur le Mein supérieur en acquérant les territoires situés dans la Haute-Franconie, entre Lichtenfels et Hof. Enfin, les eaux minérales de Kissingen et les salines dont sont dotés les pays environnants constituant une source de richesse qui n'est pas à dédaigner, le Cabinet de Berlin en exige la cession. L'idée de consentir à ces énormes sacrifices met M. de Pfordten au désespoir. M. de Bismarck ne conteste pas que ces rigueurs soient excessives, mais il fait remarquer que la Cour de Munich n'a pas, comme le Grand-Duc de Hesse, le Grand-Duc de Bade et le Roi de Wurtemberg, à invoquer l'appui d'une grande Puissance; dès lors, ajoute-t-il, la Bavière doit payer pour les autres. «Un mot de l'Empereur, m'a dit M. von der Pfordten, nous sauverait des dangers de cet isolement désastreux», et il m'a instamment prié de signaler à votre attention cet état de choses.

Le Baron de Dalvigk a également déjà conféré avec M. de Bismarck. Le Chef du Cabinet de Darmstadt ne paraît pas disposé à se prêter à la pensée de la Prusse d'opposer les intérêts du GrandDuché de Hesse à ceux de la Bavière, et M. de Dalwigk marcherait d'accord, jusqu'à présent, avec son collègue de Munich. Le Président du Conseil lui a annoncé la résolution d'annexer la HauteHesse, et de dédommager le Grand-Duc en lui assurant la possession d'une partie du Palatinat. M. de Dalwigk s'est récrié, en déclarant que son Souverain tenait fort peu à s'agrandir sur la rive gauche du Rhin, considérant le voisinage de la France comme plus compromettant que jamais dans les circonstances actuelles. La même pensée inspirait, j'ai tout lieu de le croire, M. von der Pfordten, quand il m'a dit que le Palatinat était le territoire dont la conservation préoccupait le moins la Bavière. M. de Dalwigk a proposé à M. de Bismarck de faire entrer soit la totalité du Grand-Duché de Hesse dans la future Confédération du Nord, ce que M. de Bismarck a rejeté comme inadmissible pour la France, soit d'assurer à la Haute-Hesse, restant sous la souverai

neté du Grand-Duc, une existence particulière et distincte dont les conditions seraient les mêmes que celles des autres États de la Confédération du Nord. Cette combinaison n'a pas été repoussée aussi complètement que la première. M. de Bismarck, qui demande soixante-quinze millions de francs à la Bavière, exige que les trois autres États, Bade, Wurtemberg et Hesse-Darmstadt, paient la même somme pour remboursement des frais de guerre. Enfin, il a fait à M. de Dalwigk la même déclaration qu'à M. de Pfordten relativement à Mayence (1) : il a demandé que, sans attendre l'expiration de l'armistice, cette position importante fût remise à la Prusse. M. de Pfordten m'a parlé de Mayence au moment où je prenais congé de lui, évidemment avec le désir de donner à la communication qu'il me chargeait de transmettre à Votre Excellence un caractère tout particulier d'urgence et de solennité.

M. de Dalwigk, lui, a été plus explicite encore (2). Il m'a dit que la France devrait entrer sans délai dans le Palatinat et la Hesse rhénane; il m'a assuré que nous n'y rencontrerions ni haines ni préjugés nationaux très difficiles à surmonter. Sans contester la faiblesse de l'Autriche, il m'a parlé de la valeur de l'armée bavaroise, et de l'immense effet que produirait une démonstration hardie de la France sur l'esprit de ces populations du Midi qui ne sont encore aujourd'hui qu'étourdies et stupéfaites par les victoires de la Prusse. J'ai demandé à M. de Dalwigk s'il ne m'exprimait pas là une opinion purement personnelle, et je ne lui pas caché que M. von der Pfordten ne m'avait autorisé en rien supposer qu'il la partageât. M. de Dalwigk m'a affirmé que son Collègue de Bavière jugeait la situation exactement comme lui. Ils étaient réduits au silence, a ajouté le Plénipotentiaire hessois; ils ne pouvaient pas ouvertement nous appeler, mais ils seraient heureux de nous voir venir de suite; l'entrée immédiate des troupes françaises dans le Palatinat rendrait aussitôt au Midi de l'Allemagne le courage de résister aux envahissements de la Prusse; nous fournirions aux États du Sud le moyen de s'assurer une existence sérieuse et indépendante; peut-être même réussirions-nous à atté

ai

(1) Cf. Lefebvre de Béhaine, télégramme, 10 août.

(2) Toute cette dernière partie de la dépêche a été publiée par (t. VIII, p. 525).

Émile OLLIVIER

nuer les dangers que la Confédération du Nord peut créer au repos de l'Europe et à la sécurité dé la France.

3379. LEFEBVRE DE BÉHAINE, CHARGÉ D'AFFAIRES À BERLIN, À DROUYN DE LHUYS. (Orig. Prusse, 35g, no 183.)

Berlin, 11 août 1866.

(Cabinet, 13 août 1866; Dir. pol., 20 avril 1867.)

La Commission d'adresse de la Chambre des Seigneurs a terminé son travail. Le projet qu'elle vient d'adopter a paru ce matin dans les journaux. Je crois utile de placer sous les yeux de Votre Excellence les principaux passages de cette pièce; ils empruntent aux circonstances actuelles une importance qu'on ne saurait méconnaître. En voici la traduction exacte :

Votre Majesté Royale a déclaré (1) d'une manière positive que la guerre contre l'Autriche n'avait été résolue qu'après de mûres réflexions et après qu'on eut acquis la certitude qu'elle était indispensable pour prévenir une agression non provoquée par la Prusse. Cette parole atténue la douleur que nous eût fait éprouver, sans cela, une guerre avec une Puissance dont les drapeaux ont flotté à côté des bannières prussiennes à une époque à jamais mémorable (2), d'une Puissance qui était encore, il y a à peine quelques années, notre alliée. Nous avons sincèrement déploré que d'autres Etats allemands, jadis unis à la Prusse par des liens intimes, aient combattu contre nous, et que, dans les derniers combats, le sang allemand ait coulé des deux côtés.

مم

Mais, puisque la mésintelligence avec l'Autriche provenait des vices de la Constitution de la Confédération germanique, nous sommes en droit d'espérer qu'à partir de la paix qui va être conclue prochainement, à partir du moment où les États impériaux sortiront de la Confédération, les relations de l'Autriche et de la Prusse redeviendront et demeureront excellentes, dans l'intérêt mutuel de ces deux puissantes Monarchies. La réorganisation de l'Allemagne sous les auspices de Votre Majesté rendra impossible

(1) Manifeste du Roi avant la guerre. (En note dans le texte.) (2) 1813-1815. (En note dans le texte.)

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