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Rec. Sept. 10, 1908.

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RECUEIL GÉNÉRAL

DB

JURISPRUDENCE.

ROYAUME DE BELGIQUE.

1883

II PARTIE.

ARRÊTS DES COURS D'APPEL.

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(1 et 2) Voy. conf. Liège, 13 juillet 1848 (PASIC., 1850, II, 207); 7 mai 1879 (ibid., 1879, II, 278) et les autorités citées dans la note sous cet arrêt; GIRON, Droit administratif, t. II, p. 484, no 1281; DAVIEL, Traité des cours d'eau, 3e édit., t. II, no 608; GARNIER, Du régime des eaux, no 193. Voy. aussi DALLoz, 1860, 3, 76, note 1, et CHRISTOPHLE, Revue pratique, année 1860, t. 11, p. 369 et suiv. Contrà : DALLOZ, Répert., vo Eaux, no 353.

En France, le conseil d'État décide aussi, depuis plus de vingt ans, que l'administration n'ayant sur les cours d'eau non navigables ni flottables qu'un PAS., 1883, 2e PARTIE.

'construire un moulin sur un cours d'eau non navigable.

Si l'acte d'autorisation porte que le concessionnaire n'aura droit à aucune indemnité, au cas où le gouvernement jugerait à propos d'ordonner des changements ou la suppression de l'établissement pour cause d'utilité publique, cette stipulation n'a en vue que le dommage causé par des mesures prises dans l'intérêt de la police (1).

Celle clause ne peut avoir pour effet d'affranchir l'Etat de l'obligation de payer à l'usinier la juste indemnité qui lui est due si, par suite de l'exécution de travaux d'utilité publique, il est privé de la jouissance des eaux (2).

simple pouvoir de police, ne peut imposer au permissionnaire l'obligation de subir sans indemnité lus chômages et pertes de force motrice que pour autant que le dommage causé résulte de mesures prises dans l'intérêt de la police des cours d'eau. Voy. ses décisions du 13 juin 1860, au rapport de M. Aucoc, du 20 juin 1865, du 21 juin 1866, et du 19 décembre 1879 (D. P., 1860, 3, 75; 1866, 3, 25; 1867, 5, 152; 1880, 3, 36) 11 admet toutefois, comme la cour de cassation de France, que ces cours d'eau ne sont pas susceptibles d'appropriation privée (décision du 11 juillet 1879, D. P., 1880, 3, 17).

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L'octroi de concession du moulin de l'intimé, établi sur le cours d'eau la Thines, qui porte la date du 4 septembre 1827, stipule que « dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, le concessionnaire ne pourra prétendre indemnité de la part du gouvernement, pour le cas où celui-ci jugerait à propos d'ordonner des changements ou la suppression de l'établissement dont il s'agit, pour cause d'utilité publique. >>

Le jugement rendu entre parties par le tribunal civil de Bruxelles le 5 août 1875 et l'arrêt confirmatif rendu par la cour de Bruxelles le 6 juillet 1876, ont été rapportés dans ce Recueil, année 1877, 2o partie, p. 52.

A la suite de l'expertise ordonnée par ces décisions, un jugement rendu par le même tribunal, le 20 novembre 1881, entérina le rapport des experts et alloua à l'intimé une indemnité de 2,000 francs.

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LA COUR; Attendu que l'appelant a fait exécuter des travaux pour puiser dans la Thines l'eau destinée au service de ses locomotives à la station de Baulers;

Attendu que, par suite de cette prise d'eau, la force motrice du moulin de l'intimé, situé en aval, se trouve notablement diminuée; que l'action a pour objet la réparation du dommage qui en résulte pour l'intimé;

Attendu qu'un jugement du 5 août 1875 a nommé des experts pour évaluer le dommage souffert et la dépréciation du moulin dans l'avenir;

Que ce jugement ayant été frappé d'appel par l'Etat, qui contestait le principe de sa responsabilité, la cour, par son arrêt du 6 juillet 1876, a mis l'appel à néant, consacrant ainsi le principe de la responsabilité de l'Etat;

Attendu qu'au cours de l'expertise, un arrêté royal du 25 février 1879 décréta :

1o Qu'il y avait utilité publique à affecter à l'alimentation de la station de Baulers l'eau de la Thines; qu'en conséquence, il y avait lieu de pourvoir à l'installation définitive de la prise d'eau; 2o que le puisard qui amenait T'eau de la Thines aux machines d'alimentation serait supprimé et la prise d'eau établie

un peu plus en amont; 3° que la propriété nécessaire à cette fin serait emprise conformément aux lois en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique;

Attendu que la valeur du terrain empris a été réglée amiablement entre parties;

Attendu que l'appelant a déclaré, en première instance, acquiescer aux conclusions du rapport d'experts, sauf en ce qui concerne la dépréciation; qu'il ne relève appel que de la partie du jugement qui concerne la dépréciation du moulin dans l'avenir, reconnaissant ainsi son obligation d'indemniser l'intimé pour la prise d'eau effectuée dans le passé et, par une conséquence nécessaire, le droit de l'intimé à la force motrice résultant de l'eau;

Attendu qu'il reconnaît que la nouvelle prise d'eau, qui est ou sera substituée à l'ancienne, sera aussi préjudiciable que cette dernière; qu'il ne conteste pas le chiffre, mais le principe même de l'indemnité pour l'avenir, et n'élève aucune objection tendant à faire recommencer la procédure et l'expertise pour procéder à l'évaluation de la dépréciation résultant de la nouvelle prise d'eau;

Attendu qu'il se fonde, pour échapper à l'obligation de réparer le dommage dans l'avenir, sur l'arrêté royal du 25 février 1879, décrétant qu'il y a utilité publique à affecter l'eau de la Thines à l'alimentation de la station de Baulers, et sur ce que l'autorisation d'établir le moulin n'a été accordée, en 1827, qu'à la condition que le concessionnaire ne pourrait prétendre d'indemnité de la part du gouvernement pour le cas où celui-ci jugerait à propos d'ordonner des changements ou la suppression de l'établissement pour cause d'utilité publique;

Que l'appelant prétend que cette utilité étant maintenant déclarée par le pouvoir compétent, aucune indemnité n'est due dans l'avenir;

Attendu qu'il y a lieu de distinguer, parmi les cours d'eau, ceux qui sont navigables ou flottables de ceux qui ne le sont pas;

Que l'ordonnance de 1669 déclarait les premiers, propriété de la couronne et l'article 538 du code civil les déclare des dépendances du domaine public;

Attendu que la loi n'a pas statué sur la propriété de la seconde classe des cours d'eau; qu'elle se borne à régler les droits que les riverains peuvent exercer sur eux;

Attendu que la Thines est un petit cours d'eau non navigable ni flottable, qualifié du nom de ruisseau dans l'arrêté d'autorisation de 1827 et dans le rapport de l'ingénieur du Waterstaat qui l'a précédé, ainsi que sur le plan même annexé à l'arrêté d'expropriation;

Attendu que la prise d'eau en question dépasse les limites d'un usage ordinaire, eu

égard au peu d'importance du cours d'eau; Attendu que le droit de construire un moulin sur la seconde classe des cours d'eau était anciennement un droit féodal;

Que, par suite de l'abolition du régime féodal, ce droit devait naturellement appartenir, à moins de dispositions contraires, à ceux qui, d'après la nature des lieux, étaient seuls à même de l'exercer, c'est-à-dire, aux propriétaires riverains sur le terrain desquels on aurait dû passer pour établir et exploiter un moulin;

Attendu que le décret des 2-17 mars 1791 ayant proclamé la liberté des professions et métiers, à la charge de se conformer aux règlements de police, les propriétaires riverains de la seconde classe des cours d'eau ont pu établir des moulins à eau, pourvu qu'ils se conformassent à ces règlements;

Attendu que divers lois et règlements sur la matière impliquent ce droit dans le chef des riverains; qu'en effet, le droit d'user de l'eau, que la loi leur accorde, comprend implicitement celui de l'employer à faire mouvoir une usine; que, d'autre part, les règlements n'ont pour objet que de statuer sur les mesures de police auxquelles l'exercice du droit est subordonné;

Attendu que si la loi du 6 octobre 1791 est applicable à tous les cours d'eau, elle n'exige pas une autorisation pour établir un moulin;

Que cette autorisation n'était exigée par l'ordonnance de 1669, comme elle ne l'est par arrêté du 19 ventôse an vi, que pour les cours d'eau navigables et flottables;

Attendu que l'arrêté royal du 28 août 1820 rend, il est vrai, ces dispositions applicables aux cours d'eau non navigables ni flottables, et exige la nécessité d'une autorisation pour y établir des moulins, mais le gouvernement déclare formellement, dans le préambule de cet arrêté, que par cela même qu'un cours d'eau n'est ni navigable ni flottable, il n'appartient pas au domaine de l'Etat, et que les tribunaux sont compétents pour prononcer sur la propriété de ces cours d'eau ;

Attendu qu'il conste de cet arrêté que s'il est nécessaire d'obtenir cette autorisation pour établir un moulin sur un cours d'eau de la seconde classe, c'est uniquement au point de vue de la police;

Que ce qui prouve encore que ce n'est pas parce qu'il ferait partie du domaine public que l'autorisation doit être demandée et obtenue, c'est que les diverses dispositions qui ont réglé cette matière ont successivement exigé une autorisation du gouvernement ou de la députation permanente, sans que le cours d'eau ait chaugé de propriétaire, et ont exigé parfois l'autorisation d'une administration différente, selon que le moulin est affecté

à un usage différent (loi du 21 août 1822; arrêtés des 31 janvier 1824, 12 novembre 1849, 29 janvier 1863;

Attendu que ces considérations démontrent qu'en inscrivant, en 1827, dans l'arrêté d'autorisation, les conditions dont se prévaut l'appelant, le gouvernement n'a eu en vue que d'être tenu indemne du tort qu'il pourrait causer au moulin par les mesures qu'il jugerait bon de prendre dans un but de police;

Attendu que cette clause ne peut avoir pour effet de permettre à l'appelant de se soustraire à l'obligation de payer la juste indemnité à laquelle l'intimé a droit;

Que si l'appelant, agissant comme pouvoir politique, a pu décréter que la prise d'eau était d'utilité publique, il a agi dans un intérêt privé en s'emparant de l'eau pour l'utiliser (loi du 25 mars 1876, art. 12);

Attendu que l'article 48 de la loi du 16 septembre 1807, dont se prévaut l'appelant, consacre, dans son paragraphe premier, le droit de l'usinier;

Que s'il exige, dans le paragraphe 2, qu'au préalable on examine si le titre d'établissement ne soumet pas le propriétaire à voir démolir son établissement sans indemnité, si l'utilité publique le requiert, on ne peut en conclure que toutes les fois que semblable réserve sera insérée dans l'acte de concession, l'usinier n'aura droit à aucune indemnité; qu'il faut au moins que la réserve ait pu valablement être faite;

Qu'il est à remarquer que si l'Etat peut stipuler telles conditions que bon lui semble quand il accorde un droit sur un cours d'eau qui est sa propriété, il n'en est pas de même quand il s'agit d'un cours d'eau sur lequel il n'a qu'un droit de police;

Qu'aussi, d'après le témoignage de Garnier, l'insertion, dans les actes de concession, de la réserve en question a été prescrite en vertu d'une circulaire du ministre de l'intérieur du 19 thermidor an vi, circulaire qui est uniquement relative à l'exécution de l'article 9 de l'arrêté du 19 ventôse an vi, lequel n'a trait qu'aux rivières navigables et flottables;

Qu'au surplus, le système de l'appelant va directement à l'encontre du principe consacré par l'article 11 de la Constitution et ne peut être admis;

Par ces motifs, M. l'avocat général Staes entendu, et de son avis, met l'appel à néant et condamne l'appelante aux dépens.

Du 4 août 1882. Cour de Bruxelles. 5e ch. Prés. M. Joly. Pl. MM. Lejeune et Edmond Picard.

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1o Le commissionnaire qui traite en nom personnel pour le compte d'autrui est personnellement obligé vis-à-vis des tiers (1). Son obligation ne cesse que lorsqu'il agit au nom d'un commettant.

2o La stipulation que des marchandises sont vendues caf Anvers n'implique pas l'obligation de les agréer à Anvers. Cette clause signifie uniquement que le prix fixé comprend le fret et l'assurance jusqu'à Anvers, et qu'à partir d'Anvers, le transport et l'assurance sont à la charge de l'acheteur (2). Un examen superficiel d'une marchandise vendue sur échantillon, dont la vérification en détail exige un travail long et difficile, n'implique pas agréation (3).

Il en est de même du transport de la marchandises au lieu où elle doit être vérifiée et de son dépôt provisoire, fait de commun accord, dans le magasin de l'une des parties (4).

(BOUTRY, C. SCRIVE ET TIKHONOFF.)

ARRÊT.

LA COUR; Sur l'exception opposée par l'intimé Scrive et déduite de ce que le dit intimé aurait traité avec Boutry pour le compte et comme agent de l'intimé Tikhonoff;

Attendu qu'il est constant au procès que l'intimé Scrive a traité avec Boutry en nom personnel;

Attendu, en effet, que, le 27 juillet 1881, il écrivait à Boutry : « Je vous offre 49,000 kilogrammes Longa à 70 francs, caf Anvers », sans faire mention d'aucun commettant, et que cette offre fut acceptée le même jour par Boutry;

Que, le 28 juillet, l'intimé Scrive télégraphia à Boutry: « Offre ferme, 50 tonnes

(1) Principe constant. Voy. notamment DELAMARRE et LEPOITVIN, t. II, nos 267 et 339; cass. franç., 20 juillet 1871 (Pasic. franç., 1871, p. 145; D. P., 1871, 1, 232), et TROPLONG, Mandat, nos 544 et suiv.

(2) Compar. Liège, 26 février 1873 (PASIC., 1873, II, 143). Voy. aussi, quant au lieu de l'agréation, Bruxelles, 10 février 1877 (ibid., 1877, II, 187) et la note, et 4 février 1881 (ibid., 1882, II, 316).

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Pava 78, wêmes conditions, affaire traitée Longa »; que cette offre fut encore acceptée par Boutry;

Qbe, plus tard, le dit Scrive fit en son propre nom la facture des marchandises vendues et qu'il disposa lui-même sur Boutry pour le prix de vente;

Que tels ne sont pas les agissements de celui qui agit au nom d'un commettant;

Attendu qu'après la vente conclue, l'intimé Scrive a dit, il est vrai, à Boutry que la vente avait été faite pour compte de Tikhonoff et qu'il a écrit les mots « pour compte de Tikhonoff » en marge de la facture qu'il lui a adressée ;

Mais, attendu que le commissionnaire qui traite en nom personnel pour le compte d'un obligé; que son obligation ne cesse que lorsautre n'en est pas moins personnellement qu'il agit au nom d'un commettant;

Que tel était l'enseignement des anciens auteurs; que cet enseignement a été suivi par le code de 1807 et qu'il a été maintenu, lors de la revision de ce code, par la loi du 5 mai 1872;

Sur l'exception opposée par les deux intimés et déduite de ce que les lins devaient être agréés à Anvers et qu'ils ont, en effet, été agréés en cette ville par l'appelant Boutry:

Attendu que les soutènements des intimés sont démentis par les documents de la cause;

Attendu qu'il importe de remarquer tout d'abord que les lins avaient été vendus sur échantillon; qu'un échantillon de chaque espèce avait été remis à Boutry; qu'un autre était resté à Lille entre les mains de Scrive; que, d'après la facture de Scrive, les lins avaient un poids de plus de 100,000 kilogrammes; qu'ils formaient le nombre considérable de 1,711 balles; que leur vérification en détail demandait ainsi un travail long et difficile;

Attendu que les lins sont arrivés à Anvers vers le 20 du mois d'août; que le déchargement en a été opéré du 22 au 25:

Que le jeudi 25, Boutry écrivait à Scrive: « Nous recevons de MM. Best et Cie l'avis qu'ils expédieront plusieurs wagons des lins de M. Tikhonoff. Nous informerons M. Farinaux de leur arrivée ici et nous l'attendrons pour

(3 et 4) Compar., quant aux actes qui n'emportent pas agréation, Gand, 23 juillet 1875, 9 mars 1876 et 17 janvier 1879 (PASIC., 1876, II, 20; 1877, II, 42, et 1879, II, 111); Bruxelles, 10 février 1873, 30 janvier 1875 et 16 mars 1880 (ibid., 1874, II, 297; 1876, II, 394, et 1880, II, 191). Voy. aussi cass. franç., 13 mars 1878 (D. P., 1878, 1, 471, et Pasic. franç., 1878, p. 646).

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