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BATAILLE DE LODI.

« Je pensais que le passage du Pô serait l'opération la plus audacieuse de la campagne, tout comme la bataille de Millesimo, l'action la plus vive; mais j'ai à vous rendre compte de la bataille de Lodi.

« Le quartier général arriva à Casal le 21, à trois heures du matin; à neuf heures, notre avant-garde rencontra les ennemis défendant les approches de Lodi. J'ordonnai aussitôt à toute la cavalerie de monter à cheval avec quatre pièces d'artillerie légère qui venaient d'arriver, et qui étaient attelées avec les chevaux de carrosse des seigneurs de Plaisance. La division du général Augerau, qui avait couché à Borghetto, celle du général Massena, qui avait couché à Casal, se mirent aussitôt en marche. L'avant-garde, pendant ce temps-là, culbuta tous les postes des ennemis, et s'empara d'une pièce de canon. Nous entrâmes dans Lodi, poursuivant les ennemis, qui déja avaient passé l'Adda sur le pont. Beaulieu, avec toute son armée, était rangé en bataille; trente pièces de canon de position défendaient le passage du pont. Je fis placer toute mon artillerie en batteric; la canonnade fut très-vive pendant plusieurs heures. Dès l'instant que l'armée fut arrivée, elle se forma en colonne serrée, le second bataillon des carabiniers en tête, et suivi par tous les bataillons de grenadiers au pas de charge, et aux cris de vive la République. L'on se présenta sur le pont; l'ennemi fit un feu terrible; la tête de la colonne paraissait même hésiter. Un moment d'hésitation eût tout perdu les généraux Berthier, Massena, Cervoni, Dallemagne le chef de Brigade Lasnes et le chef de bataillon Dupat, le sentirent, se précipitérent à la tête, et décidèrent le sort, encore en balance.

« Cette redoutable colonne renversa tout ce qui s'opposa à alle; toute l'artillerie fut sur le champ enlevée; l'ordre

de bataille de Beaulieu fut rompu; elle sema de tous côtés l'épouvante, la fuite et la mort; dans un clin d'œil l'armée ennemie fut éparpillée. Les généraux Rusca, Augereau et Bayrand, passèrent dès l'arrivée de leurs divisions, et achevèrent de décider la victoire. La cavalerie passa l'Adda à un gue mais ce gué s'étant trouvé extrêmement mauvais, elle éprouva beaucoup de retard, ce qui l'empêcha de donner. La cavalerie ennemie essaya, pour protéger la retraite de l'infanterie, de charger nos troupes; mais elle ne les trouva pas faciles à épouvanter. La nuit qui survint, et l'extrême fatigue des troupes, dont plusieurs avaient fait, dans la journée, plus de dix lieues, ne nous permirent pas de nous acharner à leur poursuite. L'ennemi a perdu vingt pièces de canon, deux à trois mille hommes morts, blessés et prisonniers. Le citoyen Latour, aide-de-camp, capitaine du général Massena, a été blessé de plusieurs coups de sabre je demande la place de chef de Bataillon pour ce brave officier. Le citoyen Marmont, mon aide-de-camp chef de bataillon, a eu un cheval blessé sous lui. Le citoyen Marois, mon aide-de-camp, capitaine, a eu son habit criblé de balles le courage de ce jeune officier est égal à son activité.

<< Si j'étais tenu de nommer tous les militaires qui se sont distingués dans cette journée extraordinaire, je serais obligé de nommer tous les carabiniers et grenadiers de l'avantgarde, et presque tous les officiers de l'état-major; mais je ne dois pas oublier l'intrépide Berthier, qui a été dans cette journée canonnier, cavalier et grenadier. Le chef de brigade Sugny, commandant l'artillerie, s'est très-bien conduit.

<< Beaulieu fuit avec les débris de son armée; il traverse dans ce moment-ci les états de Venise, dont plusieurs villes lui ont fermé les portes.

<< Quoique, depuis le commencement de la campagne, nous ayons eu des affaires très-chaudes, et qu'il ait fallu que l'armée de la république payât souvent d'audace, aucune

cependant n'approche du terrible passage du pont de Lodi.

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« Si nous n'avons perdu que peu de monde nous le devons à la promptitude de l'exécution, et à l'effet subit qu'ont produit sur l'armée ennemie la masse et les feux redoutables de cette invincible colonne.

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< Je vous prie de confirmer le citoyen Monnier adjudantgénéral, qui sert en cette qualité, quoique non compris dans le dernier travail. Je vous demande la place de capitaine pour le citoyen Rey, aide-de-camp du brave Massena, et pour le citoyen Thoiret, digne adjudant-major du troisième bataillon des grenadiers. Dès l'instant que nous resterons deux jours dans le même endroit, je vous ferai passer le rapport des hommes qui se sont particulièrement distingués dans cette célèbre journée.

← Le commissaire du gouvernement a toujours été à mes côtés ; l'armée a des obligations réelles à son activité. »

Les Français, après le combat de Fombio, avaient poursuivi les Autrichiens jusques sous Pizzighitone. L'Adda, couvrant cette place, en retarda la prise, parce qu'ils étaient sans moyens de passer ce fleuve. Mais Beaulieu, fuyant vers Mantoue après la bataille de Lodi, et suivi dans sa retraite, ne put sauver ni Pizzighitone ni Crémone. Les Français investirent, le 22, la première de ces places, et, à la suite d'une vive canonnade, y entrèrent le 23, et firent environ quatre cents prisonniers. Crémone céda aux vainqueurs de leur opposer une résistance inutile, sans essayer tandis que l'avant-garde de Buonaparte se dirigeait sur Milan. Il y entra le 26, reçut en passant la soumission de Pavie, où il trouva presque tous les magasins de l'armée impériale, et de ce moment put regarder comme terminée la conquête de la Lombardie; car, bien que le château de Milan tint encore, les enseignes tricolores flottaient depuis l'extrémité du lac de Côme et la frontière du pays des Grisons jusqu'aux portes de Parme. Des succès si rapides,

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et tant de combats et de victoires en si peu de temps; exigeait qu'il donnât quelques jours de repos à une armée qu'un mois de courses et dé triomphe avait fatiguée.

Déja vingt-un drapeaux, monumens du courage de cette brave armée d'Italie et des défaites des armées autrichiennes et piémontaises, avaient été envoyés et présentés en son nom au directoire exécutif, et reçus par lui en séance publique, aux acclamations de vive la république ; et le jour même que Buonaparte entrait dans Milan, les ambassadeurs du roi de Sardaigne signaient à Paris le traité de paix définitif entre ce prince et la France. Il en a si rarement été fait de semblables et il est tellement dû à l'influence de l'armée d'Italie sur les transactions diplomatiques, qu'il doit entrer dans le récit de sa campagne.

« ARTICLE PREMIER. Il y aura paix, amitié et bon voisinage entre la république française et le roi de Sardaigne. Toutes hostilités cesseront entre les deux puissances à compter du moment de la signature du présent traité.

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< II. Le roi de Sardaigne révoque toute adhésion, consentement, et accession patente ou secrète, par lui donnés à la coalition armée contre la république française, à tout traité d'alliance offensive ou défensive qu'il pourrait avoir conclu contre elle avec quelque puissance ou état que ce soit. Il ne fournira aucun contingent en hommes ou en argent à aucune des puissances armées contre la France, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit.

« III. Le roi de Sardaigne renonce purement et simplement, à perpétuité, pour lui, ses successeurs et ayant cause, en faveur de la république française, à tous les droits qu'il pourrait prétendre sur la Savoie, les comtés de Nice, de Tende et de Beuil.

< IV. Les limites entre les états du roi de Sardaigne et les départemens de la république française seront établies sur une ligne déterminée par les points les plus avancés, du côté du Piémont, des sommets, plateaux des montagnes et

autres lieux ci-après désignés, ainsi que des sommets ou plateaux intermédiaires; savoir, en commençant au point où se réunissent les frontières du ci-devant Faucigny, duché d'Aouste et du Valais, à l'extrémité des glacières ou monts maudits, 1°. les sommets ou plateaux des Alpes, au levant Du col Mayor; 2°. le petit Saint-Bernard, et l'hôpital qui y est situé; 3°. les sommets ou plateaux du mont Alban, du col de Crisance et du mont Iseran; 4°. en se détournant un peu vers le sud, les sommets ou plateaux de Celst et du gros Caval, 5°. le grand mont Cenis, et l'hôpital placé au sud-est du lac qui s'y trouve ; 6o. le petit mont Cénis ; 7°. les sommets ou plateaux qui séparent la vallée de Bardonache du Val-des-Prés ; 8°. le mont Genèvre; 9o. les sommets ou plateaux qui séparent la vallée de Guières de celle des Vaudois; 10°. le mont de Viso; 11°. le col Maurin ; 12°. le mont de l'Argentière; 13o. la source de l'Ubayette et de la Sture; 14°. les montagnes qui sont entre les vallées de Sture et de Gesso, d'une part, et celles de Saint-Etienne ou Tinea, de Saint-Martin ou de Vesubia, de Tende ou de Roya, de l'autre part; 15°. la Roche-Barbon, sur les limites de l'état de Génes.

<< Si quelques communes, habitations ou portions de territoire desdites communes, actuellement unies à la république française, se trouvaient placées hors de la ligne frontière ci-dessus désignée, elles continueront à faire partie de la république, sans que l'on puisse tirer contre elles aucune induction du présent article.

< V. Le roi de Sardaigne s'engage à ne pas permettre aux émigrés ou déportés de la république française de s'arrêter ou séjourner dans ses états.

« Il pourra néanmoins retenir seulement à son service les émigrés des départemens du Mont-Blanc et des Alpes maritimes, tant qu'ils ne donneront aucun sujet de plaintes par des entreprises ou manœuvres tendantes à compromettre la sûreté intérieure de ladite république.

4 Vi, Le roi de Sardaigne renonce à toute répétition ou

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