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Dans l'espèce, les édifices dont s'agit ayant été construits sous les anciennes lois, les droits du voisinage, les formes et la distance des localités, sont soumis aux statuts qui régissaient les bâtimens de la ville de Diest.

Impossible d'appliquer, et la seule raison nous le dit, une loi nouvelle à des édifices élevés sur la foi des anciens réglemens.

C'est donc par les statuts, existant antérieurement au Code - Napoléon, que les droits respectifs des parties doivent être régis.

Le Code - Napoléon serait-il la loi de la cause, il n'en resterait pas moins vrai que la faculté, accordée au copropriétaire, d'exhausser le mur mitoyen doit être modérée, lorsqu'elle porte un préjudice notable au voisin.

L'équité est la loi universelle, c'est elle qui nous guide dans tous les cas qui ne sont pas formellement exprimés par une loi positive, et admettre qu'un voisin peut user de la chose commune au point de rendre nulle une partie du bien de son copropriétaire, c'est blesser la première règle d'équité.

Π

Il ne faut pas considérer la modicité de l'espace qui forme la cour de Mathys, enfermée aux extré mités par des bâtimens, pour se convaincre que l'élevation du mur mitoyen, par dessus lequel il recevait quelque jour pour sa cuisine déjà peu éclairée auparavant, l'obscurcit au point qu'on voit à peine en plein midi lorsque le ciel est pur.

Il n'entre dans l'esprit d'aucune loi de tolérer une

entreprise aussi nuisible au droit du voisinage et à celui qui résulte des coutrats de vente. Qui aurait acheté la maison de Mathys si on avait pu prévoir que le voisin pourrait acquérir la faculté de violer les statuts et de changer l'état des lieux en dépit de la stipulation que les deux maisons se vendaient comme elles se contenaient, et de l'existence d'un état de lieu depuis que les maisons sont bàties, c'est-à-dire depuis un temps immémorial.

Mathys invoquait les articles 50 et 103 des statuts et ordonnances locaux, développés dans les motifs de l'arrêt qui a terminé cette cause; mais Grandbéke lui répondait

Que l'article 50 lui était aussi favorable et même plus favorable que l'article 658 du Code - Napoléon, puisqu'il autorise le propriétaire à exhausser, à moins de documens au contraire, ou que la situation du lieu n'indique un empêchement naturel :

Qu'il n'existe aucun signe contraire à l'exercice de cette faculté entre les deux voisins :

Que quel que fût l'espace de temps dans lequel les choses ont resté dans l'état où elles étaient, l'un des copropriétaires n'a pas perdu la faculté de son droit d'exhausser :

Que la prescription du droit de recevoir obliquement la lumière ne saurait être acquise, puisque les deux maisons étaient réunies au moment de la vente dans le domaine d'une même personne, et que, suivant le principe nemini res sua servit, Vauthier n'avait pu acquérir de servitude sur lui même, ni en faire acquérir contre lui-même :

,

Que, quand même les deux maisons auraient ap partenu à deux propriétaires différens le droit qu'aurait acquis l'un d'eux, par prescription, de recevoir la lumière obliquement, étant distinct de la servitude altius non tollendi ou ne luminibus officiatur, n'empêcherait pas l'autre d'exhausser le mur mitoyen; il faudrait, pour légitimer cet obstacle, rapporter la preuve de la servitude, non altius tol lendi ou ne luminibus officiatur, soit par titre, soit par prescription dérivant d'un fait de contradiction, qui remonte à un temps suffisant pour prescrire:

Que la cour de cassation avait adopté cette distinction, en rejetant, par arrêt (*) du 10 janvier 1810, le pourvoi dirigé contre un arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens, daus la cause de Morand contre Herbert Carpentier.

Là, il avait été jugé qu'il ne suffisait pas d'avoir prescrit le droit de vue oblique, mais qu'il fallait de plus prouver la servitude non altius tollendi.

Grandbéke observait que l'exhaussement lui était d'une utilité évidente pour sa fabrique, qu'il ne l'avait pas fait per æmulationem, ni dans un esprit de tracasserie, et qu'au surplus Mathys exagerait, les inconvéniens de la nouvelle élevation du mur; que c'était moins l'exhaussement que la situation naturelle des lieux qui rendait sa cuisine obscure; cuisine dont l'usage était peu fréquent et peu essen. tiel dans la maison d'un petit boutiquier.

La cour,

voulant s'assurer de la nature et de la,

(*) Rapporté page 125, troisième cahier du journal des audiences, de Denévers, pour l'an 1810.

vérité des faits, ordonna une descente et vue des lieux pardevant commissaire.

Le procès-verbal descriptif des lieux constatait l'ancien état du mur mitoyen, l'exhaussement, l'étroit espace de la cour, tels que la désignation du tout a été faite précédemment, et les observations du commissaire que la cuisine qui recevait déjà peu de jour auparavant s'en trouvait presque totalement privée par l'effet du nouvel œuvre.

La cause ramenée à l'audience, Mathys renforçait ses moyens par le procès-verbal du commissaire.

Il disait que si l'article 50 des statuts et ordon. nances de Louvain était applicable à un mur commun, ce dont il ne convenait pas, la restriction, pourvu que la situation du lieu n'indique pas un empêchement naturel, suffirait pour assurer le triomphe de

sa cause;

Que l'article 103 est positif pour le cas où un propriétaire de deux maisons vend uti possidens.

Il ajoute que l'espèce dont il s'est agi dans l'ar. rét de la cour de cassation est disparate;

Qu'il était question d'une vue oblique, fournie par une fenêtre de côté, pratiquée à environ six pouces du mur mitoyen ;

Que Morand prétendait que par la position de cette fenètre il avait acquis le droit de vue oblique, et conséquemment celui d'empêcher l'exhaussement.

Morand agissait donc à titre de servitude, acquise par prescription, pour s'opposer à l'élevation du mur.

Qu'a dit la cour de cassation? que Morand avait bien acquis la servitude de fenêtre à vue oblique, mais que, n'ayant pas eu cette possession relativement à la servitude non altius tollendi, il fallait se soumettre à la règle tantum præscriptum quantum pos.

sessum ;

Que, la prescription non altius tollendi étant déclarée non acquise, la cour d'appel n'avait violé ni l'article 665, ni l'article 701 du Code - Napoléon, la disposition du premier de ces articles n'étant applicable que lorsque la prescription est acquise, et celle du deuxième supposant que le propriétaire qui fait sur son fonds un changement quelconque est débiteur de la servitude.

Mathys réclame-t-il à titre de servitude le maintien d'une fenêtre à vue oblique ?

Mathys invoque les règles du voisinage et de l'équité.

Mathys prétend que, les droits des propriétaires actuels, ayant été acquis et fixés leurs conpar trats antérieurement au code civil, ce sont les réglemens alors en vigueur qui sont la loi des parties;

Qu'un des voisins n'a pu abuser de la chose commune de manière à rendre la propriété de l'autre inutile ;

Que cependant l'inspection des lieux démontre que tel serait le résultat de l'entreprise de Granbéke;

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Que l'article 658 du Code Napoléon doit s'inter préter équitablement ;

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